Étiquette : La volte
Toxoplasma par D. Calvo

Fiche de Toxoplasma
Titre : Toxoplasma
Auteur : D. Calvo
Date de parution : 2017
Editeur : La volte
Première page de Toxoplasma
« Plus forêt non. Désastre.
Une terre éventrée de racines, ruines d’arbres noyées dans la boue. Cette dévastation de troncs tresse un labyrinthe sans issue. Éteintes les rhapsodies d’oiseaux.
Au loin tonne un grondement sourd. Mousse et feuilles accueillent les larmes du ciel comme une consolation.
Une silhouette danse au fond du bois brisé – ses mains tracent dans la désolation la figure d’une folle d’une
Nikki ouvre les yeux. Signal d’alarme au fond du ventre, pipi ou bien terreur. Un drap tout fin colle son corps couvert de sueur. Dehors : nuit partout. »
Extrait de : D. Calvo. « Toxoplasma. »
Sous la colline par D. Calvo

Fiche de Sous la colline
Titre : Sous la colline
Auteur : D. Calvo
Date de parution : 2015
Editeur : La volte
Première page de Sous la colline
« Au bord du boulevard Michelet, entre un Hyper Casino et Saint Maclou, l’Unité d’Habitation Le Corbusier somnole sous les étoiles. On l’appelle Le Corbu, le Phalanstère, l’Usine de sucre, la Cité radieuse, la Maison du Fada, l’Éléphant.
D’autres noms circulent, des noms secrets murmurant l’ampleur d’un projet urbain visionnaire, inachevé. Des blocs enterrés surgissent du gravier, ruines envahies de mousse, des stèles aux fonctions inaccessibles, sculptées de motifs indéchiffrables. Sur le toit, on devine les formes géométriques de superstructures architecturales aux fonctions mystérieuses.
Le Corbu est un rébus.
Posée de traviole sur ses pilotis, l’œuvre trône au centre d’un parc aux platanes antédiluviens. D’autres signes y prolifèrent : un parking aux voitures anonymes, le rideau en fer taggué d’un bar-tabac, de mauvaises herbes. »
Extrait de : D. Calvo. « Sous la Colline. »
Melmoth furieux par D. Calvo

Fiche de Melmoth furieux
Titre : Melmoth furieux
Auteur : D. Calvo
Date de parution : 2021
Editeur : La volte
Première page de Melmoth furieux
« Eurodisney ouvre ses portes le 11 avril 1992 à 10 heures du matin. Une journée de fanfares – du sinistre à perte de vue. Les hôtels dégueulent de VIP de journalistes d’agents de voyages. Tout le monde a son poncho jaune. Tout le monde se pèle le cul.
Des canalisations sautent en fin de matinée. Elles inondent de putride le conte de fées ; des bugs mécaniques sur plusieurs attractions, des opérateurs en bottes d’égoutier – on parle de parents blessés – de rats en grappe. Des enfants pleurent : un Dingo dingue leur a mis des gifles à la sortie de Peter Pan. Le grand chien a disparu, laissant derrière lui des bouts de son costume, des chaussures trop grandes. Une oreille.
Deux bombes détruisent plusieurs pylônes d’électricité en fin d’après-midi. On blâme ces mystérieux anarchistes qui deux ans plus tôt avaient saccagé le centre d’accueil provisoire bâti près du site pendant la construction. Ces mêmes activistes qui avaient lancé des œufs sur le PDG Michael Eisner quand il était venu à Paris célébrer l’entrée du parc en Bourse. Leur message était clair : Barre-toi, Souris Noire. »
Extrait de : D. Calvo. « Melmoth furieux. »
Elliot du néant par D. Calvo

Fiche de Elliot du néant
Titre : Elliot du néant
Auteur : D. Calvo
Date de parution : 2012
Editeur : La volte
Première page de Elliot du néant
« Au début, il y a tout. Le plein, indifférencié, mêlé de lui, soupe trop riche, trop épaisse, bouillon turbulent. Enceint d’infini, ce ventre non délimité : tout y est possible sans contraintes, donc sans forme. Un œil extérieur pourrait y discerner un monde en mouvement, qui se mange puis se régurgite ; mais, hors limites, point d’intérieur, ni d’extérieur : simplement, le bâillement long des possibles, les non-espaces molaires qui détendent et poussent la membrane de ce qui n’est pas. Rien n’est en devenir, tout est déjà là, dans cette boule sans circonférence, dans ce carré sans sinus, qui n’éternue pas. Il n’y a rien dehors, rien qui puisse être défini car dehors n’est pas une notion. Seuls les mots peuvent dégager un semblant d’organisation dans cet ensemble sans début ni fin. Sans mot, tout peut s’y lire, les paradoxes résolus dans un même mouvement, pas même respiration, puisque croissance et décroissance n’existent pas. »
Extrait de : D. Calvo. « Elliot du néant. »
On est bien seul dans l’univers par P. Curval

Fiche de On est bien seul dans l’univers
Titre : On est bien seul dans l’univers
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2017
Editeur : La volte
Sommaire de On est bien seul dans l’univers
- Deathbook
- Un voyage objectif
- Regarde, fiston, s’il n’y a pas un extraterrestre derrière la bouteille de vin
- La vie est courte, la nature hostile et l’homme ridicule
- Les collines inspirées
- L’homme qui s’arrêta
- Silane
- Canards du doute
- Perdre son temps
- Debout, les morts ! Le train fantôme entre en gare
- Passion sous les tropiques
- Le sourire du chauve
- Adamève
- Cuisine kitzyn
- La nécropole enracinée
- L’enfant-sexe
- L’arc tendu du désir
- Malinka est-elle morte ?
- Parlez-moi d’amour
- Au tirage et au grattage
- On est bien seul dans l’univers
- Ecrire
Première page de Deathbook
« Quoi de neuf, maman ?
— Des petits vers d’un type nouveau.
— Qu’entends-tu par-là ?
— Ils me rongent avec une extrême délicatesse. C’est un fourmillement délicieux. En y pensant, mon mental frissonne de plaisir.
— Mais tu m’avais déjà dit…
— Que les bactéries faisaient un bon travail de destruction insidieuse, c’est sûr ! Mais beaucoup trop lent, malgré tout. Elles n’ont pas la capacité de provoquer en moi le sentiment de disparaître vraiment, de m’assimiler enfin à l’univers, comme j’y aspire. Sans compter qu’au début, elles donnent naissance à d’horribles ballonnements, avec tous les dommages collatéraux, en particulier… »
Extrait de : P. Curval. « On est bien seul dans l’univers. »
Les nuits de l’aviateur par P. Curval

Fiche de Les nuits de l’aviateur
Titre : Les nuits de l’aviateur
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2016
Editeur : La volte
Première page de Les nuits de l’aviateur
« C’était la fin de l’automne !
C’était la fin de l’automne ! Quand Vincent revenait du lycée Michelet, le soleil atone étouffait sous des brouillards bas. Le ciel lui frôlait la tête. L’allée qui descendait depuis les bâtiments de style militaire dessinait une vaste courbe à travers le parc. Les jardiniers balayaient les feuilles en gros tas, démolis aussitôt lorsque le vent soufflait en bourrasques. Ses semelles écrasaient avec un bruit sec des insectes triangulaires, rouges à taches noires, qui défilaient en rangs serrés vers des Waterloo ignorés. Les lourds marronniers ployaient sous leurs bogues. Vincent choisissait les plus beaux fruits tombés qu’il mettait dans sa poche pour les masser, jusqu’à ce que sa paume exhale l’odeur inouïe de leur pulpe.
Il appréciait ces jours insanes jaunes, qui se lèvent à onze heures du matin, se terminent à seize heures. L’esprit, le corps s’y noient, suggérant de curieux vagabondages dans la pâte du temps. Sitôt franchie la grille de sortie dont les arches évoquaient un hôtel de sous-préfecture, ses songes »
Extrait de : P. Curval. « Les Nuits de l’aviateur. »
Le paquebot immobile par P. Curval

Fiche de Le paquebot immobile
Titre : Le paquebot immobile
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2020
Editeur : La volte
Première page de Le paquebot immobile
« Dans lequel on voit que les corbeaux sont d’étranges inquisiteursUne vis de protection à déboulonner. Véra souleva le hublot, se hissa vers l’extérieur. Sans lui en donner la raison, Gaon lui avait pourtant recommandé de ne pas mettre le nez en dehors de l’habitation. Mais elle n’avait pas su résister au plaisir de respirer l’air du matin chargé d’une odeur iodée. Dehors, quelques nuages gris fer glissaient dans le ciel huileux, comme pour souligner la température élevée qui régnait en permanence sur le continent. Un corbeau perché sur le toit d’en face déploya ses ailes, s’envola, puis se posa sur la balustrade qui équipait la terrasse d’un immeuble voisin. Vigilante, une cubana en costume kaki montait la garde. Si peu éloignée que Véra ne put s’empêcher de remarquer que le bouton central de sa veste avait sauté sous la pression de son ventre proéminent. La flique tendit la main vers l’oiseau qui s’y jucha en croassant.
En un tournemain, elle extirpa un œil du corbeau, le glissa dans son visionneur. Un sourire naquit sur son visage ingrat, éclaira son regard terne. »
Extrait de : P. Curval. « Le Paquebot immobile. »
L’homme qui s’arrêta par P. Curval

Fiche de L’homme qui s’arrêta
Titre : L’homme qui s’arrêta
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2013
Editeur : La volte
Sommaire de L’homme qui s’arrêta
- Pourquoi ressusciter ?
- L’homme qui habitait une chambre de bonne avec un Picasso
- Le pénis d’ivoire dans son étui de cuir noir
- La mort au goût de chocolat
- Version originale
- Lafuma extra strong
- Temps de la douleur
- Le testament d’un enfant mort
- Journal contaminé
- L’homme qui s’arrêta
Première page de Pourquoi ressusciter ?
« Bientôt, mon père va ressusciter.
Cela n’a pas été une mince affaire. Passons sur les innombrables difficultés administratives nécessaires à l’ouverture de sa tombe, indispensables pour se procurer l’autorisation d’effectuer les prélèvements, de sauvegarder quelques cellules afin d’obtenir des molécules, ADN, ARN, sous des prétextes généalogiques. Oublions les pénibles démarches qu’il m’a fallu faire auprès de mes frères et sœurs cadets pour les persuader de me prêter les documents qu’ils possédaient encore, photos, dévédés, reliques, éléments de son mobilier, de son décor lorsqu’il achevait sa vie. À son décès, je leur avais abandonné l’héritage, c’est-à-dire quelques actions et la maison familiale. Ils avaient vendu les valeurs et bradé la maison après avoir failli s’entre-tuer pour sa possession.
Je viens de la racheter. Une baraque perdue dans le Jura près de la frontière suisse allemande, belle de caractère mais plutôt en ruine. L’acheteur avait du flair. Il m’a vu venir en pensant que la nostalgie avait son prix. Je m’en fichais. Je souhaitais d’abord trouver le lieu idéal pour accueillir mon père. »
Extrait de : P. Curval. « L’homme qui s’arrêta. »
L’Europe après la pluie par P. Curval

Fiche de L’Europe après la pluie
Titre : L’Europe après la pluie
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2016
Editeur : La volte
Sommaire de L’Europe après la pluie
- Cette chère humanité
- Le dormeur s’éveillera-t-il ?
- En souvenir du futur
- L’homme immobile
- Bruit de fond
Première page de Cette chère humanité
« La première ligne de crête franchie, Belgacen se trouva soudain ébloui par la lumière ; blanche et crue, elle émanait de la neige qui l’entourait. Elle irradiait sur son visage à la manière des feux d’une rampe au théâtre, soulignant ses arcades sourcilières, ses paupières inférieures, ses narines, sa lèvre supérieure, le creux de ses pommettes et l’ovale de son menton. Sa face, ainsi maquillée par l’éclat de la blancheur, apparaissait comme sur un négatif photographique.
Suspendu à quelques mètres du sol par un compensateur de gravité, Belgacen glissait dans la nuit. Les techniciens de la Ligue avaient réalisé un modèle très silencieux de moteur linéaire pour le propulser ; il entendait à peine le bruit des pales qui tournaient avec frénésie au-dessus de son dos. Solidement fixé à son torse par une légère armature plastique, l’appareillage le maintenait dans une position horizontale. Belgacen se comparait à un héros de bande dessinée, nageant sans effort à »
Extrait de : P. Curval. « L’Europe après la pluie. »
Juste à temps par P. Curval

Fiche de Juste à temps
Titre : Juste à temps
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2013
Editeur : La volte
Première page de Juste à temps
« Simon ruminait sa colère. Dont l’origine ne puisait à aucune haine. Née plutôt d’un sentiment inacceptable. Cause de cette effervescence incontrôlée qui lui brisait le corps, raidissait ses muscles et sa colonne vertébrale. Se tordre le cou de droite à gauche ne le soulageait pas. Gueuler ! Pourquoi ? Aucun mot ne suffirait pour traduire. Traduire quoi ? Ce bouillonnement intérieur qui n’avait aucun sens. Terroriste. Se faire éclater le ventre avec une bombe à retardement. Parce qu’il se sentait tellement en retard sur ce qu’il n’avait pas su prévoir. Si encore tout foutait le camp dans sa vie. Mais non. Rien n’allait mal, sinon lui. Lui ! Pas tellement. Était-ce le temps qui allait mal ? Ou l’air du temps ? Plutôt l’air, tout simplement. Sa colère puait la figue sèche, le désœuvrement, traçait une barre de feu sur un côté de sa langue, soulignait son œil droit d’une ligne de migraine qui lui faisait cligner la paupière gauche comme un phare dans la tempête. »
Extrait de : P. Curval. « Juste a temps. »