Étiquette : Flammarion

 

Un enfant de l’amour par Doris Lessing

Fiche de Un enfant de l’amour

Titre : Un enfant de l’amour
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2003
Traduction : I. D. Philippe
Editeur : Flammarion

Première page de Un enfant de l’amour

« Un jeune homme descendit d’un train à Reading ; il donna à la valise qu’il tenait un mouvement si maladroit qu’elle faillit heurter le visage d’un autre jeune homme. Ce dernier se retourna en portant une main à sa tête pour donner plus de poids à son indignation, mais son froncement de sourcils s’effaça dans l’instant, et il s’écria :
— James Reid. Mais c’est Jimmy Reid !
Tous deux se serrèrent la main et se tapèrent dans le dos dans le nuage de vapeur qui s’échappait en sifflant de la motrice.
Deux ans plus tôt ils avaient été ensemble au lycée. Depuis cette époque, James suivait des cours de gestion et de comptabilité ; il avait salué la nouvelle que Donald « faisait de la politique » par un « Bravo, un métier qui paie bien ! » Car Donald avait toujours su tirer parti des aubaines qui se présentaient à lui, des voyages et des circonstances, alors que lui, James, continuait à compter chaque sou. »

Extrait de : D. Lessing. « Un enfant de l’amour. »

Le temps mord par Doris Lessing

Fiche de Le temps mord

Titre : Le temps mord
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2004
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de Le temps mord

« L’approche de la vieillesse, cette via dolorosa, nous est présentée comme une longue descente après l’âge d’or de la jeunesse. Pourtant on trouverait difficilement quelqu’un que la perspective de revivre son adolescence ou même ses vingt ans ne ferait pas frémir. On n’apprend que lentement à apprivoiser ses propres émotions. J’ai entendu bien des gens déclarer que la trentaine ou la quarantaine étaient pour eux le meilleur âge. La vie humaine, que Shakespeare considère comme une succession d’étapes, n’est pas clairement délimitée, surtout quand on découvre sur soi très jeune les signes avant-coureurs du vieillissement, avec l’apparition des premiers cheveux blancs, comme de la neige en plein été.

Il reste que nous savons qu’un moment va venir où certains événements vont se produire. Nous sommes avertis, on ne cesse d’en parler. Les dents, les yeux, les oreilles, la peau : rien ne pourra vous surprendre, vous semble-t-il. »

Extrait de : D. Lessing. « Le Temps mord. »

Le rêve le plus doux par Doris Lessing

Fiche de Le rêve le plus doux

Titre : Le rêve le plus doux
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2001
Traduction : I. D. Philippe
Editeur : Flammarion

Première page de Le rêve le plus doux

« Un début de soirée d’automne. La rue en contrebas offrait un décor de petites lumières jaunes, évocatrices d’intimité, et de gens déjà habillés chaudement pour l’hiver. Dans son dos, la pièce se remplissait d’une fraîche obscurité, mais rien ne pouvait l’atteindre : elle était sur un petit nuage, aussi heureuse qu’un enfant qui venait de faire ses premiers pas. La raison de cette légèreté inhabituelle était un télégramme de son ex-mari, Johnny Lennox – le camarade Johnny – reçu trois jours plus tôt. SIGNÉ CONTRAT POUR FILM SUR FIDEL TE RÈGLE DIMANCHE TOTALITÉ ARRIÉRÉS ET MOIS EN COURS. Aujourd’hui, on était dimanche. Le recours à l’expression « totalité arriérés » s’expliquait, elle en était sûre, par une sorte d’exaltation fébrile, proche de ce qu’elle-même ressentait en ce moment : il n’était pas question qu’il lui paie la « totalité », ce qui devait, à l’heure actuelle, représenter une telle somme qu’elle ne se donnait même plus la peine d’en tenir la comptabilité. Mais il devait certainement attendre un joli paquet pour se montrer si sûr de lui. À ce moment-là, un léger trouble – l’appréhension ? – la saisit. »

Extrait de : D. Lessing. « Le Rêve le plus doux. »

Filles impertinentes par Doris Lessing

Fiche de Filles impertinentes

Titre : Filles impertinentes
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 1984
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de Filles impertinentes

« Une photographie de ma mère me la présente sous les traits d’une collégienne imposante, au visage rond empreint de cette assurance caractéristique, me semble-t-il, de l’ère victorienne. Ses cheveux sont noués en arrière avec un ruban noir. Elle porte l’uniforme du collège – un large chemisier blanc et une longue jupe sombre. Sur une photographie prise quarante-cinq ans plus tard, elle apparaît maigre, vieille et sévère, et nous regarde bravement du fond d’un monde de déception et de frustration. Elle est debout près de mon père, la main sur le dossier de sa chaise. Il est contraint de rester assis car il est malade. Comme toujours. Manifestement, il a toutes les peines à se tenir droit. Cependant il arbore le complet de rigueur, sans doute parce qu’elle lui a demandé de faire cet effort. Elle porte une robe de couturière plutôt élégante, confectionnée dans un coupon acheté en solde.
Ce récit a pour objet la distance qui sépare ces deux photographies. Il semble qu’il m’ait fallu toute une vie pour comprendre mes parents, au long d’un chemin jalonné de surprises. »

Extrait de : D. Lessing. « Filles impertinentes. »

Ces prisons où nous choisissons de vivre par Doris Lessing

Fiche de Ces prisons où nous choisissons de vivre

Titre : Ces prisons où nous choisissons de vivre
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 1986
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de Ces prisons où nous choisissons de vivre

« Voilà bien longtemps, un fermier aussi prospère que respecté possédait l’un des plus beaux troupeaux de vaches laitières du pays, si bien que des fermiers de toute la partie méridionale du continent venaient lui demander des conseils. Cela se passait dans l’ancienne Rhodésie du Sud, où j’ai grandi et qui s’appelle maintenant le Zimbabwe. Quant à l’époque, c’était juste après la Seconde Guerre mondiale.

Je connaissais bien ce fermier et sa famille. Il était d’origine écossaise et décida de faire venir d’Écosse un taureau exceptionnel. À cette époque, la science n’avait pas encore découvert comment expédier d’un continent à l’autre par la poste de petits paquets contenant de futurs veaux. L’animal arriva le jour dit, en avion naturellement, et eut droit à un comité d’accueil composé de fermiers, d’amis, de connaisseurs. »

Extrait de : D. Lessing. « Ces prisons où nous choisissons de vivre. »

Alfred et Emily par Doris Lessing

Fiche de Alfred et Emily

Titre : Alfred et Emily
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2008
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de Alfred et Emily

« Les soleils des longs étés du début du siècle dernier ne promettaient que paix et abondance, sans parler de la prospérité et du bonheur. De mémoire d’homme, on n’avait jamais vu des journées aussi imperturbablement ensoleillées. D’innombrables mémoires et romans l’ont certifié, aussi puis-je affirmer en toute confiance qu’en ce dimanche après-midi d’août 1902, dans le village de Longerfield, le temps était splendide. C’était le jour de la fête annuelle de l’Allied Essex and Suffolk Bank. La scène avait lieu dans une vaste prairie que le fermier Redway prêtait chaque année et qui était occupée par des vaches la plupart du temps. Plusieurs activités se déroulaient simultanément. À l’extrémité de la prairie, le tumulte et les cris d’excitation indiquaient que les enfants jouaient à cet endroit. »

Extrait de : D. Lessing. « Alfred et Emily. »

L’histoire du Général Dann par Doris Lessing

Fiche de L’histoire du Général Dann

Titre : L’histoire du Général Dann (Tome 2 sur 2 – Cycle de l’eau)
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2005
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de L’histoire du Général Dann

« Il suffirait à Dann de bouger à peine la main, d’un côté ou de l’autre, et ce serait la chute.
Il s’était allongé, comme un plongeur, et se cramponnait à l’extrémité d’une fragile saillie de roche noire, dont la partie inférieure avait été usée par l’eau et par le vent. De loin, on aurait dit un doigt obscur pointé vers la cataracte se déversant sur une paroi de rocs sombres, où elle se volatilisait instantanément en une brume tourbillonnante. Cette vision mouvante fascinait Dann, comme s’il contemplait une falaise rugissante, d’un blanc éclatant. Le bruit l’assourdissait. Il avait l’impression d’entendre des voix l’appeler du fond d’un orage, bien qu’il sût que ce n’étaient que les cris des oiseaux de mer. Ainsi penché, il ne voyait qu’une immense cascade d’eau limpide. S’il levait la tête au-dessus de son bras et regardait devant lui, il apercevait au loin, au-delà de l’abîme au bord duquel il gisait, des nuées basses qui étaient de la neige et de la glace.
Tout était blanc sur blanc, et il respirait l’air frais de la mer, qui nettoyait ses poumons de l’odeur fade et humide du Centre. »

Extrait de : D. Lessing. « L’Histoire du Général Dann – Cycle de l’eau. »

Mara et Dann par Doris Lessing

Fiche de Mara et Dann

Titre : Mara et Dann (Tome 1 sur 2 – Cycle de l’eau)
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 1999
Traduction : I. D. Philippe
Editeur : Flammarion

Première page de Mara et Dann

« La scène qu’enfant, puis adolescente et enfin jeune femme elle s’efforcerait tant de garder en mémoire était assez claire au début. Elle avait été entraînée de force – tantôt portée, tantôt tirée par la main –, par une nuit noire, seules les étoiles étaient visibles, puis on l’avait poussée dans une chambre en lui ordonnant de se taire, et les gens qui l’avaient amenée avaient disparu. Elle n’avait pas prêté attention à leurs visages, à leur aspect, elle était trop effrayée, mais c’était son peuple, le Peuple, elle en était sûre. La chambre ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait connu. C’était un carré, construit avec des rocs énormes. Elle se tenait dans une des maisons rocheuses. Elle les côtoyait depuis toujours. Les maisons rocheuses étaient là où vivaient « les autres », le peuple des Rochers. Pas son peuple à elle, qui les méprisait. Elle avait souvent vu le peuple des Rochers marcher sur les routes, s’écarter vite du chemin à la vue du Peuple, mais l’aversion qu’on lui avait inculquée à leur encontre lui interdisait de bien les regarder. Elle en avait peur, elle les trouvait laids. »

Extrait de : D. Lessing. « Mara et Dann – Cycle de l’eau. »

Les âmes du purgatoire par Prosper Mérimée

Fiche de Les âmes du purgatoire

Titre : Les âmes du purgatoire
Auteur : Prosper Mérimée
Date de parution : 1834
Editeur : Flammarion

Première page de Les âmes du purgatoire

« Cicéron dit quelque part, c’est, je crois, dans son traité De la nature des dieux, qu’il y a eu plusieurs Jupiters, – un Jupiter en Crète, – un autre à Olympie, – un autre ailleurs ; – si bien qu’il n’y a pas une ville de Grèce un peu célèbre qui n’ait eu son Jupiter à elle. De tous ces Jupiters on en a fait un seul à qui l’on a attribué toutes les aventures de chacun de ses homonymes. C’est ce qui explique la prodigieuse quantité de bonnes fortunes qu’on prête à ce dieu.
La même confusion est arrivée à l’égard de don Juan, personnage qui approche de bien près de la célébrité de Jupiter. Séville seule a possédé plusieurs don Juans ; mainte autre ville cite le sien. Chacun avait autrefois sa légende séparée. Avec le temps, toutes se sont fondues en une seule. »

Extrait de : Prosper Mérimée. « Les Âmes du purgatoire. »

Chronique du règne de Charles IX par Prosper Mérimée

Fiche de Chronique du règne de Charles IX

Titre : Chronique du règne de Charles IX
Auteur : Prosper Mérimée
Date de parution : 1829
Editeur : Flammarion

Première page de Chronique du règne de Charles IX

« Non loin d’Étampes, en allant du côté de Paris, on voit encore un grand bâtiment carré, avec des fenêtres en ogive, ornées de quelques sculptures grossières. Au-dessus de la porte est une niche qui contenait autrefois une madone de pierre ; mais dans la révolution elle eut le sort de bien des saints et des saintes, et fut brisée en cérémonie par le président du club révolutionnaire de Larcy. Depuis on a remis à sa place une autre vierge, qui n’est que de plâtre à la vérité, mais qui, au moyen de quelques lambeaux de soie et de quelques grains de verre, représente encore assez bien, et donne un air respectable au cabaret de Claude Giraut.
Il y a plus de deux siècles, c’est-à-dire en 1572, ce bâtiment était destiné, comme à présent, à recevoir les voyageurs altérés ; mais il avait alors une tout autre apparence. »

Extrait de : Prosper Mérimée. « Chronique du règne de Charles IX. »