Étiquette : Fleuve noir

 

Virgules téléguidées par Pierre Suragne

Fiche de Virgules téléguidées

Titre : Virgules téléguidées
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1980
Editeur : Fleuve noir

Première page de Virgules téléguidées

« La sueur était progressivement venue au front de Léridan, avec les rides soucieuses creusées dans la peau brune. Du dos de la main, il essuya cette moiteur luisante, s’efforçant de rendre le geste machinal. Ses doigts tremblaient, trahissant sa nervosité. Entre le pouce et l’index, Léridan saisit le mégot humide collé au coin de sa lèvre inférieure ; il considéra longuement le papier jauni, noirci, avant d’effriter le tabac gorgé de salive. Puis il essuya ses doigts sur son pantalon de velours rude. Il dit :
— Je ne te crois pas, Juan-Majin.
Juan-Majin prit un air ahuri, qu’il conserva quelques secondes, avant de pousser un long soupir et de hausser les épaules, fataliste. « Si tu ne me crois pas, Léridan Jorgue, c’est ton affaire, et je n’y peux rien. »… Voilà ce que signifiait son attitude. »

Extrait de : P. Suragne. « Virgules téléguidées. »

Vendredi, par exemple… par Pierre Suragne

Fiche de Vendredi, par exemple…

Titre : Vendredi, par exemple…
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1975
Editeur : Fleuve noir

Première page de Vendredi, par exemple…

« C’est jeudi, par exemple, sur la France. Et c’est la nuit, aussi, non seulement sur la France mais sur l’Union Sociale Européenne, dont fait partie la France.

Et la nuit est noire, brumeuse, pour le docteur Keyes qui prend place derrière son bureau du centre de psychothérapie de Grenoble ; pour le docteur Keyes qui s’assied à cette place, comme chaque soir, avec en tête sa dose de soucis habituels.

C’est la nuit aussi pour Jorge Das Vila, l’anarchiste, au volant de cette voiture de police maquillée, qui roule vers sa ville de Fessenheim. »

Extrait de : P. Suragne. « Vendredi, par exemple…. »

Une si profonde nuit par Pierre Suragne

Fiche de Une si profonde nuit

Titre : Une si profonde nuit
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1975
Editeur : Fleuve noir

Première page de Une si profonde nuit

« Joraf avait quitté la famille alors que le sol était encore froid et humide, les herbes, comme les pierres, gluantes de rosée. Depuis cet instant, il n’avait cessé de ramper en direction du premier piège.

A présent, Joraf transpirait. Certaines pierres du sol étaient très chaudes, et les rayons solaires cuisaient la peau de ses épaules nues, ainsi que ses avant-bras, ses mains. La sueur coulait de son front bombé et ruisselait sur ses pommettes. De temps à autre, d’un coup de langue, Joraf humectait ses lèvres sèches. Il s’était écorché les phalanges de la main droite – celle qui tenait l’arme – sur les arêtes coupantes d’une pierre que sa mémoire, distraite une seconde, avait oubliée. »

Extrait de : P. Suragne. « Une Si Profonde Nuit. »

Suicide par Pierre Suragne

Fiche de Suicide

Titre : Suicide
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1974
Editeur : Fleuve noir

Première page de Suicide

« Et pour tout arranger, il pleuvait.

Ce n’étaient pas de violentes averses, ni une pluie à chaudes larmes, mais, tout de même, il pleuvait. Un sale petit crachin tout gris, qui salissait les montagnes et engluait tout ce qu’il touchait, tirant la voûte molle des nuages jusqu’à presque lui faire toucher terre – il avait pourtant l’air bien fluet, ce petit crachin – une pleurnicherie.

Et puis il faisait froid.

Davantage encore à l’intérieur de l’église qu’au-dehors.

Paul frissonna. Cela naissait dans ses reins et remontait au long de son dos, pour venir trembler jusque dans ses mâchoires. Depuis deux jours, il n’en finissait pas de frissonner. »

Extrait de : P. Suragne. « Suicide. »

Purgatoire par Pierre Pelot

Fiche de Purgatoire

Titre : Purgatoire
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1986
Editeur : Fleuve noir

Première page de Purgatoire

« Au cours de la nuit qui suivit cette fête en compagnie du Patron, sans doute parce qu’il avait bu plus que de raison, Cole fit un cauchemar abominable, c’est-à-dire : un cauchemar particulièrement abominable.

Ce genre de rêve qui vous atteint non seulement dans l’esprit et dont vous gardez longtemps en mémoire la cicatrice purulente, mais dans vos chairs aussi, au point de constater à l’éveil (et d’ailleurs sans trop savoir avec certitude qu’il s’agit d’un véritable éveil… si, au contraire…) que vos ongles ont laissé des marques sanglantes sur votre peau. »

Extrait de : P. Pelot. « Purgatoire. »

Mecanic jungle par Pierre Suragne

Fiche de Mecanic jungle

Titre : Mecanic jungle
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1973
Editeur : Fleuve noir

Première page de Mecanic jungle

« Dans le silence presque parfait, le ululement de la sirène monta. Un son aigu, criard, qui enflait progressivement. Le véhicule s’approchait à grande vitesse.
Sur les trottoirs mobiles, les passants tournèrent leurs regards vers la chaussée centrale. Ils avaient de longs visages pâles, des yeux plutôt vides, comme des masques figés qui ne reflétaient pas la moindre expression.
En quelques secondes, le hurlement de la sirène fut à son paroxysme. Jaillissant de derrière un coude de la chaussée, à cet endroit où étaient braqués les regards des passants, le motobil rouge comme une flamme fit son apparition. Parmi les passants aux pieds soudés sur les trottoirs mécaniques, certains eurent comme un geste de recul instinctif. Rien de bien appuyé. Une simple esquisse. »

Extrait de : P. Suragne. « Mecanic jungle. »

Mal Iergo le dernier par Pierre Suragne

Fiche de Mal Iergo le dernier

Titre : Mal Iergo le dernier
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1972
Editeur : Fleuve noir

Première page de Mal Iergo le dernier

« Tous les bouges de Targa se ressemblent. Ils ne sont pas des tavernes dans une ville, ils sont la ville entière. Les plus monstrueux sont sans nul doute ceux des anciens ports spatiaux. Mais il reste très peu de ports spatiaux sur Targa.

En revanche, on trouve encore d’innombrables villes-tavernes, sur les six continents. Galeuses, elles tachent la jungle, ou bien elles sont comme de sales excroissances sur le bord des fleuves, ou bien encore elles se dressent, telles de longs champignons plats, dans les déserts et les montagnes sèches.

À présent, les long-courriers réguliers évitent soigneusement Targa la Maudite. C’est ainsi depuis longtemps, il est vrai. C’est ainsi depuis la catastrophe, mais personne, dans les peuples galactiques, n’est assez vieux en âge pour se lever et dire : « J’ai vu, je vivais quand s’est produite la catastrophe ». Personne. La catastrophe a explosé il y a bien
longtemps. »

Extrait de : P. Suragne. « Mal Iergo le Dernier. »

Mais si les papillons trichent par P. Suragne

Fiche de Mais si les papillons trichent

Titre : Mais si les papillons trichent
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1974
Editeur : Fleuve noir

Première page de Mais si les papillons trichent

« Price s’éveilla, mais demeura allongé sur le lit, paupières closes. Longtemps, il écouta la fatigue qui roulait dans son corps, glissait en vague molle au long de ses muscles. Cette nouvelle marque de somnifère qu’il utilisait depuis quelque temps était réellement efficace…, peut-être trop. Il se dit, pour la centième fois, qu’il serait judicieux d’en changer encore, et de rendre visite à un conseiller-psycho. Dans toute la gamme de ces somnifères, il devait certainement exister une marque idéale. Une marque pour lui, Price.

Paupières closes, il écouta l’extérieur, laissant vagabonder ses idées au hasard. Aux rives du sommeil, il s’extirpait lentement des vagues lourdes. Tout autour de lui, c’était le calme parfait. »

Extrait de : P. Suragne. « Mais si les papillons trichent. »

Le dieu truqué par Pierre Suragne

Fiche de Le dieu truqué

Titre : Le dieu truqué
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1974
Editeur : Fleuve noir

Première page de Le dieu truqué

« La planète des Moor’woks n’avait pas de nom propre. Ce n’était pas nécessaire. Parfois, lorsqu’ils en parlaient, ils disaient simplement « le Monde », et c’était bien suffisant.
Bien suffisant.
En un point de l’espace, le Monde tournait autour d’un soleil, et le soleil tournait autour d’un point central d’une galaxie, qui tournait elle-même, avec d’autres galaxies… depuis ce qu’on appelle le commencement des temps.
Sur le Monde, il y avait des prairies d’herbe, des déserts de sable et de pierres, des vallées et des montagnes. Il y avait des mers, des fleuves, des ruisseaux, des sources. Des arbres à chevelures feuillues et d’autres tout hérissés d’épines. Il y avait des nuages dans les cieux, de la pluie qui tombait, de la neige et du vent qui courait. Parfois, il faisait chaud, parfois il faisait froid. »

Extrait de : P. Suragne. « Le dieu truqué. »

La septième saison par Pierre Pelot

Fiche de La septième saison

Titre : La septième saison
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1972
Editeur : Fleuve noir

Première page de La septième saison

« De mai à juin, en cette année 3096, les troupes civiles des commandos « Survie » avaient organisé le dernier rassemblement. De mai à juin. Un mois terrestre, simplement. Suivant un réseau-quadrillage très serré, ils avaient parcouru la planète, à bord de leurs plates-formes rasantes équipées de détecteurs d’ondes biologiques, repérant infailliblement toute trace de vie humaine dans les déserts, les magmas putrides des anciennes jungles. Un mois, pour inventorier, cloisonner, repérer. Sur ces données, la chasse s’était ouverte, menée par d’autres commandos Survie.

La chasse, il n’y avait pas d’autre mot pour qualifier le travail de ces hommes lancés dans la brousse molle, armés de projecteurs paralysants.

A présent, la chasse était finie. Elle s’était déroulée sans accidents graves – des flèches perdues avaient blessé quelques membres des commandos, mais sans gravité ; il n’y avait eu aucune mort d’homme. »

Extrait de : P. Pelot. « La septième saison. »