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Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute par M. G. Dantec

Fiche de Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute

Titre : Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 2009
Editeur : Albin Michel

Première page de Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute

« Je suis entré dans le bureau de poste et j’ai dit :

– Bonjour m’sieurs dames ça sera pas long c’est un hold-up vous vous allongez par terre et vous comptez les grains de poussière.

Y avait pas foule dans la petite agence de quartier. Un couple de retraités et une matrone martiniquaise de ce côté-ci des guichets, et deux employés au teint photocopié sur la couleur des murs, de l’autre.

– TOUT LE MONDE PAR TERRE, j’ai gueulé, pour bien me faire comprendre. Vous, j’ai fait aux deux préposés, vous bougez un sourcil et je descends tout le monde de ce côté-là.

Ça s’est mis à gémir du côté des cartes vermeilles alors j’ai fait accélérer la cadence en agitant le Beretta et en gueulant encore un bon coup, puis je suis allé refermer à toute vitesse le verrou de la vieille porte d’entrée, toute pourrie, une véritable aubaine cette antique poste de quartier. On était cinq minutes avant l’heure de la fermeture, ils avaient pris un peu d’avance sur l’horaire les fonctionnaires PTT, c’est tout.

Je connaissais bien le topo des lieux, question sécurité c’était pas ça, même pas un œil-caméra dans un coin, j’ai balancé un gros coup de pompe dans la porte qui donnait derrière le comptoir, la serrure a carrément explosé et j’ai juste dit :

– Allez, tout le monde derrière. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute. »

Métacortex par M. G. Dantec

Fiche de Métacortex

Titre : Métacortex (Tome 2 sur 2 – Liber mundi)
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 2010
Editeur : Albin Michel

Première page de Métacortex

« Le travail consistait à effectuer le tri entre les morts et les vivants.

D’une part, les morts, le plus simple : masses agglutinées de corps blêmes sous la lumière lunaire, enchevêtrement de chairs sans plus la moindre singularité, ils peuvent encore avoir des corps, même démembrés, mais les macchabées n’ont plus de regard, ils n’ont plus de visage, ils ne ressentent plus aucune peur, ils n’ont plus ni libertés ni obligations, ils sont les plus chanceux d’entre tous.

De l’autre, un peu plus compliqué : les vivants, les survivants plutôt, ceux qui ont encore un visage, sauf qu’il s’agit d’un masque, une bouche pour parler, sauf qu’il s’agit d’un orifice incapable de proférer le moindre son, des yeux pour voir, sauf qu’ils sont tournés vers l’intérieur de leur cerveau détruit, il y a ceux qui ont failli mourir, il y a ceux qui sont presque morts, et il y a ceux qui voudraient l’être.

C’était un travail très simple, routinier, mécanique, répétitif. Le travail d’un prolétaire du désastre, quand il devient monde. C’était le travail d’un flic. Ce n’était pas un travail pire qu’un autre. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Metacortex – Liber mundi. »

Odd et les géants de glace par N. Gaiman

Fiche de Odd et les géants de glace

Titre : Odd et les géants de glace
Auteur : N. Gaiman
Date de parution : 2009
Traduction : V. Le Plouhinec
Editeur : Albin Michel

Première page de Odd et les géants de glace

« IL ÉTAIT UNE FOIS un garçon nommé Odd{1}, ce qui n’avait rien d’étrange ni d’inhabituel en ce temps et dans cette contrée-là. « Odd » signifiait « la pointe d’une lame », c’était un nom porte-bonheur.
Le garçon, en revanche, était un peu bizarre. C’était du moins l’avis des autres villageois. Bizarre, il l’était sans doute ; mais chanceux, certainement pas.
Son père avait péri au cours d’une expédition de pillage en mer deux années plus tôt, alors qu’Odd n’avait que dix ans. On avait déjà vu des hommes se faire tuer lors de ces raids, mais son père n’avait pas été occis par un Écossais, il n’était pas tombé glorieusement dans le feu du combat, en bon Viking. Non, il avait sauté par-dessus bord pour »

Extrait de : N. Gaiman. « Odd et les Géants de Glace. »

L’étrange vie de Nobody Owens par N. Gaiman

Fiche de L’étrange vie de Nobody Owens

Titre : L’étrange vie de Nobody Owens
Auteur : N. Gaiman
Date de parution : 2008
Traduction : V. Le Plouhinec
Editeur : Albin Michel

Première page de L’étrange vie de Nobody Owens

« IL Y AVAIT UNE MAIN dans les ténèbres, et cette main tenait un couteau.

Le manche du couteau était en os noir et lustré, et sa lame plus mince et effilée qu’un rasoir. Eût-elle tranché en vous, peut-être n’auriez-vous pas même perçu sa morsure, pas sur le moment.

Le couteau s’était acquitté de presque tout ce qui l’amenait là, et sa lame et son manche étaient humides.

La porte sur la rue était encore ouverte, à peine, là où s’étaient glissés dans la maison le couteau et l’homme qui le tenait, et par cette porte ouverte s’insinuaient en ondulant des volutes de brume nocturne.

Le Jack s’arrêta sur le seuil. De la main gauche il sortit un grand mouchoir blanc de son manteau noir, et il essuya le couteau, et le gant de sa main droite qui l’avait tenu ; puis il rangea le mouchoir. »

Extrait de : N. Gaiman. « L’Etrange vie de Nobody Owens. »

Coraline par N. Gaiman

Fiche de Coraline

Titre : Coraline
Auteur : N. Gaiman
Date de parution : 2002
Traduction : H. Collon
Editeur : Albin Michel

Première page de Coraline

« CORALINE découvrit la porte peu après avoir emménagé dans la maison.

C’était une très vieille maison, avec un grenier sous le toit, une cave en sous-sol et un jardin à l’abandon plein d’arbres très grands et très vieux.

Les parents de Coraline n’étaient pas propriétaires de toute la maison – elle était trop grande pour ça. Ils n’en possédaient qu’une partie.

D’autres gens habitaient là aussi.

Au rez-de-chaussée, c’est-à-dire en dessous de chez Coraline, il y avait les demoiselles Spink et Forcible. Vieilles, toutes rondes, elles partageaient leur appartement avec un certain nombre de terriers blancs affublés de noms de personnes tels que Hamish, André ou Jock. Autrefois elles avaient été actrices, Mlle Spink l’avait raconté à Coraline le jour où elles avaient fait connaissance.

« Vois-tu, Caroline, lui dit-elle en se trompant d’emblée sur son prénom, de notre temps, Mlle Forcible et moi étions des comédiennes célèbres. »

Extrait de : N. Gaiman. « Coraline. »

Kampus par J. E. Gunn

Fiche de Kampus

Titre : Kampus
Auteur : J. E. Gunn
Date de parution : 1977
Traduction : F.-M. Watkins
Editeur : Albin Michel

Première page de Kampus

« Gavin planait dans la folie sensuelle du Kamaval comme une molécule esclave dans un des amplificateurs des Savages, vibrant avec les accords de la guitare basse, bousculé par le martèlement de la batterie, filant sur les cordes du thème dans un mouvement impitoyable, inconséquent… Boum, vroum-vroum, tica-tic, twink, plink…

Quelqu’un, quelque part, lui avait glissé un hallucinogène. Dans les recoins de son esprit, il essayait de se rappeler ce qu’il avait mangé, bu ou fumé, cherchait quel ami lui avait voulu du bien ou quel ennemi tenait à le neutraliser, et dans quel but, pendant cette journée la plus importante de l’année universitaire. Mais, délivré de tout souci, il flottait au-dessus de ce noyau central d’inquiétude, comme un ballon rouge au-dessus d’un cratère de lave, et savourait sa libération du démon assis sur ses épaules, qui le chevauchait de-ci, de-là, dont le fouet incrusté de métal flagellait ses entrailles à travers la peau, les muscles, le cœur et le foie. »

Extrait de : J. E. Gunn. « Kampus. »

Shooting star par F. Colin

Fiche de Shooting star

Titre : Shooting star
Auteur : F. Colin
Date de parution : 2019
Editeur : Albin Michel

Première page de Shooting star

« Marilyn n’est pas morte. Le mot « mort » ne signifie pas grand-chose quand on n’a jamais vécu que sur un écran.

Certaines nuits, sans que l’on sache quel ensorcellement l’a tirée du sommeil, une jeune femme blonde à la beauté sans pareille quitte sa maison de Brentwood, 12305 Fifth Helena Drive et entame, à travers la Cité des Anges, un long, un interminable périple.

L.A. est le royaume des fous et des poètes en flammes ; j’en ai connu certains. Ses nuits sont peuplées de spectres maussades, de coyotes hirsutes, de mammouths poisseux, de vampires en smoking, d’Indiens sanguinolents, de monstres aux sourires d’anges, de faussaires magnifiques, et d’acteurs, surtout, d’acteurs n’ayant, pour la plupart, joué que dans un film unique : celui de leur propre existence. »

Extrait de : F. Colin. « Shooting star. »

Rester debout par F. Colin

Fiche de Rester debout

Titre : Rester debout – Simone Veil
Auteur : F. Colin
Date de parution : 2018
Editeur : Albin Michel

Première page de Rester debout

« Une pluie noire tombe sur la ville. On dirait des cendres – un tableau vivant, tout de lenteur funèbre. Il fait froid, pour cette dernière nuit de juin, anormalement froid : en bas, dans le jardin, même les bosquets frissonnent.
Simone est entrée dans l’été sans trop y croire, sans trop comprendre, comme on s’enfonce dans le brouillard. Elle rêve à ses jeunes années. N’est-ce pas ce qu’elle souhaitait ? Une nuit comme celle-ci, la dernière, une nuit interminable qui, à la fin, se fondrait en autre chose… Retrouver le pays radieux de l’enfance et des amies chères, des Éclaireuses en goguette, battre le pavé, courir sur les allées éclaboussées de soleil, instants bénis. « Regarde ! Regarde ! La mer et son bleu si fort, si pur, et les mouettes ! » – la petite fille rit aux éclats, ils sont là, tous là, ses sœurs et son frère, son père, sa mère surtout. « Maman ! Oh, maman… »
Dans son sommeil, la vieille dame soudain s’agite et gémit, esquisse un geste tremblant, caresse les contours d’un visage invisible. Elle respire mal ; sa poitrine, chaque fois qu’elle se soulève, produit des râles qu’elle n’entend pas. Deux semaines encore, le 13 juillet 2017, et la France fêtera son quatre-vingt-dixième anniversaire. »

Extrait de : F. Colin. « Rester debout – Simone Veil ou la naissance d’une légende. »

Michelle et Barack par F. Colin

Fiche de Michelle et Barack

Titre : Michelle et Barack
Auteur : F. Colin
Date de parution : 2021
Editeur : Albin Michel

Première page de Michelle et Barack

« Ils dansaient enlacés, à présent, flottant, lents et parfaits, au-dessus de la piste circulaire du Walter E. Washington Convention Center, et il chuchotait des secrets à son oreille tandis que, dans les yeux des spectateurs, mille larmes brillaient comme autant d’étoiles. C’était le soir du 20 janvier 2009, on célébrait l’investiture du nouveau président des États-Unis.
Debout sur une estrade au milieu du public, Beyoncé Knowles avait entamé les couplets inauguraux de At last, une chanson de blues écrite en 1941 sur laquelle Michelle et Barack Obama avaient ouvert le bal de leur mariage1. « I found a dream that I could speak to / A dream that I can call my own. » At last, « enfin » : cela sonnait comme un soupir, une exclamation, l’expression d’une joie incrédule. Mais enfin quoi ? Un chef d’État afro-américain démocratiquement élu à la tête de la première puissance mondiale – un bouleversement encore impensable quelques années auparavant ? Ou, mieux : l’avènement, après des siècles de combat et de souffrance, d’un monde juste et égalitaire ? Il était tôt, bien trop tôt pour affirmer que ce monde adviendrait avant longtemps ; au moins, désormais, était-il permis d’espérer. »

Extrait de : F. Colin. « Michelle et Barack. »

Magnetic island par F. Colin

Fiche de Magnetic island

Titre : Magnetic island
Auteur : F. Colin
Date de parution : 2017
Editeur : Albin Michel

Première page de Magnetic island

« Je vais mieux.
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le docteur Archer, qui me suit depuis quelques semaines. Il prétend que ça s’entend au timbre de ma voix. Que mon attitude a changé. Je me tiens plus droit, affirme-t-il, mon regard est plus franc.
Il y a eu une rechute. Je m’en suis sorti. L’un dans l’autre, c’est bien ce que Jill, ma thérapeute, avait prédit.
Dehors, sur la pelouse fraîchement tondue de la clinique, Tom, l’infirmier au crâne bosselé, a posé un genou à terre. Curieux de savoir ce qu’il va sortir de son seau en fer – méfiants, aussi –, les wallabies s’approchent. Des pommes rouges, brillantes comme des boules de billard. Il leur en tend une et attend que les mâles les plus courageux consentent à s’approcher. Ce qu’ils font, par bonds légers. Ils se regardent ; on dirait qu’ils se défient. « Eh bien, vas-y, toi, puisque tu es si malin !  »

Extrait de : F. Colin. « Magnetic Island.  »