Étiquette : livre
Duz par Pierre Suragne
Fiche de Duz
Titre : Duz
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1973
Editeur : Fleuve noir
Première page de Duz
« A un moment, Duz en eut assez de regarder défiler le paysage. Il décolla son front de la vitre de la portière et se laissa tomber sur la banquette.
— Est-ce que tu as fini de sauter comme ça ? dit le Type.
Sans même tourner la tête, ni jeter le moindre coup d’œil dans le rétroviseur. Rien. Ce gars-là devait avoir des yeux derrière la tête, ou quelque chose comme ça. On ne pouvait rien faire, sans qu’il le sente dans la seconde et se mette à râler.
Un instant, Duz joua à se demander s’il n’était pas un Extra-Terrestre, avec des dons particuliers, comme on en trouve dans les bandes dessinées. De ces types qui viennent d’ailleurs, de la planète Marfol par exemple, et qui se font passer pour des Terriens, mais tout ça pour faire des coups en douce et essayer de coloniser la planète – la Terre – et jouer des sales tours autant qu’ils le peuvent. »
Extrait de : P. Suragne. « Duz. »
Du plomb dans la neige par Pierre Pelot
Fiche de Du plomb dans la neige
Titre : Du plomb dans la neige
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2016
Editeur : Bragelonne
Première page de Du plomb dans la neige
« — Ça t’a jamais fait ça ? demanda Mocky sur un ton qu’il voulait détaché.
Mais ça ne prenait pas : il y avait l’œil, et cette façon de tordre la bouche en coin, et cette décontraction, en somme, qui n’était pas dans l’attitude habituelle de Mocky.
Louis enclencha la troisième. Il avait un profil dur de bandit calabrais, comme on en voit dans les films. Le profil et la face. D’ailleurs, il était calabrais naturalisé, vacciné et tout le tremblement, mais pour ce qui est de l’origine, il ne pouvait pas nier.
Qu’est-ce que ça m’a jamais fait ? demanda-t-il dans un souffle, les paroles glissant tout autour du cigare à embout plastifié qu’il serrait entre les dents.
— Un truc, comme ça, dans le ventre. »
Extrait de : P. Pelot. « Du plomb dans la neige. »
Dérapages par Pierre Suragne
Fiche de Dérapages
Titre : Dérapages
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1980
Editeur : Fleuve noir
Première page de Dérapages
« Le vent courait sans s’énerver, sud-ouest-nord-est, tout juste pour dire qu’il était le vent, tout juste pour maintenir le ciel dégagé, comme une grande cape bleue bien repassée dont les pans reposaient, en ronde corolle, aux quatre points des horizons dentelés de la forêt.
Il y a deux saisons au Québec, vous diront tous les Québécois, sur un sourire-clin d’œil et un joli roulement d’accent : l’hiver et le mois de juillet.
C’était juillet, fidèle au rendez-vous, comme tous les autres juillets passés et comme ceux qui viendraient. Ciel bleu, chaleur épaisse, lourde, et chaque instant de la journée semble étiré, allongé au maximum dans le temps : le matin n’en finit pas, le midi n’en finit pas, l’après-midi n’en finit pas, le soir n’en finit pas. C’était l’après-midi de ce jour-là et ce jour-là était dimanche. »
Extrait de : P. Suragne. « Dérapages. »
Delirium circus par Pierre Pelot
Fiche de Delirium circus
Titre : Delirium circus
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1977
Editeur : J’ai lu
Première page de Delirium circus
« S. 236. Int.
Tout allait bien pour Zorro Nap.
Une bonne intégration. Il le savait même s’il n’en avait pas réellement conscience.
Tout va bien, Zorro Nap… La poudrière…
Une vague somnolence s’était emparée de lui, à un moment donné, alors qu’il s’était affalé dans le siège de cuir défoncé, les jambes croisées jetées sur le plateau du bureau. Il avait écouté, un certain temps, les bruits divers qui s’entrecroisaient au-dehors, et les émanations sonores de ce réseau vibrant avaient contribué à son endormissement. Coupure noire, tranchée dans le fil du temps. Réveil.
Zorro Nap se redressa sur le siège ; il décroisa les jambes et posa ses pieds au sol. Sa bouche était pâteuse, il avait les reins douloureux. Tout cela très normal. La fatigue. »
Extrait de : P. Pelot. « Delirium circus. »
Danger, ne lisez pas ! par Pierre Pelot
Fiche de Danger, ne lisez pas !
Titre : Danger, ne lisez pas !
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1975
Editeur : Bragelonne
Première page de Danger, ne lisez pas !
« Je ne l’avais jamais consulté ce docteur.
Et si j’étais arrivé le premier, ce jour-là, dans la petite salle d’attente de son cabinet, cela n’avait littéralement rien à voir avec mon état de santé. Je n’étais pas malade. Je ne souffrais d’aucun malaise nécessitant le concours d’un docteur.
Certes, je fumais beaucoup plus depuis quelques mois, et j’étais parfois sujet à des crises d’irritabilité inexplicables… Mais c’est le lot de chacun, surtout en cette année 1999, où tout va de mal en pis. Et cela, je le répète, n’a rien à voir avec ma présence en ce lieu.
D’abord, je ne connaissais pas ce toubib, nouvellement installé. J’avais depuis toujours l’habitude de confier mes crampes d’estomac au savoir d’un antique médecin de famille, et je ne vois pas quelle idée bizarre aurait pu me pousser au changement. »
Extrait de : P. Pelot. « Danger, ne lisez pas !. »
Cimetière aux étoiles par Pierre Pelot
Fiche de Cimetière aux étoiles
Titre : Cimetière aux étoiles
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1999
Editeur : Castelmore
Première page de Cimetière aux étoiles
« Des milliards d’étoiles scintillaient sous la voûte du ciel immense, exactement comme dans le livre sur L’Univers et ses mystères, de tante Edith.
Il n’y avait pas un nuage. C’était une nuit d’été sans lune, pourtant claire.
— Il a peur, il a peur, chantonnait Béguinette, à voix basse et entre ses dents.
Si un renard avait pu sourire, se disait Junior Pierrot, il ne s’y serait pas pris différemment. Il était rudement satisfait de n’être pas l’objet des sarcasmes de la fille, pour une fois. Tant pis pour Kiki, et chacun son tour.
— C’est même pas vrai que j’ai peur, protesta lamentablement Kiki, d’une voix qui se voulait vaillante.
Une voix qui avait baissé de trois tons au moins entre les premiers mots de la phrase et les derniers, à peine plus gaillards qu’un murmure étranglé. »
Extrait de : P. Pelot. « Cimetière aux étoiles. »
Ce soir, les souris sont bleues par Pierre Pelot
Fiche de Ce soir, les souris sont bleues
Titre : Ce soir, les souris sont bleues
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1999
Editeur : Bragelonne
Première page de Ce soir, les souris sont bleues
« Le silence était retombé.
Même les mouches semblaient ne plus avoir la force ni l’envie de voler ; elles bourdonnaient confusément aux fenêtres, suivant le tour des carreaux.
C’était un peu après que l’ombre eut glissé de ce côté-ci du bâtiment. Elian descendit de chez lui au-dessus du garage – et sortit. L’esquisse d’un pas, suspendu une seconde, traduisit sa perplexité en lisière de la chaleur vibrante. Seuls des fous ou des gens en vacances pouvaient à l’évidence se remuer à plaisir dans les pesanteurs de cette fournaise.
Les paupières d’Elian, plissées et lourdes, encadrant le gris du regard méfiant, papillotèrent et se fermèrent à demi. Il écouta. La grimace appuyée avança comme un bec sous la moustache raide et compacte. »
Extrait de : P. Pelot. « Ce soir, les souris sont bleues. »
Canyon street par Pierre Pelot
Fiche de Canyon street
Titre : Canyon street
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1978
Editeur : Denoël
Première page de Canyon street
« — Javeline ! appela une voix masculine.
Instantanément, La Chienne qui s’était approchée de la porte condamnée s’immobilisa et cessa de grogner. Elle lança à Javeline un coup d’œil rassuré, battant l’air de sa queue. Javeline hésita pendant quelques secondes, le fusil braqué sur la porte et la tête bourdonnante d’interrogations qui s’entrechoquaient. Elle avait, comme La Chienne, reconnu le timbre de la voix.
— Javeline ! appela de nouveau l’homme dans le couloir. C’est moi, Raznak ! Est-ce que tu es là ?
Une grimace contrariée tordit les traits de la jeune femme. Après la stupéfaction, c’était la colère qui maintenant bouillonnait dans ses yeux pâles. Raznak le Fou ! Que venait-il faire ici ? Elle lui avait depuis toujours – après une première et unique visite – recommandé de ne plus jamais venir dans le quartier, de ne jamais chercher à la contacter chez elle, dans cet appartement. Pour sa sécurité à elle, et celle du Fou également. Jusqu’alors, il avait suivi ses conseils… »
Extrait de : P. Pelot. « Canyon street. »
C’est ainsi que les hommes vivent par Pierre Pelot
Fiche de C’est ainsi que les hommes vivent
Titre : C’est ainsi que les hommes vivent
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2003
Editeur : Denoël
Première page de C’est ainsi que les hommes vivent
« Flamboyante de lumière dans l’incandescence de l’été finissant, la baigneuse ne l’avait pas abandonné. Elle au moins ne s’était pas engloutie avec les autres dans l’étroitesse de la faille insondable.
Une image dont il était incapable de dire si elle était le véritable souvenir d’un réel moment ou au contraire la manifestation de quelque fantasme obsédant, une hallucination de sa mémoire amputée. Un fragment de songe détaché de ses entraves nocturnes.
À son réveil, désormais, le dernier de ses rêves stagnait au fond de ses yeux un moment avant de se dissoudre au vent qui rampe, comme une marque peu profonde inscrite dans le sable. Longtemps ses rêves n’avaient laissé la moindre trace sur l’autre bord des yeux ouverts, au point de lui faire douter même qu’il en fît.
L’image lui revenait sans peine, sans effort, à la moindre sollicitation. Sans même qu’il l’appelle ni lui ouvre la porte. »
Extrait de : P. Pelot. « C’est ainsi que les hommes vivent. »
Brouillards par Pierre Pelot
Fiche de Brouillards
Titre : Brouillards
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2014
Editeur : Bragelonne
Première page de Brouillards
« Sous la semelle, à chaque pas, les graviers rares de l’allée s’incrustaient dans la terre humide. Le gazon avait tout envahi. Un des murs du cimetière, écroulé depuis Dieu sait quand, était sauvagement remplacé par une haie touffue de noisetiers ébouriffés. La plupart des tombes disparaissaient sous des amas d’orties froissées.
L’homme marchait à pas lents et précis, un peu comme si chacune de ses enjambées était comptée, pesée – quelque chose de très important. Il était de taille légèrement supérieure à la moyenne, élancé. Des épaules droites, et larges, que l’on devinait dures, musclées, tendaient la toile de son imperméable gris. Il allait tête nue, ses cheveux noirs et bouclés sous la bruine.
À un moment, il s’arrêta. Ses poings bougèrent, dans les poches de l’imperméable, comme s’il froissait quelque chose – mais peut-être remuait-il simplement ses doigts : un geste pour presque rien, qui voulait seulement marquer l’hésitation, une certaine tension nerveuse. »
Extrait de : P. Pelot. « Brouillards. »