Étiquette : ActuSF

 

Méfiez-vous du chien qui dort par N. Kress

Fiche de Méfiez-vous du chien qui dort

Titre : Méfiez-vous du chien qui dort
Auteur : Nancy Kress
Date de parution : 2020
Traduction : S. Jehanno, J. Wintrebert, M. Thirioux, J.-P. Pugi, N. Serval
Editeur : ActuSF

Sommaire de Méfiez-vous du chien qui dort

  • Méfiez-vous du chien qui dort
  • La montagne ira à mahomet
  • Notre mère qui dansez
  • Trinité
  • Des ombres sur le mur de la caverne
  • Brise d’été

Première page de Méfiez-vous du chien qui dort

« — Pour nous, ça va être une vraie révolution, a dit Papa quand le camion est entré dans notre cour. Ça va être une vraie révolution.
J’ai tiré mon pull sur moi. L’air frais du printemps a frôlé mon coude, là où mon pull était troué. Le camion, couvert de boue depuis une excursion en montagne, s’est frotté à un fossé de notre allée puis en est ressorti. Derrière sa vitre, le conducteur avait l’air de jurer mais je ne pouvais pas l’entendre. Ce que j’entendais, c’était Precious pleurer dans la maison. Il ne nous restait plus de flocons d’avoine et juste un peu de lait. Nous avions sûrement besoin de quelque chose pour que ce soit une vraie révolution, ici.
— Approchez. Approchez… stop ! a hurlé Papa.
Le conducteur l’a ignoré. Il a arrêté le camion là où il voulait et la porte arrière s’est brusquement ouverte. Dans leur enclos, nos chiens devenaient fous. J’ai marché vers l’arrière du camion et j’ai regardé dedans. »

Extrait de : N. Kress. « Méfiez-vous du chien qui dort. »

L’une rêve, l’autre pas par N. Kress

Fiche de L’une rêve, l’autre pas

Titre : L’une rêve, l’autre pas
Auteur : Nancy Kress
Date de parution : 1991
Traduction : C. Michel
Editeur : ActuSF

Première page de L’une rêve, l’autre pas

« Le couple était assis, l’air guindé, sur ses chaises Eames anciennes, deux personnes qui auraient préféré ne pas être là, ou bien une personne qui ne le voulait pas et l’autre que cela contrariait. Le Docteur Ong avait déjà vu le cas.
En deux minutes, il en fut convaincu : c’était la femme qui résistait si fort en silence. Elle allait perdre. L’homme paierait plus tard, petit à petit, pendant longtemps.
« Je présume que vous avez déjà effectué les vérifications bancaires nécessaires, dit aimablement Roger Camden, alors passons tout de suite aux détails, d’accord, Docteur ?
— Certainement, dit Ong. Pourquoi ne commenceriez-vous pas par me dire quelles sont toutes les modifications génétiques qui vous intéressent pour le bébé ? »
La femme bougea soudain sur sa chaise. Elle approchait de la trentaine – visiblement une seconde épouse – mais avait déjà l’air fanée, comme si elle s’épuisait à suivre le rythme de Roger Camden. »

Extrait de : N. Kress. « L’une rêve, l’autre pas. »

Après la chute par N. Kress

Fiche de Après la chute

Titre : Après la chute
Auteur : Nancy Kress
Date de parution : 2012
Traduction : E. Holstein
Editeur : ActuSF

Première page de Après la chute

« Ni l’ombre ni la lumière. Rien du tout, juste le froid. Je suis mort, se dit Pete, mais bien sûr, il ne l’était pas. Il se disait toujours ça depuis cette toute première fois, quand McAllister l’avait prévenu : « La transition va te paraître durer une éternité. »
À en croire son chrono, l’éternité dura vingt secondes.
La lumière revint, rose et jolie comme des doigts de pied de bébé. Pete émergea dans le brouillard de l’aube et suffoqua.
C’était si beau. La mer d’huile, luisante et douce, comme le sol de l’Abri. La plage de sable blanc qui se perdait dans les dunes piquées de touffes d’herbes. Les oiseaux planant dans le ciel. Leurs cris indignés, aigus, qui se faisaient plus perçants quand l’un d’eux plongeait dans les vagues pour réapparaître avec un poisson dans le bec. Comme ça, aussi simplement. »

Extrait de : N. Kress. « Après la chute. »

Women in chains par T. Day

Fiche de Women in chains

Titre : Women in chains
Auteur : Thomas Day
Date de parution : 2012
Editeur : ActuSF

Sommaire de Women in chains

  • La ville féminicide
  • Eros-center
  • Tu ne laisseras point vivre…
  • Nous sommes les violeurs
  • Poings de suture

Première page de La ville féminicide

« Alors que la douanière mexicaine – en surpoids flagrant, uniforme impeccable, gants de latex aux mains, cigarette aux lèvres – fouille son sac, Sergeï ne peut s’empêcher de penser à sa mère : cette grosse vache impotente, aux énormes mamelles tombantes, ancienne reine-maquerelle de la mafia de Saint-Pétersbourg, qu’il a laissée le cul noir de merde dans son loft de Fort Worth, un téléphone portable déchargé dans un coin de la chambre, la carte sim à l’opposé, le chargeur planqué en hauteur.

T’es toujours occupée à te plaindre, mamá ; maintenant que tu fais la limace pour pouvoir appeler de l’aide, ta nuisette collante de chiasse, tu as enfin de bonnes raisons. »

Extrait de : T. Day. « Women in chains. »

This is not America par T. Day

Fiche de This is not America

Titre : This is not America
Auteur : Thomas Day
Date de parution : 2009
Editeur : ActuSF

Sommaire de This is not America

  • Cette année là, l’hiver commença le 22 novembre
  • American drug trip
  • Eloge du sacrifice

Première page de Cette année là, l’hiver commença le 22 novembre

« Maintenant, Frenkel est mort. Aucun doute n’est possible. De toute façon, on savait tous les trois – Frenkel, De Vries et moi – que ça finirait comme ça. Tout a une fin : les soirées enfumées à mettre au point des tirs triangulaires croisés entre deux blagues salaces, les naïves du week-end qui puent l’usine et savent d’avance que ce n’est pas encore ce soir qu’elles ont tiré le gros lot, les aubes sales et froides de la guerre de Corée où toute oreille bourdonne, le goût et la chaleur accueillante des méninges humaines, les neiges mortes de Sibérie. Même les souvenirs plus anciens, mieux enfouis, s’effacent : les tiques gonflées de sang que l’on déloge patiemment, l’odeur fauve des loups occupés à copuler, l’impact et, avant, la vitesse… sous les étoiles. »

Extrait de : T. Day. « This is not America. »

Le grand amant par D. Simmons

Fiche de Le grand amant

Titre : Le grand amant
Auteur : Dan Simmons
Date de parution : 1993
Traduction : M. Lebailly
Editeur : ActuSF

Première page de Le grand amant

« Comme je suis déjà venu ici la semaine dernière pendant la Grande Offensive, en tant qu’observateur, et que je « sais » me diriger dans le dédale interminable des tranchées, on m’a désigné hier soir pour mener la Rifle Brigade des tranchées de réserve jusqu’à la crête de Tara-Usna, dans notre secteur du front situé à La Boisselle. J’ai accepté d’assez bonne grâce, bien qu’en sept jours les lignes aient spectaculairement changé sur cette partie du front. Depuis que La Boisselle est tombée, il a reculé, et les tranchées ennemies que nous avons minées et pilonnées si sauvagement le matin du 1er juillet ne forment plus qu’un gigantesque entonnoir à droite de notre nouvelle première ligne. (Pendant que j’écris ceci, ce trou est en train de devenir le tombeau collectif de nos camarades de la 34e division que j’ai vus monter à l’assaut si bravement et si inutilement, il y a seulement une semaine. »

Extrait de : D. Simmons. « Le Grand Amant. »

Noir duo par S. Miller et P. Ward

Fiche de Noir duo

Titre : Noir duo
Auteur : Sylvie Miller et Philippe Ward
Date de parution : 2019
Editeur : ActuSF

Sommaire de Noir duo

  • Le mur
  • Un choix réfléchi
  • Martha
  • Le survivant
  • L’ombre
  • Les chemins de l’esprit
  • Un futur inimitable
  • Les vignes du seigneur
  • Ventres d’airain
  • Le fils de l’eau
  • Mau
  • Prorata temporis
  • Tout s’achète et tout se vend
  • After midnight
  • Lettre d’un futur amer
  • Pas de pitié pour les pachas

Première page de Le mur

« Tu n’y arriveras pas !
La phrase la frappa de plein fouet, l’obligeant à fermer les yeux. Sa main droite se mit à trembler. Le stylo dessina des arabesques sur le relevé bancaire qu’elle essayait de pointer sans grand résultat depuis cinq minutes.
Tu n’y arriveras pas !
Cette phrase assénée trois ans auparavant par son ex-mari à la sortie du palais de justice après la prononciation du divorce ne la quittait pas. Trois années de galère, à tenir pour lui montrer qu’elle y arriverait. Et son obstination avait payé, au prix de nombreux sacrifices. Son compte était dans le rouge, sa maison et sa vie affective désespérément vides, l’ambiance déplorable sur son lieu de travail, mais elle tenait bon. Les difficultés, affectives ou matérielles, n’avaient pas encore réussi à la faire craquer. »

Extrait de : Sylvie Miller et Philippe Ward. « Noir Duo. »

Une goutte de chaos dans l’amer par L. Davoust

Fiche de Une goutte de chaos dans l’amer

Titre : Une goutte de chaos dans l’amer
Auteur : Lionel Davoust
Date de parution : 2015
Editeur : ActuSF

Sommaire de Une goutte de chaos dans l’amer

  • Derrière les barreaux
  • Gris sourire
  • Le sang du large

Première page de Derrière les barreaux

« Tu ne sais pas ce que c’est d’avoir le monde qui te parle.
Tu ne connais pas ce besoin de compter, d’observer. Tu ignores pourquoi ces enfants refusent le changement, pourquoi ils tempêtent à la moindre altération de leur environnement, n’est-ce pas ? Tu ne comprends pas. Rares sont ceux qui le peuvent. Mais nul ne peut réellement appréhender ce que l’on éprouve, sauf à passer par là.
Quand j’avais six ans, dans les années quatre-vingt, les thérapies d’échange et de développement, l’approche sensorimotrice n’existaient pas. Mon seul avenir, c’était l’internement et les médicaments. La mise à l’écart dans un monde violent, où l’on m’aurait forcé à la normalité, où l’on aurait violé mon esprit pour le faire entrer dans un moule qu’il refusait. »

Extrait de : Lionel Davoust. « Une goutte de chaos dans l’amer. »

Quatre voies de la main gauche par L. Davoust

Fiche de Quatre voies de la main gauche

Titre : Quatre voies de la main gauche
Auteur : Lionel Davoust
Date de parution : 2015
Editeur : ActuSF

Sommaire de Quatre voies de la main gauche

  • Nuit de visitation
  • La voie du serpent
  • La Terre comme témoin
  • Regarde vers l’ouest

Première page de Nuit de visitation

« Il n’y a de spectacle à la fois plus doux et amer que de voir ses proches rassemblés autour de soi en de telles circonstances. Plus amère encore est cette expression brave et neutre qu’ils affectent ; les sourires qui se veulent détendus, les rires qui s’efforcent d’être légers, mais feutrés néanmoins pour ne pas troubler la quiétude de l’établissement. À côté de moi, les machines respirent discrètement pour suppléer ce qui peut l’être. Les hôpitaux sont comme des églises : des lieux de recueillement, lequel compose parfois un prélude au silence éternel. Nous y sommes rappelés à notre fragilité même dans les plus bénignes des afflictions ; le spectre du malheur y flotte, porté par la crainte qu’une maladresse, ou tout simplement la malchance, emporte à jamais ceux qu’on aime.
C’est probablement par malchance que le mal est entré en moi. Le mal du siècle, à ce que l’on dit. Dans les brochures d’information, les rapports médicaux, on parle facteurs de risque, habitudes morbides, terrains favorables »

Extrait de : Lionel Davoust. « Quatre voies de la main gauche. »

Les questions dangereuses par L. Davoust

Fiche de Les questions dangereuses

Titre : Les questions dangereuses
Auteur : Lionel Davoust
Date de parution : 2011
Editeur : ActuSF

Sommaire de Les questions dangereuses

  • Le mystérieux carreau du littérateur
  • Pour l’honneur d’une dame
  • M. de la Meulière seul contre tous
  • La confrontation des mots
  • Noblesse d’esprit et noblesse de corps
  • La chose immémoriale qui rôde par-delà le seuil indicible

Première page de Le mystérieux carreau du littérateur

« Si le mois de novembre n’évoque point en général la plus chaleureuse des saisons, celui de cette année 1637 était si maussade qu’un Anglais se serait senti chez lui dans le parc royal du château de Déversailles. Qu’on en juge plutôt : la pluie s’abattait ce jour-là en un rideau poisseux qui donnait aux nuages pesants l’air d’être descendus sur la terre, le froid avait cette qualité morbide qui pénètre au cœur des os pour geler les âmes les mieux endurcies, et c’était par la gorge d’un phtisique que semblaient émises les mornes complaintes des corbeaux. Enfin, comme pour parachever cette composition toute britannique, c’était sur une procession funéraire que veillaient ce jour-là les branches dénudées des arbres noirs. La nature, en son infinie sagesse, paraissait avoir déjà entrevu ce que les hommes ignoraient et dont, bien entendu, ils restaient sourds aux signes. »

Extrait de : Lionel Davoust. « Les questions dangereuses. »