Étiquette : Suragne
Elle était une fois… par Pierre Suragne
Fiche de Elle était une fois…
Titre : Elle était une fois…
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1976
Editeur : Fleuve noir
Première page de Elle était une fois…
« Carling Joe avait l’âme généreuse, et il le regrettait parfois. Toujours trop tard, bien entendu.
Par exemple, ce mercredi de novembre…
Il aurait préféré mille fois se trouver chez lui, dans la maison de Boolt City, à regarder tomber la pluie furieuse derrière les carreaux, une tasse de café fumant dans le creux de la main. Ou même sous l’auvent de la scierie, dans l’odeur humide des tas de sciure. La scierie ou la maison, c’était pareil : c’était chez lui.
Mais non. Au lieu de ça, il roulait sur la route tortueuse, en plein cœur de la bourrasque, luttant avec le volant de sa camionnette poussive qui balançait méchamment sous les coups de boutoir du vent.
Un vent du diable, assurément. Un temps à ne pas mettre un chrétien dehors. C’était sûr ; après toute cette pluie, on entendrait rugir la Boolt River un fameux moment. »
Extrait de : P. Suragne. « Elle était une fois…. »
Duz par Pierre Suragne
Fiche de Duz
Titre : Duz
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1973
Editeur : Fleuve noir
Première page de Duz
« A un moment, Duz en eut assez de regarder défiler le paysage. Il décolla son front de la vitre de la portière et se laissa tomber sur la banquette.
— Est-ce que tu as fini de sauter comme ça ? dit le Type.
Sans même tourner la tête, ni jeter le moindre coup d’œil dans le rétroviseur. Rien. Ce gars-là devait avoir des yeux derrière la tête, ou quelque chose comme ça. On ne pouvait rien faire, sans qu’il le sente dans la seconde et se mette à râler.
Un instant, Duz joua à se demander s’il n’était pas un Extra-Terrestre, avec des dons particuliers, comme on en trouve dans les bandes dessinées. De ces types qui viennent d’ailleurs, de la planète Marfol par exemple, et qui se font passer pour des Terriens, mais tout ça pour faire des coups en douce et essayer de coloniser la planète – la Terre – et jouer des sales tours autant qu’ils le peuvent. »
Extrait de : P. Suragne. « Duz. »
Dérapages par Pierre Suragne
Fiche de Dérapages
Titre : Dérapages
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1980
Editeur : Fleuve noir
Première page de Dérapages
« Le vent courait sans s’énerver, sud-ouest-nord-est, tout juste pour dire qu’il était le vent, tout juste pour maintenir le ciel dégagé, comme une grande cape bleue bien repassée dont les pans reposaient, en ronde corolle, aux quatre points des horizons dentelés de la forêt.
Il y a deux saisons au Québec, vous diront tous les Québécois, sur un sourire-clin d’œil et un joli roulement d’accent : l’hiver et le mois de juillet.
C’était juillet, fidèle au rendez-vous, comme tous les autres juillets passés et comme ceux qui viendraient. Ciel bleu, chaleur épaisse, lourde, et chaque instant de la journée semble étiré, allongé au maximum dans le temps : le matin n’en finit pas, le midi n’en finit pas, l’après-midi n’en finit pas, le soir n’en finit pas. C’était l’après-midi de ce jour-là et ce jour-là était dimanche. »
Extrait de : P. Suragne. « Dérapages. »
Ballade pour presque un homme par Pierre Suragne
Fiche de Ballade pour presque un homme
Titre : Ballade pour presque un homme
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1974
Editeur : Fleuve Noir
Première page de Ballade pour presque un homme
« Depuis ce jour où il était devenu Chasseur, chaque retour de safari était un grand moment de joie pour Matom. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’aimait pas son travail, tout au contraire. S’il aimait les retours, c’est parce qu’il pouvait alors se plonger à cœur perdu dans les délices de la planète capitale. Il était fêté et pouvait raconter mille histoires. C’était, en vérité et indiscutablement, un fameux instant.
Mais, au bout de quelques jours, l’ennui mettait la patte sur Matom. Il devenait alors très nerveux, il se traînait sans véritable but et les visages qu’il rencontrait, toujours les mêmes, ne lui semblaient plus présenter d’intérêt. Matom se mettait à attendre le prochain départ avec une impatience croissante. C’est pourquoi l’on peut dire que, s’il aimait les retours sur Vataïr, il aimait tout autant – et peut-être davantage encore – les départs. »
Extrait de : P. Suragne. « Ballade pour Presque un Homme. »