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Une autre saison comme le printemps par Pierre Pelot

Fiche de Une autre saison comme le printemps

Titre : Une autre saison comme le printemps
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2016
Editeur : Editions Héloïse d’Ormesson

Première page de Une autre saison comme le printemps

« AVANT, LES PRÉS DESCENDAIENT en pente douce jusqu’à la rivière, en dessous de la maison. Des arbres bordaient le cours d’eau. La route passait de l’autre côté, à une dizaine de mètres au plus près de la rive, calquant ses méandres sur ceux de la rivière. Avant, quand les arbres avaient des feuilles, on ne voyait même pas la route.

Et puis le tout-venant des hommes politiques se retrouva à même de prendre des décisions, et ces gens-là ne s’adressaient plus à des « citoyens » mais à des « consommateurs », des « électeurs », des « automobilistes ». Ces gens-là estimaient manquer leur carrière s’ils n’avait pas à leur actif la création d’une portion quelconque d’autoroute, une voie de contournement ou une zone industrielle.

Ils tracèrent donc la route de ce côté-ci de la rivière, en plein milieu des prés, ce qui coupa quelques virages, permit aux usagers de rouler un peu plus vite, aux accidents de se multiplier. Au trafic des camions de s’écouler sans discontinuer. »

Extrait de : P. Pelot. « Une autre saison comme le printemps. »

Maria par Pierre Pelot

Fiche de Maria

Titre : Maria
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2011
Editeur : Editions Héloïse d’Ormesson

Première page de Maria

« UN PEU DE BLANC DANS BEAUCOUP DE PLUIE, la méchante neige s’était mise à tomber en même temps que la nuit, à la sortie de la ville illuminée.

Des nœuds de fatigue s’étaient serrés plus durs entre ses épaules, les ankylosés et les crampes dans ses cuisses et mollets. Il avait failli s’arrêter sur une aire de stationnement, puis dans un café en bord de rue du premier village traversé, après Remiremont, mais il avait résisté, se disant qu’il touchait au but, qu’il ne lui restait guère plus d’une vingtaine de kilomètres – une vingtaine de kilomètres, après plus de 700 –, et il avait pris la voie rapide au flanc de la vallée qui filait presque droit à l’écart des villages.

La neige pourrie s’était épaissie. Les flocons plaqués au pare-brise tenaient une seconde avant de fondre. Cette averse voltigeuse l’avait surpris. C’était peut-être un peu tôt dans la saison. Il y avait encore beaucoup de feuilles aux arbres, jaunes et flamboyantes, pareilles à des flammes durcies. La neige, en principe, tombait après la chute des feuilles, non ? Il l’avait toujours cru, en tout cas. »

Extrait de : P. Pelot. « Maria. »

Elle qui ne sait pas dire je par Pierre Pelot

Fiche de Elle qui ne sait pas dire je

Titre : Elle qui ne sait pas dire je
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1987
Editeur : Editions Héloïse d’Ormesson

Première page de Elle qui ne sait pas dire je

« IL DONNAIT QUELQUES COUPS de lame courbe dans le taillis, puis se servait de l’outil pour ratisser et tirer dans le fossé, à ses pieds, branches et fougères coupées ; après quoi il soupirait brièvement, toujours pareil, et s’arrêtait, se redressait lentement, essoufflé comme s’il venait de fournir un effort surhumain. Alors, il posait la main gauche sur sa hanche, pouce au-dessus de la ceinture de cuir noir, sa main droite fermée sur le manche lisse du croissant débroussailleur, il appuyait maintenant sur l’outil cette énorme fatigue qui paraissait l’habiter et restait ainsi un moment à se demander s’il allait être capable ou non de poursuivre son travail. C’était sa manière. Trois ou quatre coups de lame pour sabrer, le mouvement transformé en ample ratissage, puis la pause, un regard bref au fil de la lame pour vérifier si un caillou sournois n’y avait pas d’aventure planté une dent. »

Extrait de : P. Pelot. « Elle qui ne sait pas dire je. »

Braves gens du purgatoire par Pierre Pelot

Fiche de Braves gens du purgatoire

Titre : Braves gens du purgatoire
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2019
Editeur : Editions Héloïse d’Ormesson

Première page de Braves gens du purgatoire

« ET MÊME LUI – cet homme-là qu’elle s’était donc décidée dans un farouche sursaut de déplaisir à appeler à son aide, pour ne pas dire son secours, dans la confusion de ce qu’elle pensait être, à l’instar de son père, un double meurtre et non pas un suicide et un assassinat, et après l’enterrement un même funeste jeudi, dans le même cimetière, des deux cadavres – n’eût été capable à l’évidence de satisfaire son questionnement, si elle l’avait exprimé, ici, à cet instant, dans l’entrouverture de la porte qui suivit le heurt de ses deux doigts recourbés contre le bois de hêtre. N’eût été capable de lui dire – ou simplement l’éclairer sur ce qu’elle devait être censée savoir, à ce que paraissaient croire à sa place tous ces gens de la parentèle qui s’étaient succédé, avec aux lèvres des questions plus ou moins finement montées et puis tombées, concernant le danger sous-entendu encouru par elle et son père, à présent que la source du mal avait été radicalement détournée, ses racines enterrées au sens propre du terme mais pas forcément à jamais – et de lui faire savoir ce qu’elle avait à penser de tout cela. »

Extrait de : P. Pelot. « Braves gens du purgatoire. »

Ailleurs sous zéro par Pierre Pelot

Fiche de Ailleurs sous zéro

Titre : Ailleurs sous zéro
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2020
Editeur : Editions Héloïse d’Ormesson

Sommaire de Ailleurs sous zéro

  • Ailleurs sous zéro
  • Apportez-moi trois petits cochons
  • Bievenu les canpeurs
  • Beau mais orageux en soirée
  • Doulce France
  • Frères de sang
  • Le lundi c’est gym
  • Le tonneau
  • Les quarante balais de mon con
  • Commandos
  • Le retour de Zan
  • Suaire (et Suaire la preuve)
  • Poésie, comme on dit

Première page de Ailleurs sous zéro

« Salut, ça va ?

Si ça va ? Oui, oui, ça va. On fait aller. Évidemment que ça va. Que veux-tu répondre d’autre ? Que ça ne va pas ? Et puis quoi ? Te dire ce qu’il en est vraiment ? Oui bien entendu, mais comment le dire, et avec quels mots ? Alors rester là à ressasser et décliner des hésitations, des approximations, des tentatives malhabiles d’explications ? Des errances de langage à la recherche du mot juste, précis. Pour, au final, que ça change quoi ? Que ça aille mieux ? Parce que, non, ça ne va pas trop. Ça ne va pas tellement. Mais ça va.

On retrouve le monde qu’on avait déserté il y a quelque temps. Absent pour cause de fracas. Pour cause de vrac en tête. D’effondrement des piliers de la terre.

Nous revoilà. Nous revoici. En vérité on n’était pas partis, on n’était juste pas là. Ça n’en avait pas l’air mais c’était ça. Oui, absent, c’est le mot. L’absence. »

Extrait de : P. Pelot. « Ailleurs sous Zéro. »