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Je suis une légende par R. Matheson

Fiche de Je suis une légende

Titre : Je suis une légende
Auteur : Richard Matheson
Date de parution : 1954
Traduction : N. Serval
Editeur : Gallimard

Première page de Je suis une légende

« Lorsque le ciel  – comme c’était le cas ces jours-ci  – était nuageux, Robert Neville ne se rendait pas toujours compte de l’approche du soir, et parfois ils auraient pu envahir les rues avant qu’il ne fût rentré chez lui.

S’il avait eu l’esprit plus précis, il aurait pu calculer approximativement le moment de leur arrivée ; mais il avait gardé la vieille habitude de s’en remettre à la couleur du ciel. Par temps couvert, cette méthode n’était pas sûre et c’est pourquoi, ces jours-là, il préférait ne pas s’éloigner de sa demeure…

Il fit le tour de la maison, une cigarette collée au coin de la bouche, et examina chaque fenêtre pour s’assurer qu’aucune planche ne manquait : après certains assauts particulièrement violents, il arrivait que plusieurs fussent fendues ou à demi arrachées. Il lui fallait alors les remplacer, et il détestait cela. Aujourd’hui, une seule manquait. « Curieux », pensa-t-il… »

Extrait de : R. Matheson. « Je suis une légende. »

De la part des copains par R. Matheson

Fiche de De la part des copains

Titre : De la part des copains
Auteur : Richard Matheson
Date de parution : 1960
Traduction : B. Martin
Editeur : Gallimard

Première page de De la part des copains

« La sonnerie du téléphone retentit dans l’entrée.
— Qui peut bien nous appeler à une heure pareille ? demanda Helen en se redressant devant la machine à laver la vaisselle.
— Tu as envie de jouer aux devinettes ? Je donne tout de suite ma langue au chat, répliqua Chris.
Helen lui fit une grimace.
— Tu es en grande forme ce soir !
— On fait ce qu’on peut !
— On peut peu !
Souriante, Helen sortit de la cuisine et traversa le living-room où le tapis assourdissait le bruit de ses mules. Dans l’entrée, la sonnerie stridente tintait toujours. Elle songea qu’on aurait dû la faire poser dans la cuisine. »

Extrait de : R. Matheson. « De la part des copains. »

La trilogie du béton par J. G. Ballard

Fiche de La trilogie du béton

Titre : La trilogie du béton – intégrale
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 2015
Traduction : R. Louit, G. Fradier
Editeur : Gallimard

Sommaire de La trilogie du béton

  • Crash !
  • L’île de béton
  • I. G. H.

Première page de Crash !

« Vaughan est mort hier dans son dernier accident. Le temps que dura notre amitié, il avait répété sa mort en de multiples collisions, mais celle-là fut la seule vraie. Lancée vers la limousine de l’actrice, sa voiture a franchi le garde-corps du toboggan de l’aéroport de Londres et plongé à travers le toit d’un car rempli de voyageurs. Les corps broyés en grappes des touristes, comme une hémorragie du soleil, étaient toujours plaqués sur les sièges de vinyle lorsque je me suis frayé un chemin parmi les techniciens de la police, une heure plus tard. Cramponnée au bras de son chauffeur, l’actrice Elizabeth Taylor, avec qui Vaughan avait depuis tant de mois rêvé de mourir, se tenait à l’écart sous les feux tournants de l’ambulance. Quand je me suis penché au-dessus de Vaughan, elle a porté une main gantée à sa gorge.
Voyait-elle, dans la position du corps, la formule de mort que Vaughan avait conçue pour elle ? Les dernières semaines de sa vie, Vaughan ne pensait qu’à la mort de l’actrice, à ce sacre des blessures qu’il avait mis en scène avec la dévotion d’un chef du protocole. »

Extrait de : J. G. Ballard. « La trilogie de béton : Crash, L’île de béton, I.G.H. »

Crash ! par J. G. Ballard

Fiche de Crash !

Titre : Crash ! (Tome 1 sur 3 – Béton)
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1973
Traduction : R. Louit
Editeur : Gallimard

Première page de Crash !

« Vaughan est mort hier dans son dernier accident. Le temps que dura notre amitié, il avait répété sa mort en de multiples collisions, mais celle-là fut la seule vraie. Lancée vers la limousine de l’actrice, sa voiture a franchi le garde-corps du toboggan de l’aéroport de Londres et plongé à travers le toit d’un car rempli de voyageurs. Les corps broyés en grappes des touristes, comme une hémorragie du soleil, étaient toujours plaqués sur les sièges de vinyle lorsque je me suis frayé un chemin parmi les techniciens de la police, une heure plus tard. Cramponnée au bras de son chauffeur, l’actrice Elizabeth Taylor, avec qui Vaughan avait depuis tant de mois rêvé de mourir, se tenait à l’écart sous les feux tournants de l’ambulance. Quand je me suis penché au-dessus de Vaughan, elle a porté une main gantée à sa gorge.

Voyait-elle, dans la position du corps, la formule de mort que Vaughan avait conçue pour elle ? Les dernières semaines de sa vie, Vaughan ne pensait qu’à la mort de l’actrice, à ce sacre des blessures qu’il avait mis en scène avec la dévotion d’un chef du protocole. »

Extrait de : J. G. Ballard. « Crash ! – Béton. »

Carmen par P. Mérimée

Fiche de Carmen

Titre : Carmen
Auteur : P. Mérimée
Date de parution : 1845
Editeur : Gallimard

Première page de Carmen

« J’avais toujours soupçonné les géographes de ne savoir ce qu’ils disent lorsqu’ils placent le champ de bataille de Munda dans le pays des Bastuli-Pœni, près de la moderne Monda, à quelque deux lieues au nord de Marbella. D’après mes propres conjectures sur le texte de l’anonyme, auteur du Bellum Hispaniense, et quelques renseignements recueillis dans l’excellente bibliothèque du duc d’Ossuna, je pensais qu’il fallait chercher aux environs de Montilla le lieu mémorable où, pour la dernière fois, César joua quitte ou double contre les champions de la république. Me trouvant en Andalousie au commencement de l’automne de 1830, je fis une assez longue excursion pour éclaircir les doutes qui me restaient encore. Un mémoire que je publierai prochainement ne laissera plus, je l’espère, aucune incertitude dans l’esprit de tous les archéologues de bonne foi. En attendant que ma dissertation résolve
enfin le problème géographique qui tient toute l’Europe savante en suspens, je veux vous raconter une petite histoire ; elle ne préjuge rien sur l’intéressante question de l’emplacement de Monda. »

Extrait de : Prosper Mérimée. « Carmen. »

Les racines du mal par M. G. Dantec

Fiche de Les racines du mal

Titre : Les racines du mal
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 1995
Editeur : Gallimard

Première page de Les racines du mal

« Andréas Schaltzmann s’est mis à tuer parce que son estomac pourrissait.

Le phénomène n’était pas isolé, tant s’en faut : cela faisait déjà longtemps que les ondes cosmiques émises par les Aliens faisaient changer ses organes de place. Son cerveau était soumis à un tir de barrage de radiations destinées à le transformer, lui aussi, comme tous les autres, en un robot sans conscience au service de l’inhumaine machinerie.

Depuis des années les nazis et les habitants de Vega s’étaient installés dans son quartier, et il était certain qu’ils ne s’en tenaient pas là. Partout, et jusqu’aux plus hautes arcanes de l’État, le complot des Créatures de l’Espace étendait ses ramifications destructrices. Andréas pouvait s’en rendre compte chaque jour, en regardant les émissions de télévision. Il y avait cet animateur de jeu qui complotait contre le Pape, et le Premier ministre Balladur dont tout laissait croire qu’il transformait les gens en poupées. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Les racines du mal. »

La sirène rouge par M. G. Dantec

Fiche de La sirène rouge

Titre : La sirène rouge
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 1993
Editeur : Gallimard

Première page de La sirène rouge

« Le 17 avril 1993, quelques minutes avant que sa vie ne bascule tout à fait, Hugo Cornelius Toorop avait contemplé son visage dans la glace. Il y avait vu une longue tête un peu mélancolique, avec des sourcils en accents circonflexes. Ses yeux noirs brillaient comme deux billes laquées, sur des cernes qui mettraient sans doute un peu de temps à s’estomper. Deux rides faisaient leur apparition au coin de ses paupières. Elles s’étaient notablement accentuées, depuis peu.

Toute l’opération s’était pourtant déroulée à peu près comme convenu. Les armes avaient été livrées à ce qu’il restait de la République bosniaque. Cela n’avait pas été sans mal. Il avait même fallu éviter les navires de guerre occidentaux qui avaient établi un blocus militaire contre toute l’ex-Yougoslavie, depuis novembre précédent. Comme le disait Ari Moskiewicz, « les notions de bien et de mal ne font pas partie des subtilités enseignées à l’ENA ». »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « La sirène rouge. »

Là où tombent les anges par M. G. Dantec

Fiche de Là où tombent les anges

Titre : Là où tombent les anges
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 1995
Editeur : Gallimard

Première page de Là où tombent les anges

« Il faisait une putain de chaleur et j’étais en train de me dire que je haïssais le mois de juin et les baies vitrées.

C’était pas vraiment à cause de la clim en rideau depuis des jours, ni même à cause des loyers en retard qui s’accumulaient, par simple je-m’en-foutisme, ni du courrier assez sec du proprio que j’avais trouvé dans la messagerie, en allumant la console d’un coup de zappeur.

Non, j’avais simplement vue plongeante sur le carrefour, derrière lequel se dressaient les bâtiments de la nouvelle université. Les baies vitrées n’étaient pas programmables dans l’arcologie Youri Gagarine à l’époque, et la disposition de mon bureau ne m’en faisait pas rater une miette. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Là où tombent les anges. »

Babylon babies par M. G. Dantec

Fiche de Babylon babies

Titre : Babylon babies
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 1999
Editeur : Gallimard

Première page de Babylon babies

« Vivre était donc une expérience incroyable, où le plus beau jour de votre existence pouvait s’avérer le dernier, où coucher avec la mort vous garantissait de voir le matin suivant, et où quelques règles d’or s’imposaient avec constance: ne jamais marcher dans le sens du vent, ne jamais tourner le dos à une fenêtre, ne jamais dormir deux fois de suite au même endroit, rester toujours dans l’axe du soleil, n’avoir confiance en rien ni en personne, suspendre son souffle avec la perfection du mort vivant à l’instant de libérer le métal salvateur. Quelques variables pouvaient à l’occasion s’y glisser, la position du soleil dans le ciel, le temps qu’il faisait, et à qui on avait affaire.
De là où il se trouvait, accroupi au sommet du talus qui longeait le sentier, Toorop surplombait sa victime. À l’ouest, le soleil baissait sur l’horizon, laquant d’un jaune orange volcanique la terre ocre du haut Sin-kiang. L’air était sec, encore vibrant de la chaleur accumulée pendant toute la journée, et d’une pureté irréelle. C’était le temps idéal pour tuer quelqu’un. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Babylon Babies. »

Villa vortex par M. G. Dantec

Fiche de Villa vortex

Titre : Villa vortex (Tome 1 sur 2 – Liber mundi)
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 2003
Editeur : Gallimard

Première page de Villa vortex

« Nul n’aurait pu prédire que le siècle commencerait très précisément avec la Fin des Temps. Pas plus moi qu’un autre.
D’ailleurs, qui prédit encore quelque chose ?
Pourtant, certains d’entre nous avaient eu, durant un bref moment, la vision d’une Apocalypse imminente, alors que les festivités de l’An 2000 illuminaient les fuseaux horaires les uns après les autres, dans la féerie télégénique de la culture globale.
La peur, à l’époque, venait d’une banale conversion des systèmes informatiques planétaires au changement de date. Un terrible « bogue » menaçait, peut-être, le système circulatoire cybernétique des sociétés de troisième type.
Les agences de sécurité du monde entier furent mises en alerte, des milliers d’ingénieurs travaillèrent jour et nuit contre le temps désormais cadencé par le quartz des microprocesseurs.
Mais l’An 2000 passa, et rien ne se produisit. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Villa Vortex – Liber mundi. »