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Les idées morales du temps présent par Édouard Rod

Fiche de Les idées morales du temps présent
Titre : Les idées morales du temps présent
Auteur : Édouard Rod
Date de parution : 1891
Editeur : BnF
Première page de Les idées morales du temps présent
« Il est difficile d’imaginer une contradiction plus frappante que celle qui existe entre les premiers écrits de M. Renan et ses derniers ouvrages : la distance est tout juste celle qui sépare une époque de belles rêveries, comme fut 1848, d’une époque de déceptions, comme est 1890, ou un dogmatisme passablement accentué d’un scepticisme aussi absolu qu’aimable ; et l’on peut se demander comment le poète, qui prête à son Prospéro de si gracieuses dissertations sur l’incertitude de la vertu, a pu sortir du jeune doctrinaire en rupture de ban avec l’Eglise, c’est vrai, mais qui parlait en émule de Guizot de la « base indubitable… où l’homme trouvera jusqu’à la fin des jours le point fixe de ses incertitudes ». Celui-là semble rèver, pour abri de sa vieillesse, une sorte d’abbaye de Thélème, où son renoncement s’ébattrait parmi les jeux folâtres de petits enfants, de filles et de garçons ; celui-ci disait tout simplement à ses contemporains : « Le bien, c’est le bien ; le mal, c’est le mal. » — On reconnaîtra que le chemin parcouru est assez long. »
Extrait de : E Rod. « Les Idées morales du temps présent. »
Le sens de la vie par Édouard Rod

Fiche de Le sens de la vie
Titre : Le sens de la vie
Auteur : Édouard Rod
Date de parution : 1889
Editeur : BnF
Première page de Le sens de la vie
« Nous sommes las de l’Italie, des villes, des monuments historiques, des musées, des tombeaux et des églises, las des merveilles qu’on trouve marquées d’astérisques dans les guides, las d’être accaparés par les cicérone et sans cesse distraits de nous-mêmes par tout ce qu’il faut admirer. La fatigante chose que le génie de l’homme ! Il s’est consumé en efforts pour décorer ces cloîtres, pour peupler ces chapelles, pour garnir ces galeries où l’on a conservé le résidu de trois civilisations ; et après deux mois passés autour de ces chefs-d’œuvre, on trouve en somme que les plus sublimes d’entre eux ne valent pas la plus humble idée qui germe dans notre propre cerveau, le plus léger sentiment qui fait palpiter une minute notre propre cœur. Oui, ces statues, ces fresques, ces tableaux, tout figés qu’ils sont dans leur immortalité, sont morts bien réellement. Admirables tant qu’on voudra, inimitables, uniques : ils fatiguent pourtant, on les fuit, il y a mieux a faire qu’à lès contempler. »
Extrait de : E. Rod. « Le Sens de la vie. »
La course à la mort par Édouard Rod

Fiche de La course à la mort
Titre : La course à la mort
Auteur : Édouard Rod
Date de parution : 1886
Editeur : BnF
Première page de La course à la mort
« … Je relis de temps en temps les notes que j’aime à prendre sur moi-même, et je conviens volontiers que, si je n’étais pas directement en cause, je trouverais peu d’intérêt au développement de ma vie. Les faits manquent beaucoup : il ne m’est jamais rien arrivé ; ou, quand il m’arrivait quelque chose, je m’en apercevais à peine : les événements se changeaient tout de suite en sensations qu’une analyse immédiate et inconsciente s’empressait de décomposer. — J’ai perdu des êtres qui m’étaient chers et je les ai pleurés, mais mes larmes ne jaillissaient pas de ma douleur comme d’une source vive : ou bien j’hésitais à les répandre et les refoulais, par je ne sais quelle pudeur qui m’interdisait l’affliction même devant moi seul ; ou ma volonté contribuait à mon désespoir, et je me jouais à moi-même une espèce de comédie. J’ai aimé, — si l’on peut donner le nom d’amour à un sentiment né de la solitude et du désir, qui se produit, se développe, se satisfait sans remplir le cœur, qui laisse l’imagination libre, qui ne s’étend ni jusqu’à l’oubli radieux des joies complètes ni jusqu’à l’égoïste absorption des vraies douleurs. »
Extrait de : E. Rod. « La Course à la mort. »
Trésor-des-fèves et Fleur-des-pois par Charles Nodier

Fiche de Trésor-des-fèves et Fleur-des-pois
Titre : Trésor-des-fèves et Fleur-des-pois
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1894
Editeur : BnF
Première page de Trésor-des-fèves et Fleur-des-pois
« IL y avait une fois un pauvre homme et une pauvre femme qui étaient bien vieux, et qui n’avaient jamais eu d’enfants : c’était un grand chagrin pour eux, parce qu’ils prévoyaient que dans quelques années ils ne pourraient plus cultiver leurs fèves et les aller vendre au marché. Un jour qu’ils sarclaient leur champ de fèves (c’était tout ce qu’ils possédaient avec une petite chaumière ; je voudrais bien en avoir autant) ; un jour, dis-je, qu’ils sarclaient pour ôter les mauvaises herbes, la vieille découvrit dans un coin, sous les touffes les plus drues, un petit paquet fort bien troussé qui contenait un superbe garçon de huit à dix mois, comme il paraissait à son air, mais qui avait bien deux ans pour la raison, car il était déjà sevré. Tant il y a qu’il ne fit point de façon pour accepter les fèves bouillies qu’il porta aussitôt à sa bouche d’une manière fort délicate. »
Extrait de : C. Nodier. « Trésor-des-Fèves et Fleur-des-Pois. »
Souvenirs de jeunesse par Charles Nodier

Fiche de Souvenirs de jeunesse
Titre : Souvenirs de jeunesse
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1862
Editeur : BnF
Sommaire de Souvenirs de jeunesse
- Souvenirs de jeunesse
- Mademoiselle de Marsan
- La neuvaine de la chandeleur
Première page de Souvenirs de jeunesse
« Le plus doux privilége que la nature ait accordé à l’homme qui vieillit, c’est celui de se ressaisir avec une extrême facilité des impressions de l’enfance. A cet âge de repos, le cours de la vie ressemble à celui d’un ruisseau que sa pente rapproche, à travers mille détours, des environs de sa source, et qui, libre enfin de tous les obstacles qui ont embarrassé son voyage inutile, vainqueur des rochers qui l’ont brisé à son passage, pur de l’écume des torrents qui a troublé ses eaux, se déroule et s’aplanit tout à coup pour répéter une fois encore, avant de disparoître, les premiers ombrages qui se soient mirés à ses bords. A le voir ainsi, calme et transparent, réfléchir à sa surface immobile les mêmes arbres et les mêmes rivages, on se demanderoit volontiers de quel côté il commence et de quel côté il finit. Il faut qu’un rameau de saule, dont l’orage de la veille lui a confié les débris, flotte un moment sous vos yeux, pour vous faire reconnoître l’endroit vers
lequel son penchant l’entraîne. Demain le fleuve qui l’attend à quelques pas l’aura emporté avec lui, et ce sera pour jamais. »
Extrait de : C. Nodier. « Souvenirs de jeunesse. »
Promenade de Dieppe aux montagnes d’Écosse par Charles Nodier

Fiche de Promenade de Dieppe aux montagnes d’Écosse
Titre : Promenade de Dieppe aux montagnes d’Écosse
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1821
Editeur : BnF
Première page de Promenade de Dieppe aux montagnes d’Écosse
« Je ne m’accoutume pas à l’idée d’être séparé de toi, de vivre et de penser sans toi. Chaque objet nouveau qui s’offre à ma vue me semble un vol que je te fais ; et quand je pense que tout va être nouveau pour moi, qu’il n’y aura plus une sensation commune entre les sensations multipliées de mes journées, et celles qui remplissent tes souvenirs, je regarde ce voyage avec une espèce de terreur, comme l’essai de la séparation éternelle. Depuis douze ans, associée à toutes les vicissitudes de ma vie, tu m’as suivi dans les rigoureux pèlerinages de l’exil et dans les excursions plus agréables que m’a fait entreprendre l’amour de l’étude et des arts. Tu as visité avec moi les riantes campagnes du midi de la France ; les monuments austères de la Normandie et de la Bretagne ; les antiquités majestueuses de l’Italie ; les ruines de la grande Grèce, patrimoine inutile des barbares. Je t’ai nommé tous les lieux, qui rappelaient de fortes pensées, qui attestaient d’anciennes gloires. »
Extrait de : C. Nodier. « Promenade de Dieppe aux montagnes d’Ecosse. »
Polichinelle par Charles Nodier

Fiche de Polichinelle
Titre : Polichinelle
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1834
Editeur : BnF
Première page de Polichinelle
« Polichinelle est un de ces personnages tout en dehors de la vie privée, qu’on ne peut juger que par leur extérieur, et sur lesquels on se compose par conséquent des opinions plus ou moins hasardées, à défaut d’avoir pénétré dans l’intimité de leurs habitudes domestiques. C’est une fatalité attachée à la haute destinée de Polichinelle. Il n’y a point de grandeur humaine qui n’ait ses compensations.
Depuis que je connais Polichinelle, comme tout le monde le connaît, pour l’avoir rencontré souvent sur la voie publique dans sa maison portative, je n’ai pas passé un jour sans désirer de le connaître mieux, mais ma timidité naturelle, et peut être aussi quelque difficulté qui se trouve à la chose, m’ont empêché d’y réussir. Mes ambitions ont été si bornées que je ne me rappelle pas qu’il me soit arrivé, en ce genre, d’autre désappointement, et je n’en conçois point de comparable à l’inconsolable douleur que celui-ci me laisserait au dernier moment, si j’ai le malheur d’y parvenir sans avoir joui d’un entretien familier de Polichinelle, en audience particulière. »
Extrait de : C. Nodier. « Polichinelle – Paris ou le Livre des Cent-et-Un. »
Mademoiselle de Marsan par Charles Nodier

Fiche de Mademoiselle de Marsan
Titre : Mademoiselle de Marsan
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1894
Editeur : BnF
Première page de Mademoiselle de Marsan
« Parmi les anciens émigrés qui m’avaient accueilli à Venise avec bienveillance, en considération de ma qualité de Français, de mes opinions et de mes malheurs, il en était un qui m’inspirait le plus profond sentiment de respect et d’affection. C’était M. de Marsan.M. de Marsan, dont quelques vieux courtisans se souviennent peut-être, avait été un des plus brillants officiers de la maison militaire de Louis XVI. Sa belle figure, ses belles manières, son esprit, son courage, l’avaient fait remarquer dans un temps et dans une cour où ces heureuses recommandations personnelles n’étaient pas fort rares. Il leur dut un avancement rapide qui n’excita aucune réclamation, et un établissement considérable que tout le monde approuva. Sa fille, née en 1788, fut tenue sur les fonts de baptême, au nom de la reine de France, par celle des amies de cette auguste et infortunée souveraine qui jouissait du crédit le mieux affermi à Versailles. La fille de M. de Marsan s’appelait Diana. »
Extrait de : C. Nodier. « Mademoiselle de Marsan. »
Les sept châteaux du Roi de Bohême par Charles Nodier

Fiche de Les sept châteaux du Roi de Bohême
Titre : Les sept châteaux du Roi de Bohême
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1852
Editeur : BnF
Première page de Les sept châteaux du Roi de Bohême
« Si l’on cherche comment dut procéder l’imagination de l’homme dans le choix de ses premières jouissances, on arrivera naturellement à croire que la première littérature, esthétique par nécessité plutôt que par choix, se renferma longtemps dans l’expression naïve de la sensation. Elle compara un peu plus tard les sensations entre elles, elle se plut à développer les descriptions, à saisir les côtés caractéristiques des choses, à suppléer aux mots par les figures. Tel est l’objet de la poésie primitive. Quand ce genre d’impression fut modifié et presque usé par une longue habitude, la pensée s’éleva du connu à l’inconnu. Elle approfondit les lois occultes de la société, elle étudia les ressorts secrets de l’organisation universelle ; elle écouta, dans le silence des nuits, l’harmonie merveilleuse des sphères, elle inventa les sciences contemplatives et les religions. Ce ministère imposant fut l’initiation du poëte au grand ouvrage de la législation. »
Extrait de : C. Nodier. « Les Sept Châteaux du roi de Bohême. »
Les monuments expiatoires par Charles Nodier

Fiche de Les monuments expiatoires
Titre : Les monuments expiatoires
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1832
Editeur : BnF
Première page de Les monuments expiatoires
« C’était l’autre jour. Je me promenais au hasard, suivant ma coutume, préoccupé par des questions d’une grave importance pour la conduite de la vie, comme de savoir par quel étrange mystère de transmutation les chenilles vertes et jaunes deviennent des papillons rouges et bleus ; ou bien quel autre artifice, encore mieux approprié à la circonstance, le Chat Botté aurait pu employer pour venir à bout de l’ogre magicien. Mais je n’étais guère plus avancé qu’à l’ordinaire sur ces difficultés abstruses, à l’examen desquelles j’ai sottement vieilli, après Aristote, Bacon, Leibnitz, et je ne sais quels autres songe-creux, quand je fus tiré de ma méditation par une rencontre inopinée. Ce n’est pas que l’homme qui m’en détourna vînt à moi en ligne directe, comme tant de fâcheux de votre connaissance qu’il est impossible d’éviter, à moins de tracer sur le cercle dont ils parcourent le diamètre une tangente de mauvaise grâce, et de vous sauver dessus à califourchon sans regarder derrière vous. »
Extrait de : C. Nodier. « Les Monuments expiatoires. »