Étiquette : Fleuve noir

 

Humains de nulle part par Peter Randa

Fiche de Humains de nulle part

Titre : Humains de nulle part
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1963
Editeur : Fleuve noir

Première page de Humains de nulle part

« L’herbe de Taal donne des rêves d’une lucidité étrange et aiguë. Des rêves éveillés au cours desquels on ne perd jamais conscience. Elle sublime en quelque sorte la personnalité… Le seul refuge, quand on ne croit plus à rien et qu’on n’a plus d’espérance.
J’aime la fumerie de Lhorian située tout au fond du quartier indigène de Marsville où la garde spatiale hésite toujours à s’engager. Moi, j’y suis tabou… Les despérados de l’espace inspirent toujours une sorte de crainte superstitieuse à la population trouble des bas-quartiers dans toutes les grandes cités de Vénus ou de Mars.
Mon nom est un anachronisme : Bohémond. Un vestige. A l’époque des grandes conquêtes spatiales, une mode a voulu que les nouveaux conquistadors reprennent des patronymes moyenâgeux. »

Extrait de : P. Randa. « Humains de nulle part. »

Génération spontanée par Peter Randa

Fiche de Génération spontanée

Titre : Génération spontanée
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1973
Editeur : Fleuve noir

Première page de Génération spontanée

« Brusquement, je prends conscience !… Un sentiment bizarre et exceptionnel… Brusquement, je suis. C’est une véritable explosion de sentiments divers, de sensations étonnantes qui m’effarent un peu.

Mon cœur se met à battre et j’éprouve une horrible impression d’étouffement. Pas pour longtemps… Presque tout de suite, le couvercle de mon habitacle se soulève et je peux respirer.

Bon de respirer… Ça soulage. Respirer ?… Emplir ses poumons d’air… d’oxygène. Les emplir librement en gonflant sa poitrine.

J’ai l’impression de respirer pour la première fois. C’est vrai, d’ailleurs. Je sais que c’est vrai. Etrange… Pas exactement que je respire pour la première fois… Non, je respire depuis des années. Seulement, je ne le savais pas.

Il faut que je m’habitue. Je prends conscience. Je respirais sans le savoir par l’intermédiaire de mon habitacle. Oui… Je suis conditionné pour oublier très rapidement que je suis né dans un habitacle. »

Extrait de : P. Randa. « Génération Spontanée. »

Et le dernier humain mourut par Peter Randa

Fiche de Et le dernier humain mourut

Titre : Et le dernier humain mourut
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1970
Editeur : Fleuve noir

Première page de Et le dernier humain mourut

« Depuis quand ai-je la sensation d’une présence continuelle ? Le sentiment d’être épié, même lorsque je suis seul dans ma chambre. Il n’y a rien de plus désagréable d’autant plus que je ne vois jamais personne…

Personne en train de me filer.

Bien sûr, je sais que la police dispose de nouvelles techniques, mais je ne vois pas la raison pour laquelle elle les utiliserait contre moi… Je suis un homme lessivé, liquidé. Pour toujours. À moins qu’il s’agisse d’une surveillance spéciale.

Parce que, jadis, j’ai fait partie du gouvernement.

Jadis ! Ça fait plus de dix ans et il ne me reste plus la moindre chance d’y rentrer jamais… Ma carrière est finie. Elle n’a pas survécu au scandale qui l’a en quelque sorte couronnée.

Je me souviens encore du jour où le président de la commission de Contrôle permanent m’a convoqué dans son cabinet. Un grand gaillard maigre, ascétique, aux lèvres minces et au regard dur.

Devant lui, il y avait un volumineux dossier… Le mien…

Esquissant un sourire plein d’amertume, je quitte mon fauteuil pour aller me servir un verre. »

Extrait de : P. Randa. « Et le dernier humain mourut. »

Escale à Hango par Peter Randa

Fiche de Escale à Hango

Titre : Escale à Hango
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1980
Editeur : Fleuve noir

Première page de Escale à Hango

« — La section III aux cryptes d’hibernation.

J’appartiens à la section III. Mon temps de vie naturelle est déjà terminé. Ça va vite, six mois. La dernière fois, je venais de rencontrer Elmée. J’ai demandé une prolongation. Nous avons demandé une prolongation et on nous a accordé une semaine. Une semaine d’amour fou, puis nous sommes tout de même descendus dans la crypte… pour en ressortir vingt-cinq ans plus tard.

Ces vingt-cinq ans, sans nous marquer physiquement, nous ont apporté l’oubli. J’ai revu Elmée. Nous nous sommes reconnus, mais comme des gens ayant passé des vacances agréables ensemble. Rien n’efface les sentiments comme l’hibernation. Une véritable désintégration.

Cette fois, je suis seul et n’ai pas de problèmes affectifs. J’inspecte du regard mon étroite cabine. Je n’ai rien à emporter. Ce que je possède n’en vaut pas la peine. Après l’hibernation, je retrouverai une vie neuve, dans un nouveau cadre.

A bord, on ne peut rien posséder d’intime. Pas un objet auquel on attache une valeur sentimentale. L’espace est la négation même du sentiment. Dans l’espace, on devient une simple fonction. »

Extrait de : P. Randa. « Escale à Hango. »

Enjeu Deterna par Peter Randa

Fiche de Enjeu Deterna

Titre : Enjeu Deterna
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1970
Editeur : Fleuve noir

Première page de Enjeu Deterna

« Un garde, fusil paralysateur sur la hanche me conduit le long des innombrables couloirs de l’immense bâtiment des Services de Sécurité Extérieurs dont le chef, Termon, m’a convoqué de toute urgence.
Pourtant, je n’appartiens pas à son organisation et je me demande ce qu’il peut me vouloir. En règle générale, je suis plutôt mal vu dans les sphères officielles.
— Attendez ici.
Après m’avoir ouvert la porte d’un petit salon, le garde qui me sert de cicérone s’efface pour me laisser passer. Un salon d’attente, mais pas celui de n’importe qui.
Je n’y retrouve pas les rudes banquettes de bois habituelles, mais de profonds fauteuils disposés autour d’une table-robot prête à servir n’importe quelle boisson. Devant chaque fauteuil, une liste très complète comportant autant de boutons que de liquides. »

Extrait de : P. Randa. « Enjeu Déterna. »

En ses lieu et place par Peter Randa

Fiche de En ses lieu et place

Titre : En ses lieu et place
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1965
Editeur : Fleuve noir

Première page de En ses lieu et place

« Une enveloppe ordinaire, sans marque extérieure. Elle est adressée à : M. Jacques Dupont. Centre-Presse.

Je l’ouvre et j’en sors une feuille de papier à en-tête de la préfecture de police. Quelques lignes tapées à la machine. Pas de signature. Bon. Un de mes informateurs. J’en possède un certain nombre que leurs antécédents obligent à me rendre service à l’occasion. En général, je ne leur demande jamais rien qui puisse tracasser leur conscience de policier.

Arthur Soltret sera libéré aujourd’hui mercredi, à quinze heures. À la Santé où il a été ramené à la demande du juge d’instruction Davet. Le commissaire Gardel le prendra en charge à sa sortie de prison.

Soltret ! Arthur Soltret. Le nom ne me dit rien, mais j’ai un dossier qui le concerne, puisque j’avais demandé qu’on m’avertît de sa libération. Dans certaines affaires, il y a quelquefois des temps morts, par exemple lorsqu’un des protagonistes est bouclé pour quelques années. »

Extrait de : P. Randa. « En ses lieu et place. »

En plein brouillard par Peter Randa

Fiche de En plein brouillard

Titre : En plein brouillard
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1962
Editeur : Fleuve noir

Première page de En plein brouillard

« Nau a encore une demi-heure devant lui. Il repousse sa tasse et fait signe au garçon.
— L’addition.
Pas grand-monde au buffet de la gare. Trois couples qui viennent de prendre un hâtif petit déjeuner et une jeune fille. Les couples sont sans intérêt. Les Suisses allemands ne peuvent pas s’empêcher de prendre des allures avantageuses et supérieures.
La jeune fille est charmante, par contre. Visiblement, c’est une étrangère… enfin pas une Zurichoise. Elle paraît un peu déroutée par l’atmosphère compassée. Plusieurs fois, elle a consulté sa montre, puis levé les yeux sur la grosse pendule du mur.
L’aventurier la détaille avec intérêt. Un petit costume tailleur la moule savoureusement. La jaquette s’ouvre sur une blouse blanche très stricte, fermée au col par un clip d’or enrichi d’un diamant gros comme une noisette. »

Extrait de : P. Randa. « En plein brouillard. »

Disparus dans l’espace par Peter Randa

Fiche de Disparus dans l’espace

Titre : Disparus dans l’espace
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1965
Editeur : Fleuve noir

Première page de Disparus dans l’espace

« Je me sens beaucoup plus faible que la dernière fois. La tête lourde, les jambes molles et une effrayante lassitude. Dès que les portes de la salle d’hibernation se referment derrière moi, je dois m’appuyer contre la coque pour ne pas tomber.
Bizarre ! Une mauvaise sueur me couvre tout le corps. Glacial le couloir. Pourtant les bouches de chaleur fonctionnent. Une anomalie. En tout cas, moi, je suis resté en état de vie suspendue beaucoup plus longtemps que prévu. Au-delà des limites mêmes. Drôle de pari qu’on a fait sur mes qualités de récupération.
Péniblement, j’atteins la porte de l’élévateur et j’appuie sur le bouton d’appel. Pourquoi nous a-t-on fait dépasser la limite ? Car ce n’est certainement pas une mesure qui me concerne seul. Une expérience ?
On aurait dû m’avertir. La porte de l’élévateur s’ouvre et j’entre dans la cage en trébuchant. »

Extrait de : P. Randa. « Disparus dans l’espace. »

Deucalion par Peter Randa

Fiche de Deucalion

Titre : Deucalion
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1962
Editeur : Fleuve noir

Première page de Deucalion

« Bar de l’Espace ! Chaque fois que j’en pousse la porte j’ai un ricanement, mais je ne peux m’empêcher d’y revenir… Chaque fois aussi ma main remonte machinalement jusqu’à mon revers pour tâter l’insigne ovale qu’on ne peut pas m’empêcher de porter.

L’insigne ovale semé d’étoiles d’or sur fond bleu. L’insigne des pilotes. Celui qu’on reçoit le matin du premier départ pour un vol spatial dont on assume l’entière responsabilité.

Personne ! Je choisis soigneusement mes heures. Auguste, le barman, est en train d’astiquer son zinc. Il lève à peine la tête.

Whisky, monsieur Forestier ?

Oui.

Un seul verre. Je n’ai plus les moyens de m’en payer plus. Un par jour dans le cadre où je retrouve des ambiances d’autrefois. »

Extrait de : P. Randa. « Deucalion. »

Dette sur l’honneur par Peter Randa

Fiche de Dette sur l’honneur

Titre : Dette sur l’honneur
Auteur : Peter Randa
Date de parution : 1966
Editeur : Fleuve noir

Première page de Dette sur l’honneur

« Je m’accoude au zinc et Frédo, tout en m’avançant un verre, murmure :
— La petite en veste de daim, à la troisième table.
Dans la glace, je la vois. Toute jeune et plutôt mignonne. Les cheveux blonds, coupés court. L’air de s’emmouscailler ferme devant un café.
— Et elle a demandé après moi ?
— Oui.
— Jamais vue.
Peut-être pas. Je lui trouve quelque chose de familier sans arriver à la situer. Pas un tapin, comme les autres filles qui hantent la boîte de Frédo. Quelque chose de mieux.
— Gino a essayé de s’en occuper, mais je lui ai dit de laisser tomber.
— Bon. Je vais voir ce qu’elle me veut. Marrant et imprévu. Une souris à peine dégrossie qui me demande. Je n’en reviens pas. Je lampe ma fine, puis je me retourne et je marche vers la table occupée par la môme. »

Extrait de : P. Randa. « Dette sur l’honneur. »