Étiquette : Fleuve noir
Verte destinée par Kenneth Bulmer

Fiche de Verte destinée
Titre : Verte destinée
Auteur : Kenneth Bulmer
Date de parution : 1957
Traduction : A. Audiberti
Editeur : Fleuve noir
Première page de Verte destinée
« L’eau était profonde, froide et noire. Prises dans l’étau d’une pression écrasante, les molécules bougeaient à peine au-dessus du limon pélagique dont la profondeur confond l’imagination, dont la masse, au sein d’une immense obscurité, masque un monde mystérieux de nuit éternelle.
L’eau pèse sur le limon du fond océanique et pousse contre le mur pâle de l’escarpement qui s’élève en colonnes de roc fissurées. Des cascades de boue drapent comme des rideaux les crevasses rocheuses et suintent en éventails onduleux. On ne voit ici aucune couleur. Seules règnent d’éternelles ténèbres.
Fendus et dentelés, les flancs du talus s’élèvent en une chaîne ininterrompue, sans cassure, et forment la plus longue paroi continue du monde. Vingt mille pieds de roche nue et de boue, sans lumière, sans végétation, s’élancent du fond océanique vers la surface avec une inclinaison presque verticale pour soutenir et étayer le plateau continental. Des ténèbres épaisses, et cependant des lumières. Des lumières partout. Des points brillants colorés se ruent, s’arrêtent net un temps infinitésimal, puis s’envolent, disparaissent, s’ébattent et resplendissent dans le triomphe sauvage, stupide, de la faim rassasiée. »
Extrait de : K. Bulmer. « Verte Destinée. »
Zone de rupture par Peter Randa

Fiche de Zone de rupture
Titre : Zone de rupture
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1964
Editeur : Fleuve noir
Première page de Zone de rupture
« Lélia m’a accompagné jusqu’à la plage. J’aurais préféré qu’elle reste dans la chambre, mais naturellement elle se croit obligée. Elle est ma femme après tout. Ma femme ! mais il n’y a que pour elle que ça a de l’importance.
Heureusement, elle sait se taire. Elle ne m’a posé aucune question. En général, ces femmes-là nous assourdissent de leurs bavardages en s’imaginant que ça nous change des longues solitudes de l’espace.
Je lui sais gré de son silence et de sa discrétion. Moi non plus je ne l’ai pas questionnée. Au début, lors de mes premières escales, je voulais savoir, comprendre, mais c’est toujours la même chose. Comme toutes les autres elle espère un enfant.
L’enfant roi des jeunes colonies, qui lui vaudra une place privilégiée dans la société puisque ce sera celui d’un « combattant ». Je m’arrête au bord de l’eau et une vague vient lécher mes bottes. Le soleil haut sur l’horizon tape dur. »
Extrait de : P. Randa. « Zone de rupture. »
Venu de l’infini par Peter Randa

Fiche de Venu de l’infini
Titre : Venu de l’infini
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1979
Editeur : Fleuve noir
Première page de Venu de l’infini
« D’un regard, je branche l’enregistreur encéphalographique et vais en faire autant pour le premier écran, mais je retiens mon influx. Avant, autant faire le point car j’ignore dans quel coin de la galaxie mon vaisseau ira se poser s’il m’arrive un accident. Après tout, la mort me guette comme un autre.
Dans le vide, on ne sait jamais. D’accord, ce fait est rarissime, seulement, dans l’espace, on n’est jamais à l’abri d’une décompression brutale. Certaines espèces les supportent. Elles ont des charpentes plus solides. En un sens, les nôtres sont assez fragiles. Pas exactement car elles sont plus souples. Je reste songeur… La souplesse a ses limites aussi et parfois, en ne pliant pas, on fait sauter l’obstacle.
Nous dominons toutes les espèces par l’intelligence et pourtant, nous sommes des créatures abominablement fragiles dans l’univers monstrueux et cruel. L’intelligence ne suffit pas. Elle compense souvent et ne remplace jamais.
Une impulsion mentale branche le premier écran de la rangée basse. Le quatrième étage du vaisseau. Les malheureux enfermés là le nomment l’Enfer. Les plus gravement atteints. Dix cabines contenant chacune trois couchettes sur
lesquelles sont allongés trois êtres vivants. »
Extrait de : P. Randa. « Venu de l’infini. »
Solde à la morgue par Peter Randa

Fiche de Solde à la morgue
Titre : Solde à la morgue
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1955
Editeur : Fleuve noir
Première page de Solde à la morgue
« Le Bercy ouvre ses portes à neuf heures du soir. Je traînais dans le coin sans trop savoir ce que j’allais fiche. Quelques tours de chant, puis, vers minuit, une revue rosse, c’est exactement ce qu’il me fallait pour aider le temps à se tirer sans trop me peser sur les épaules. L’affiche est alléchante comme pas une : deux numéros de strip-tease ; les plus belles mômes de Paname, sans voile ; un chansonnier qui se défend et une chanteuse, sans doute à la noix, mais dont la photo, dans la vitrine, donne pas mal d’idées… celles qu’on garde en réserve derrière la tête et qu’on met en pratique, dès que le cochon accepte de s’éveiller, comme disait Montaigne ou un autre… plutôt un autre.
Le champagne doit y être hors de pris et les filles faciles autant qu’aimables. Le genre d’endroit où l’on ne passe pas inaperçu quand on est bourré de pognon et bien décidé à en claquer une liasse. C’est mon cas ce soir. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Vague à l’âme et tout ce qu’on veut. Désœuvrement, quoi ! J’ai une mentalité de gars en vacances. »
Extrait de : P. Randa. « Solde à la morgue. »
Sédition par Peter Randa

Fiche de Sédition
Titre : Sédition
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1964
Editeur : Fleuve noir
Première page de Sédition
« J’ouvre les yeux. L’esprit brumeux je ne comprends pas très bien. Pas un réveil comme les autres. Une terrible impression d’inconfort physique et d’engourdissement à laquelle je veux m’arracher. Je fais un effort, mais c’est impossible.
Impossible de remuer, mais je roule sur moi-même et je tombe lourdement sur le sol. Un sol souple sur lequel je ne me fais pas mal.
— Mais, bon Dieu !
Une terrible faiblesse et c’est effrayant. Je suis complètement immobilisé dans une obscurité totale. Pas moyen de bouger, comme si j’avais tout le corps étroitement enveloppé, mais dans quoi ? On dirait une chape hermétique. Seule, ma tête peut bouger. »
Extrait de : P. Randa. « Sédition. »
Sanctuaire 1 par Peter Randa

Fiche de Sanctuaire 1
Titre : Sanctuaire 1
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1978
Editeur : Fleuve noir
Première page de Sanctuaire 1
« Je fais des calculs. Des calculs de propulsion dans l’espace, en tenant compte d’une résistance atmosphérique chiffrée. Je ne sais absolument pas comment se compose une atmosphère libre, c’est-à-dire non régularisée comme dans les endroits où nous vivons, mais je suis persuadé d’englober tous les éléments. Je me livre à ces calculs pour mon plaisir et un peu par instinct. On ne les a pas exigés de moi.
Souvent, je me demande pourquoi je fais ceci ou cela ? Et pourquoi ceux qui nous gouvernent, les prêtres, trouvent-ils toujours nos expériences naturelles, logiques ? Personnellement, au début de mes calculs, j’ai désiré faire des expériences. Je me suis adressé au robot attaché à ma personne et il m’a conduit, sans discuter, dans une salle équipée exprès.
J’ai décidé des différents « souffles » susceptibles de venir à la rencontre de mon engin et donc de retarder sa course… J’ai donc fabriqué un prototype et tout a été calculé en fonction de sa grandeur et de sa puissance. Pour les « souffles », les prêtres ont un nom… Ils les nommaient « vent » et leurs machines pouvaient en créer certains d’une force prodigieuse. »
Extrait de : P. Randa. « Sanctuaire 1. »
Rencart à Golconde par Peter Randa

Fiche de Rencart à Golconde
Titre : Rencart à Golconde
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1967
Editeur : Fleuve noir
Première page de Rencart à Golconde
« Le commissaire-priseur fait un signe et deux hommes de peine hissent sur une table un coffre de bois carré d’environ soixante-dix centimètres de côté. En chêne. Noirci et piqué. Visiblement un très vieux coffre, mais visiblement aussi sans beaucoup de valeur apparente.
— Coffre ancien. Portant écusson sur le couvercle, donc d’époque. Mis en vente tel qu’il a été retrouvé derrière la cheminée de l’immeuble, sis au 12 de la Grand-Rue, chez Louis Hallerstein. Il contient, outre les œuvres complètes du poète allemand Gœthe, dans sa langue maternelle, en douze petits volumes reliés, la Bible familiale des Hallerstein…
Il prend un temps pour souffler, puis il ajoute :
— Mise à prix deux cents francs… Vingt mille anciens.
Un murmure court dans la salle, sans doute surprise par l’importance de la mise à prix, car le reste du mobilier, lots de vaisselle et de hardes, sont partis pour des sommes dérisoires.
— Deux cent cinquante ! crie immédiatement une jeune fille. »
Extrait de : P. Randa. « Rencart à Golconde. »
Requins d’eaux troubles par Peter Randa

Fiche de Requins d’eaux troubles
Titre : Requins d’eaux troubles
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1963
Editeur : Fleuve noir
Première page de Requins d’eaux troubles
« Pas le froid dur et hargneux des grands hivers, mais tout de même, une couche de neige durcie craque sous le pas et de temps en temps, de courtes rafales d’un vent humide et glacé mordent les visages.
— Demandez Le Réveil… La Liberté.
Bernu, le marchand de journaux n’a pas l’air de souffrir du froid. Un grand garçon blond, dégingandé. Il semble toujours perdu dans un rêve et marche dans les rues avec une lenteur méthodique, très digne, très droit avec son paquet de journaux étendu sur le bras droit, deux numéros en éventail.
— Demandez Le Réveil… La Liberté.
Il crie sans crier d’une voix distincte qui porte loin mais sans éclat. Tout en lui reste impassible, empreint d’une douceur sournoise et anormale. Il est comme suspendu et étranger à ses allées et venues.
La grande place mal éclairée a quelque chose de sinistre et d’inconfortable. Le bâtiment de la gare semble surgir, masse lourde dans l’ombre, avec des taches de lumière jaune à l’emplacement des fenêtres. La lumière ne scintille pas, elle manque de force. Tout autour l’obscurité épaisse dont on a l’air de s’évader ou de s’arracher. »
Extrait de : P. Randa. « Requins d’eaux troubles. »
Reconquête par Peter Randa

Fiche de Reconquête
Titre : Reconquête
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1965
Editeur : Fleuve noir
Première page de Reconquête
« Dilna arrive en courant du village et elle s’arrête devant nous, tout essoufflée, en s’écriant :
— Ils sont chez le vieux Tyndel.
Ça devait arriver. Tyndel le craignait. Il prétend que les Sophils sont télépathes. Certains en
tout cas. Les plus grands, ceux qu’on appelle les Rauls et dont l’apparence physique est identique à la nôtre, sauf la tête.
Je ressens une étrange impression, faite de colère impuissante, car j’aime beaucoup le vieux Tyndel, de désenchantement et d’une vague appréhension. Je vais devoir abandonner les miens et partir vers l’inconnu. Un inconnu qui m’effraye d’avance.
Les miens… Je n’ai plus ma mère ni mon père, mais il y a le village que je n’ai jamais quitté, mes amis.
— Qu’est-ce qu’il a fait le vieux Tyndel ? demanda Torl.
Autant jeter le masque maintenant, alors, je lui dis :
— Il enseignait les anciennes traditions.
— Comment le sais-tu, Arl ?
— Je le sais… Et quand les Rauls auront lu dans le cerveau de Tyndel ils viendront sans doute ici pour me prendre aussi.
— Arl ?
L’exclamation vient de Dilna. J’ai un mouvement d’épaules :
— Je ne les attendrai pas. »
Extrait de : P. Randa. « Reconquête. »
Qui suis-je ? par Peter Randa

Fiche de Qui suis-je ?
Titre : Qui suis-je ?
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1965
Editeur : Fleuve noir
Première page de Qui suis-je ?
« Un picotement dans tout le corps me réveille brusquement. Comme si des centaines de milliers de fourmis se débattaient désespérément à l’intérieur de mes veines. La douleur m’arrache un gémissement, et je me redresse.
Fini ! Instantanément ! A peu près comme si j’avais rêvé, comme si je sortais brutalement d’un cauchemar. Une montée de sueur. Un peu ahuri, je m’essuie le front.
Je suis entièrement nu. Etendu dans une espèce de baignoire. Une baignoire vide, équipée d’une infinité de robinets, de cadrans et de tubes en matière plastique. J’en ai encore trois attachés à mon torse par des ventouses.
Bon Dieu ! Je rêve ou quoi ? Dans une baignoire, mais pas dans une salle de bains. Plutôt dans une sorte de laboratoire. Je ne l’ai jamais vu, et, pourtant, il me paraît familier. »
Extrait de : P. Randa. « Qui suis-je ?. »