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Victoria et les Staveney par D. Lessing

Fiche de Victoria et les Staveney

Titre : Victoria et les Staveney
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2010
Traduction : P. Giraudon
Editeur : J’ai lu

Première page de Victoria et les Staveney

« La cour de récréation était déjà plongée dans une ombre glacée. En arrivant au portail, les gens regardaient dans la direction d’où s’élevaient les voix de deux groupes d’enfants. Il était malaisé de distinguer qui était qui. Une sorte d’instinct permettait aux enfants du groupe le plus important de reconnaître leurs proches parmi les arrivants, et ils se précipitaient vers eux, seuls ou par paires, afin qu’on les ramène à la maison. Deux enfants restaient isolés au milieu du terrain, lequel était entouré de hauts murs surmontés de tessons de verre. Ils faisaient beaucoup de bruit. Un petit garçon se démenait, distribuait des coups de pied à l’aveuglette, en hurlant :
— Il a oublié. J’avais bien dit à maman qu’il oublierait !
Une fillette essayait de le calmer et de le consoler. Lui était grand pour son âge, tandis qu’elle était fluette, la tête hérissée de nattes raides dont les rubans roses pendaient, amollis par l’humidité froide. Elle était plus vieille que lui, mais non plus grande. »

Extrait de : D. Lessing. « Victoria et les Staveney. »

Le temps mord par D. Lessing

Fiche de Le temps mord

Titre : Le temps mord
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2004
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de Le temps mord

« L’approche de la vieillesse, cette via dolorosa, nous est présentée comme une longue descente après l’âge d’or de la jeunesse. Pourtant on trouverait difficilement quelqu’un que la perspective de revivre son adolescence ou même ses vingt ans ne ferait pas frémir. On n’apprend que lentement à apprivoiser ses propres émotions. J’ai entendu bien des gens déclarer que la trentaine ou la quarantaine étaient pour eux le meilleur âge. La vie humaine, que Shakespeare considère comme une succession d’étapes, n’est pas clairement délimitée, surtout quand on découvre sur soi très jeune les signes avant-coureurs du vieillissement, avec l’apparition des premiers cheveux blancs, comme de la neige en plein été.

Il reste que nous savons qu’un moment va venir où certains événements vont se produire. Nous sommes avertis, on ne cesse d’en parler. Les dents, les yeux, les oreilles, la peau : rien ne pourra vous surprendre, vous semble-t-il. »

Extrait de : D. Lessing. « Le Temps mord. »

Filles impertinentes par D. Lessing

Fiche de Filles impertinentes

Titre : Filles impertinentes
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 1984
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de Filles impertinentes

« Une photographie de ma mère me la présente sous les traits d’une collégienne imposante, au visage rond empreint de cette assurance caractéristique, me semble-t-il, de l’ère victorienne. Ses cheveux sont noués en arrière avec un ruban noir. Elle porte l’uniforme du collège – un large chemisier blanc et une longue jupe sombre. Sur une photographie prise quarante-cinq ans plus tard, elle apparaît maigre, vieille et sévère, et nous regarde bravement du fond d’un monde de déception et de frustration. Elle est debout près de mon père, la main sur le dossier de sa chaise. Il est contraint de rester assis car il est malade. Comme toujours. Manifestement, il a toutes les peines à se tenir droit. Cependant il arbore le complet de rigueur, sans doute parce qu’elle lui a demandé de faire cet effort. Elle porte une robe de couturière plutôt élégante, confectionnée dans un coupon acheté en solde.
Ce récit a pour objet la distance qui sépare ces deux photographies. Il semble qu’il m’ait fallu toute une vie pour comprendre mes parents, au long d’un chemin jalonné de surprises. »

Extrait de : D. Lessing. « Filles impertinentes. »

Ces prisons où nous choisissons de vivre par D. Lessing

Fiche de Ces prisons où nous choisissons de vivre

Titre : Ces prisons où nous choisissons de vivre
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 1986
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de Ces prisons où nous choisissons de vivre

« Voilà bien longtemps, un fermier aussi prospère que respecté possédait l’un des plus beaux troupeaux de vaches laitières du pays, si bien que des fermiers de toute la partie méridionale du continent venaient lui demander des conseils. Cela se passait dans l’ancienne Rhodésie du Sud, où j’ai grandi et qui s’appelle maintenant le Zimbabwe. Quant à l’époque, c’était juste après la Seconde Guerre mondiale.

Je connaissais bien ce fermier et sa famille. Il était d’origine écossaise et décida de faire venir d’Écosse un taureau exceptionnel. À cette époque, la science n’avait pas encore découvert comment expédier d’un continent à l’autre par la poste de petits paquets contenant de futurs veaux. L’animal arriva le jour dit, en avion naturellement, et eut droit à un comité d’accueil composé de fermiers, d’amis, de connaisseurs. »

Extrait de : D. Lessing. « Ces prisons où nous choisissons de vivre. »

Alfred et Emily par D. Lessing

Fiche de Alfred et Emily

Titre : Alfred et Emily
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2008
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de Alfred et Emily

« Les soleils des longs étés du début du siècle dernier ne promettaient que paix et abondance, sans parler de la prospérité et du bonheur. De mémoire d’homme, on n’avait jamais vu des journées aussi imperturbablement ensoleillées. D’innombrables mémoires et romans l’ont certifié, aussi puis-je affirmer en toute confiance qu’en ce dimanche après-midi d’août 1902, dans le village de Longerfield, le temps était splendide. C’était le jour de la fête annuelle de l’Allied Essex and Suffolk Bank. La scène avait lieu dans une vaste prairie que le fermier Redway prêtait chaque année et qui était occupée par des vaches la plupart du temps. Plusieurs activités se déroulaient simultanément. À l’extrémité de la prairie, le tumulte et les cris d’excitation indiquaient que les enfants jouaient à cet endroit. »

Extrait de : D. Lessing. « Alfred et Emily. »

L’histoire du Général Dann par D. Lessing

Fiche de L’histoire du Général Dann

Titre : L’histoire du Général Dann (Tome 2 sur 2 – Cycle de l’eau)
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2005
Traduction : P. Giraudon
Editeur : Flammarion

Première page de L’histoire du Général Dann

« Il suffirait à Dann de bouger à peine la main, d’un côté ou de l’autre, et ce serait la chute.
Il s’était allongé, comme un plongeur, et se cramponnait à l’extrémité d’une fragile saillie de roche noire, dont la partie inférieure avait été usée par l’eau et par le vent. De loin, on aurait dit un doigt obscur pointé vers la cataracte se déversant sur une paroi de rocs sombres, où elle se volatilisait instantanément en une brume tourbillonnante. Cette vision mouvante fascinait Dann, comme s’il contemplait une falaise rugissante, d’un blanc éclatant. Le bruit l’assourdissait. Il avait l’impression d’entendre des voix l’appeler du fond d’un orage, bien qu’il sût que ce n’étaient que les cris des oiseaux de mer. Ainsi penché, il ne voyait qu’une immense cascade d’eau limpide. S’il levait la tête au-dessus de son bras et regardait devant lui, il apercevait au loin, au-delà de l’abîme au bord duquel il gisait, des nuées basses qui étaient de la neige et de la glace.
Tout était blanc sur blanc, et il respirait l’air frais de la mer, qui nettoyait ses poumons de l’odeur fade et humide du Centre. »

Extrait de : D. Lessing. « L’Histoire du Général Dann – Cycle de l’eau. »