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Le rêveur de chats par E. Jouanne

Fiche de Le rêveur de chats

Titre : Le rêveur de chats
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1988
Editeur : Denoël

Première page de Le rêveur de chats

« Vous dansez ? » demanda le nuage à la lumière, qui vira au rouge, puis balbutia un consentement.
C’était en ce temps de perverse innocence où la danse suffisait à insuffler la fertilité chez les danseurs ; bientôt, le nuage et la lumière roulèrent et boulèrent entre les draps noirs et piqués d’or, roucoulèrent et se bouchonnèrent, devinrent l’embryon rebondi de leur propre progéniture. Le marmot cosmique absorba père et mère sans le moindre scrupule, mais ne les anéantit pas : l’œil des grandes nourrices passagères les distinguait encore, quoiqu’ils eussent rétréci pour se mettre au diapason du petit.
Le nuage prêta ses longs bras pour happer les éléments-aliments. La lumière prêta sa chaleur pour cuire, fondre et digérer. »

Extrait de : E. Jouanne. « Le rêveur de chats. »

Ici-bas par E. Jouanne

Fiche de Ici-bas

Titre : Ici-bas
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1984
Editeur : Denoël

Première page de Ici-bas

« Tom devait faire la vaisselle, à ce moment-là. Ou la cuisine. Ce contact permanent avec les à-côtés les plus prosaïques de l’existence semble lui procurer une certaine satisfaction. Peut-être même du plaisir – ou simplement cette béatitude stupide qu’engendre l’absence de pensée. Il doit bien y avoir une raison, en tout cas, pour que ses journées ne soient que prolifération de menus travaux, maquillage, toilette, ménage, couture, repassage, courses… Tom est comme ça. Tous les jours.
Je préfère quant à moi faire travailler mon cerveau. Je crois, sans me vanter, avoir quelques facilités de ce côté. Après les heures fastidieuses que je passe au magasin à vanter mes vieilleries aux chalands, à établir mes comptes et à m’ennuyer ferme, je ne trouve rien de plus émouvant que la chaleur de la musique ou les longues plongées dans les profondeurs de la bibliothèque ou de la pinacothèque. Je peux passer des heures dans mon fauteuil, les oreilles calées entre les enceintes de l’équipement stéréo, les yeux braqués sur l’écran de la télé ou sur les lignes imprimées. »

Extrait de : E. Jouanne. « Ici-bas. »

Damiers imaginaires par E. Jouanne

Fiche de Damiers imaginaires

Titre : Damiers imaginaires
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1982
Editeur : Denoël

Première page de Damiers imaginaires

« — Tu verras, toi aussi, un jour ta maison cessera de voler et ira s’écraser sur le sol ! Tu verras !
Les mots résonnèrent dans le bar presque désert, et les têtes des rares consommateurs se tournèrent dans la direction d’où provenait la voix triste, éraillée, tordue par l’alcool.
— Tu verras, reprit l’homme, tu ne te moqueras plus de moi quand ça t’arrivera. Tu viendras ici pour boire, toi aussi, et pour prévenir tes connaissances de ton prochain départ.
Il agitait un doigt mi-accusateur mi-implorant sous le menton hirsute de l’autre, qui le regardait avec une expression indéfinissable. Ses coudes balayaient une flaque sirupeuse qui séchait sur la table ronde, et menaçaient de faire choir d’un instant à l’autre les innombrables chopes vides en verre authentique qui encombraient le plateau plastifié. »

Extrait de : E. Jouanne. « Damiers imaginaires. »

Cruautés par E. Jouanne

Fiche de Cruautés

Titre : Cruautés
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1987
Editeur : Denoël

Sommaire de Cruautés

  • Déserts
    • Les prisons
    • Hospitalité
    • L’âge de pierre
    • Multiplication du voleur
    • Si vous balbutiez encore dans votre tombe de pierres …
    • La course de Casanova
  • Villes
    • Comment, quand et où mourut le temps …
    • Cessons de nous tourmenter …
  • Avions
    • Les masques du clown
    • Cruautés
    • Extinction des feux
  • Conclusion
    • Le suicite sans fin

Première page de Les prisons

« Au centre du monde, les prisons qui voyagent se croisent et, quelquefois, se remarquent. Elles cessent alors de se dandiner en direction de l’autre côté de la ville et se mettent à se flairer, à entamer leur étrange ballet maladroit au détour d’une rue, sans se soucier des passants qui jettent aux lourds barreaux des regards épais et furieux.
C’est que la ville constitue le monde, et que les prisons viennent de sa périphérie, c’est-à-dire de cet endroit qui n’en est pas un, de cet endroit auquel personne ici ne parvient à penser vraiment. Nous savons, bien sûr, que la ville dessine un cercle plein, que le monde dessine une sphère, mais concevoir l’élément dans lequel se meut ce cercle ou cette sphère nous restera à jamais impossible. Autour de leurs tasses de thé, les vieilles femmes tourmentées par leur veuvage racontent toutes sortes d’histoires fantaisistes au sujet des prisons et de l’extérieur du monde, mais personne ne les écoute réellement ; leurs phrases chevrotantes glissent sur la nappe de dentelle et tombent sur le parquet ciré, où chacun les piétine allègrement. »

Extrait de : E. Jouanne. « Cruautés. »

Quotient Intellectuel à vendre par J. Boyd

Fiche de Quotient Intellectuel à vendre

Titre : Quotient Intellectuel à vendre
Auteur : J. Boyd
Date de parution : 1972
Traduction : J. Fillion
Editeur : Denoël

Première page de Quotient Intellectuel à vendre

« Lisa, la femme de Dorsey Clayton, était une éthylique invétérée qu’aucun traitement, des « Alcooliques Anonymes » au Zen, n’était parvenu à guérir. Dorsey qui, dans Pacific Palisades, arrivait devant chez lui, klaxonna pour s’annoncer et donner à sa femme le temps de se rincer la bouche et de rafraîchir son haleine.
Lisa avait également tâté de la psychiatrie, mais avec cet instinct infaillible qui pousse un dipsomane vers un autre, son choix s’était porté sur un jeune analyste barbu et dans le vent. Celui-ci se montrait, envers les alcooliques, d’une indulgence excessive qui ne répondait pas à l’éthique médicale. Cédant au charme et à la personnalité de Lisa, il fit d’elle l’âme d’un groupe de malades en traitement. Après avoir passé un coûteux weekend dans un luxueux hôtel dont la piscine intérieure leur avait été réservée, les membres de ce groupe, Lisa à leur tête, étaient revenus enchantés, épanouis et fin saouls. »

Extrait de : J. Boyd. « Quotient intellectuel a vendre. »

Les libertins du ciel par J. Boyd

Fiche de Les libertins du ciel

Titre : Les libertins du ciel
Auteur : J. Boyd
Date de parution : 1969
Traduction : R. Delouya
Editeur : Denoël

Première page de Les libertins du ciel

« Les astronautes ne sont pas particulièrement prisés par les psychiatres. Avec leurs « Roger(1) », leurs « Wilco » et leurs « Okay », ces braves éclaireurs de l’espace sont tous des garçons typiquement américains qui aiment les filles et préfèrent une partie de bowling à la lecture d’un livre. Un astronaute, même s’il vient de Batusoland, avec la peau noire et les cheveux crépus, garde malgré tout les caractéristiques de l’Américain stéréotypé.
Les dysfonctions de l’ego sont aussi rares dans cette caste que les roses sur Mars, c’est du moins ce que je pensais quand je suis arrivé à Mandan. Et j’ai continué de le croire jusqu’à ce que j’aie assisté au débriefing de l’enseigne John Adams après son atterrissage non programmé sur le spatiodrome de Mandan. J’ai découvert en John Adams l’équivalent psychiatrique d’une orchidée fleurissant sur Jupiter. »

Extrait de : J. Boyd. « Les libertins du ciel. »

Le gène maudit par J. Boyd

Fiche de Le gène maudit

Titre : Le gène maudit
Auteur : J. Boyd
Date de parution : 1973
Traduction : J. Fillion
Editeur : Denoël

Première page de Le gène maudit

« Par une claire matinée du mois de janvier, le docteur John Heywood descendit dans son bureau, situé dans la section de Génétique expérimentale, au vingtième étage de la tour qui abritait le California Institute of Technology, couramment appelé le Cal Tech. Après avoir échangé quelques mots avec sa secrétaire, il passa dans son appartement privé. Comme il allait enlever son pardessus, son regard tomba sur le courrier posé sur son bureau et fut attiré par une enveloppe à l’en-tête du bureau E du département des Affaires étrangères des États-Unis. Sans prendre le temps de retirer son manteau, Heywood s’assit à sa table et prit son ouvre-lettres dont le manche d’ivoire était une reproduction du David de Michel-Ange.
Deux fiches holographiques d’ordinateurs tombèrent de l’enveloppe, toutes deux de couleur chamois, mais l’une bordée de noir. L’enveloppe contenait également une lettre tapée à la machine par un amateur et rédigée dans un style familier qui contrastait étrangement avec l’attention passionnée que lui porta Heywood. »

Extrait de : J. Boyd. « Le gène maudit. »

La planète fleur par J. Boyd

Fiche de La planète fleur

Titre : La planète fleur
Auteur : J. Boyd
Date de parution : 1969
Traduction : J. Fillion
Editeur : Denoël

Première page de La planète fleur

« Au cours des 16 et 17 mai, la patiente a subi un traumatisme alors qu’elle participait à l’Expédition scientifique C (pour Charlie) sur la planète indifféremment appelée Flore, la planète Fleur, ou la planète des Fleurs. Cependant une analyse sous narcose profonde a révélé que des événements ayant contribué à l’hospitalisation de la patiente s’étaient produits en janvier au moment où, revenant de Flore la première Section, la Section A (pour Amélie), s’était posée sur l’aire d’atterrissage réservée, à Fresno, à la Marine…

Blonde, mince et souple, Fréda Caron debout sur la passerelle de la tour de contrôle scrutait l’étendue bleue au-dessus de la San Joaquin Valley, pointant les jumelles du commandant Minor sur le secteur qu’il lui indiquait. C’est ainsi qu’elle saisit le premier rayon de soleil qui vint frapper le Botany, ce vaisseau spatial, au moment même où il pivotait sur lui-même pour amorcer sa descente vers la Terre, et où elle discerna la première traînée vaporeuse que le vaisseau laissait dans son sillage en pénétrant dans l’atmosphère. »

Extrait de : J. Boyd. « La planète fleur. »

La ferme aux organes par J. Boyd

Fiche de La ferme aux organes

Titre : La ferme aux organes
Auteur : J. Boyd
Date de parution : 1970
Traduction : C. Poole
Editeur : Denoël

Première page de La ferme aux organes

« Le cataclysme mondial que l’humanité redoutait depuis Hiroshima et attendait depuis Eniwetok débuta de façon ridicule par des rhumes, des maux de tête, et une légère augmentation de l’absentéisme. « Encore ce fichu microbe ! » disait-on. « Une légère grippe virale », diagnostiquaient les docteurs. Mais déjà, même au départ, il y avait une différence, car l’aspirine était impuissante à combattre les maux de tête.
Prise à trop forte dose, l’aspirine fit même plus de ravages au début que la grippe.
Au cours du premier hiver dans les régions septentrionales, on ne compta que quelques centaines de milliers de victimes – assez pour parler de faible épidémie. La maladie parut prendre de l’ampleur durant l’hiver austral et, au retour de la mauvaise saison dans l’hémisphère boréal, le nombre des morts s’éleva à quelques millions. On considéra alors l’épidémie comme grave, mais ces décès n’étaient que des affaires familiales qui n’affectaient guère l’espèce humaine sur la planète. »

Extrait de : J. Boyd. « La ferme aux organes. »

L’envoyé d’Andromède par J. Boyd

Fiche de L’envoyé d’Andromède

Titre : L’envoyé d’Andromède
Auteur : J. Boyd
Date de parution : 1974
Traduction : J. Fillion
Editeur : Denoël

Première page de L’envoyé d’Andromède

« Pendant des millénaires et des millénaires, terme qu’emploient les hommes pour mesurer le temps, l’espèce avait assisté à la lente agonie de la lumière, au déclin du Soleil de sa planète, et en raison du second Principe de la Thermodynamique, alors immuable, la race était menacée d’entropie.

Mais cette espèce n’allait pas plonger sans lutter dans une nuit sans fin. Il y avait eu un temps où garçons et filles aux membres déliés s’ébattaient dès l’aube sur cette planète (mais cela se passait il y a très, très longtemps) et l’usage des membres nécessitait des calories. Le souvenir que cette espèce gardait de ces temps heureux l’incita à découvrir un moyen de capter l’énergie. Au long des nuits obscures et de la pâle lueur du jour de cette planète mourante, elle œuvra pour prévenir sa propre extinction et abroger ce fameux second Principe.

Elle y parvint. »

Extrait de : J. Boyd. « L’envoyé d’Andromède. »