Étiquette : Denoël
La forêt de cristal par J. G. Ballard
Fiche de La forêt de cristal
Titre : La forêt de cristal
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1966
Traduction : C; Saunier
Editeur : Denoël
Première page de La forêt de cristal
« Quand le Dr Sanders vit pour la première fois s’ouvrir devant lui l’estuaire du Matarre, ce qui l’impressionna le plus fut l’eau sombre du fleuve. Après bien des retards, le petit vapeur approchait enfin de la ligne des jetées, mais bien qu’il fût déjà 10 heures, la surface de l’eau était encore grise et lourde, teinte des sombres nuances de la végétation croulant sur les rives.
Quand parfois le ciel se couvrait l’eau était presque noire, telle une teinture putrescente. Les entrepôts et les petits hôtels épars constituant Port Matarre, par contraste, brillaient d’un éclat spectral de l’autre côté des sombres houles, comme s’ils eussent été éclairés moins par la lumière solaire que par quelque lanterne à l’intérieur, ainsi que les pavillons d’une nécropole abandonnée bâtie sur une série d’estacades à l’orée de la jungle. »
Extrait de : J. G. Ballard. « La forêt de cristal. »
Cauchemar à quatre dimensions par J. G. Ballard
Fiche de Cauchemar à quatre dimensions
Titre : Cauchemar à quatre dimensions
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1963
Traduction : G. Garson, P. Versins
Editeur : Denoël
Sommaire de Cauchemar à quatre dimensions
- Les voix du temps
- Le vide-sons
- L’homme saturé
- Treize pour le centaure
- Le jardin du temps
- La cage de sable
- Les tours de guet
- Chronopolis
Première page de Les voix du temps
« Plus tard, Powers pensa souvent à Whitby, et aux étranges sillons qu’avait creusés le biologiste au hasard apparemment, sur tout le fond de la piscine vide. Profonds de deux centimètres et longs de huit mètres, entrelacés pour former un idéogramme fouillé semblable à un caractère chinois, il lui avait fallu tout l’été pour les terminer, et il n’avait évidemment pas pensé à grand-chose d’autre, toujours à travailler tout au long des après-midi déserts. De la fenêtre de son bureau, à l’extrémité de l’aile de Neurologie, Powers l’avait observé, qui jalonnait soigneusement avec chevilles et cordeau, et qui transportait les débris de ciment dans un petit seau en toile. Après le suicide de Whitby, nul ne s’était inquiété des sillons, mais Powers empruntait souvent la clé du surveillant pour aller dans la piscine désaffectée étudier le labyrinthe de rigoles effritées, qu’emplissait à moitié l’eau suintant de l’appareil de javellisation : une énigme à présent insoluble.
Au début toutefois, Powers était trop préoccupé par l’achèvement de son travail à la clinique et par ses projets de départ. »
Extrait de : J. G. Ballard. « Cauchemar à quatre dimensions. »
Appareil volant à basse altitude par J. G. Ballard
Fiche de Appareil volant à basse altitude
Titre : Appareil volant à basse altitude
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1976
Traduction : E. Gille
Editeur : Denoël
Sommaire de Appareil volant à basse altitude
- L’ultime cité
- Appareil volant à basse altitude
- L’astronaute mort
- Je rêvais de m’envoler vers l’île de Wake
- La vie et la mort de Dieu
- Le plus grand spectacle de télévision au monde
- Un lieu et un moment pour mourir
- Les anges des Satcom
- Les assassinats de la plage
Première page de L’ultime cité
« De tout l’hiver, en travaillant au planeur, Halloway n’avait pas très bien su ce qui le poussait à construire ce dangereux appareil, aux ailes disgracieuses et au fuselage bossu. Même à présent, accroupi dans le cockpit pendant les dernières secondes qui précédaient son premier vol, il se demandait encore pourquoi il attendait là, perché sur les falaises abruptes au-dessus du Sound, d’être catapulté sur ces eaux violemment éclairées. Les ailes effilées frémissaient dans l’air glacé, comme si l’avion rassemblait ses forces pour éventrer le cockpit et en éjecter le téméraire pilote sur la plage en contrebas.
Halloway et ses aides — des gamins de dix ans qui lui servaient de coolies et de claque enthousiaste — s’y étaient pris dès l’aube pour traîner le planeur depuis la grange, derrière la maison de son grand-père, jusqu’aux falaises et le relier à la catapulte. Quand ils y étaient arrivés, les autres concurrents du championnat de vol à voile avaient déjà pris l’air depuis des heures. Halloway voyait de son cockpit une douzaine d’appareils bariolés suspendus au-dessus de sa tête dans le ciel calme. »
Extrait de : J. G. Ballard. « Appareil volant à basse altitude. »
Le rêveur de chats par E. Jouanne
Fiche de Le rêveur de chats
Titre : Le rêveur de chats
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1988
Editeur : Denoël
Première page de Le rêveur de chats
« Vous dansez ? » demanda le nuage à la lumière, qui vira au rouge, puis balbutia un consentement.
C’était en ce temps de perverse innocence où la danse suffisait à insuffler la fertilité chez les danseurs ; bientôt, le nuage et la lumière roulèrent et boulèrent entre les draps noirs et piqués d’or, roucoulèrent et se bouchonnèrent, devinrent l’embryon rebondi de leur propre progéniture. Le marmot cosmique absorba père et mère sans le moindre scrupule, mais ne les anéantit pas : l’œil des grandes nourrices passagères les distinguait encore, quoiqu’ils eussent rétréci pour se mettre au diapason du petit.
Le nuage prêta ses longs bras pour happer les éléments-aliments. La lumière prêta sa chaleur pour cuire, fondre et digérer. »
Extrait de : E. Jouanne. « Le rêveur de chats. »
Ici-bas par E. Jouanne
Fiche de Ici-bas
Titre : Ici-bas
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1984
Editeur : Denoël
Première page de Ici-bas
« Tom devait faire la vaisselle, à ce moment-là. Ou la cuisine. Ce contact permanent avec les à-côtés les plus prosaïques de l’existence semble lui procurer une certaine satisfaction. Peut-être même du plaisir – ou simplement cette béatitude stupide qu’engendre l’absence de pensée. Il doit bien y avoir une raison, en tout cas, pour que ses journées ne soient que prolifération de menus travaux, maquillage, toilette, ménage, couture, repassage, courses… Tom est comme ça. Tous les jours.
Je préfère quant à moi faire travailler mon cerveau. Je crois, sans me vanter, avoir quelques facilités de ce côté. Après les heures fastidieuses que je passe au magasin à vanter mes vieilleries aux chalands, à établir mes comptes et à m’ennuyer ferme, je ne trouve rien de plus émouvant que la chaleur de la musique ou les longues plongées dans les profondeurs de la bibliothèque ou de la pinacothèque. Je peux passer des heures dans mon fauteuil, les oreilles calées entre les enceintes de l’équipement stéréo, les yeux braqués sur l’écran de la télé ou sur les lignes imprimées. »
Extrait de : E. Jouanne. « Ici-bas. »
Damiers imaginaires par E. Jouanne
Fiche de Damiers imaginaires
Titre : Damiers imaginaires
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1982
Editeur : Denoël
Première page de Damiers imaginaires
« — Tu verras, toi aussi, un jour ta maison cessera de voler et ira s’écraser sur le sol ! Tu verras !
Les mots résonnèrent dans le bar presque désert, et les têtes des rares consommateurs se tournèrent dans la direction d’où provenait la voix triste, éraillée, tordue par l’alcool.
— Tu verras, reprit l’homme, tu ne te moqueras plus de moi quand ça t’arrivera. Tu viendras ici pour boire, toi aussi, et pour prévenir tes connaissances de ton prochain départ.
Il agitait un doigt mi-accusateur mi-implorant sous le menton hirsute de l’autre, qui le regardait avec une expression indéfinissable. Ses coudes balayaient une flaque sirupeuse qui séchait sur la table ronde, et menaçaient de faire choir d’un instant à l’autre les innombrables chopes vides en verre authentique qui encombraient le plateau plastifié. »
Extrait de : E. Jouanne. « Damiers imaginaires. »
Cruautés par E. Jouanne
Fiche de Cruautés
Titre : Cruautés
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1987
Editeur : Denoël
Sommaire de Cruautés
- Déserts
- Les prisons
- Hospitalité
- L’âge de pierre
- Multiplication du voleur
- Si vous balbutiez encore dans votre tombe de pierres …
- La course de Casanova
- Villes
- Comment, quand et où mourut le temps …
- Cessons de nous tourmenter …
- Avions
- Les masques du clown
- Cruautés
- Extinction des feux
- Conclusion
- Le suicite sans fin
Première page de Les prisons
« Au centre du monde, les prisons qui voyagent se croisent et, quelquefois, se remarquent. Elles cessent alors de se dandiner en direction de l’autre côté de la ville et se mettent à se flairer, à entamer leur étrange ballet maladroit au détour d’une rue, sans se soucier des passants qui jettent aux lourds barreaux des regards épais et furieux.
C’est que la ville constitue le monde, et que les prisons viennent de sa périphérie, c’est-à-dire de cet endroit qui n’en est pas un, de cet endroit auquel personne ici ne parvient à penser vraiment. Nous savons, bien sûr, que la ville dessine un cercle plein, que le monde dessine une sphère, mais concevoir l’élément dans lequel se meut ce cercle ou cette sphère nous restera à jamais impossible. Autour de leurs tasses de thé, les vieilles femmes tourmentées par leur veuvage racontent toutes sortes d’histoires fantaisistes au sujet des prisons et de l’extérieur du monde, mais personne ne les écoute réellement ; leurs phrases chevrotantes glissent sur la nappe de dentelle et tombent sur le parquet ciré, où chacun les piétine allègrement. »
Extrait de : E. Jouanne. « Cruautés. »
Quotient Intellectuel à vendre par J. Boyd
Fiche de Quotient Intellectuel à vendre
Titre : Quotient Intellectuel à vendre
Auteur : J. Boyd
Date de parution : 1972
Traduction : J. Fillion
Editeur : Denoël
Première page de Quotient Intellectuel à vendre
« Lisa, la femme de Dorsey Clayton, était une éthylique invétérée qu’aucun traitement, des « Alcooliques Anonymes » au Zen, n’était parvenu à guérir. Dorsey qui, dans Pacific Palisades, arrivait devant chez lui, klaxonna pour s’annoncer et donner à sa femme le temps de se rincer la bouche et de rafraîchir son haleine.
Lisa avait également tâté de la psychiatrie, mais avec cet instinct infaillible qui pousse un dipsomane vers un autre, son choix s’était porté sur un jeune analyste barbu et dans le vent. Celui-ci se montrait, envers les alcooliques, d’une indulgence excessive qui ne répondait pas à l’éthique médicale. Cédant au charme et à la personnalité de Lisa, il fit d’elle l’âme d’un groupe de malades en traitement. Après avoir passé un coûteux weekend dans un luxueux hôtel dont la piscine intérieure leur avait été réservée, les membres de ce groupe, Lisa à leur tête, étaient revenus enchantés, épanouis et fin saouls. »
Extrait de : J. Boyd. « Quotient intellectuel a vendre. »
Les libertins du ciel par J. Boyd
Fiche de Les libertins du ciel
Titre : Les libertins du ciel
Auteur : J. Boyd
Date de parution : 1969
Traduction : R. Delouya
Editeur : Denoël
Première page de Les libertins du ciel
« Les astronautes ne sont pas particulièrement prisés par les psychiatres. Avec leurs « Roger(1) », leurs « Wilco » et leurs « Okay », ces braves éclaireurs de l’espace sont tous des garçons typiquement américains qui aiment les filles et préfèrent une partie de bowling à la lecture d’un livre. Un astronaute, même s’il vient de Batusoland, avec la peau noire et les cheveux crépus, garde malgré tout les caractéristiques de l’Américain stéréotypé.
Les dysfonctions de l’ego sont aussi rares dans cette caste que les roses sur Mars, c’est du moins ce que je pensais quand je suis arrivé à Mandan. Et j’ai continué de le croire jusqu’à ce que j’aie assisté au débriefing de l’enseigne John Adams après son atterrissage non programmé sur le spatiodrome de Mandan. J’ai découvert en John Adams l’équivalent psychiatrique d’une orchidée fleurissant sur Jupiter. »
Extrait de : J. Boyd. « Les libertins du ciel. »
Le gène maudit par J. Boyd
Fiche de Le gène maudit
Titre : Le gène maudit
Auteur : J. Boyd
Date de parution : 1973
Traduction : J. Fillion
Editeur : Denoël
Première page de Le gène maudit
« Par une claire matinée du mois de janvier, le docteur John Heywood descendit dans son bureau, situé dans la section de Génétique expérimentale, au vingtième étage de la tour qui abritait le California Institute of Technology, couramment appelé le Cal Tech. Après avoir échangé quelques mots avec sa secrétaire, il passa dans son appartement privé. Comme il allait enlever son pardessus, son regard tomba sur le courrier posé sur son bureau et fut attiré par une enveloppe à l’en-tête du bureau E du département des Affaires étrangères des États-Unis. Sans prendre le temps de retirer son manteau, Heywood s’assit à sa table et prit son ouvre-lettres dont le manche d’ivoire était une reproduction du David de Michel-Ange.
Deux fiches holographiques d’ordinateurs tombèrent de l’enveloppe, toutes deux de couleur chamois, mais l’une bordée de noir. L’enveloppe contenait également une lettre tapée à la machine par un amateur et rédigée dans un style familier qui contrastait étrangement avec l’attention passionnée que lui porta Heywood. »
Extrait de : J. Boyd. « Le gène maudit. »