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D’autres royaumes par R. Matheson

Fiche de D’autres royaumes

Titre : D’autres royaumes
Auteur : Richard Matheson
Date de parution : 2011
Traduction : P. Imbert
Editeur : J’ai lu

Première page de D’autres royaumes

« Commençons. Je ne m’appelle pas Arthur Black. Mon nom de famille, c’est White. Mon prénom ? Alexander. Mon éditeur a jadis décrété que le patronyme Alexander White ne cadrait pas avec l’auteur des vingt-six romans de la série Minuit – parmi lesquels on citera Carnage à minuit et Orgie cannibale à minuit, entre autres titres de bon goût. À l’époque, c’est lui qui m’a proposé le nom d’Arthur Black. J’ai eu le temps de m’y faire. J’avais besoin d’argent. Trois mille dollars le bouquin – trois mille cinq cents plus récemment. J’ai fait le dos rond.

Malgré la teneur discutable de mes trente ans de carrière littéraire, j’ai hésité à écrire ce livre. Pourquoi ? Parce que tout est vrai. »

Extrait de : R. Matheson. « D’autres royaumes. »

Victoria et les Staveney par Doris Lessing

Fiche de Victoria et les Staveney

Titre : Victoria et les Staveney
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2010
Traduction : P. Giraudon
Editeur : J’ai lu

Première page de Victoria et les Staveney

« La cour de récréation était déjà plongée dans une ombre glacée. En arrivant au portail, les gens regardaient dans la direction d’où s’élevaient les voix de deux groupes d’enfants. Il était malaisé de distinguer qui était qui. Une sorte d’instinct permettait aux enfants du groupe le plus important de reconnaître leurs proches parmi les arrivants, et ils se précipitaient vers eux, seuls ou par paires, afin qu’on les ramène à la maison. Deux enfants restaient isolés au milieu du terrain, lequel était entouré de hauts murs surmontés de tessons de verre. Ils faisaient beaucoup de bruit. Un petit garçon se démenait, distribuait des coups de pied à l’aveuglette, en hurlant :
— Il a oublié. J’avais bien dit à maman qu’il oublierait !
Une fillette essayait de le calmer et de le consoler. Lui était grand pour son âge, tandis qu’elle était fluette, la tête hérissée de nattes raides dont les rubans roses pendaient, amollis par l’humidité froide. Elle était plus vieille que lui, mais non plus grande. »

Extrait de : D. Lessing. « Victoria et les Staveney. »

Les grand-mères par Doris Lessing

Fiche de Les grand-mères

Titre : Les grand-mères
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2003
Traduction : I. D. Philippe
Editeur : J’ai lu

Première page de Les grand-mères

« De part et d’autre d’un petit promontoire surchargé de cafés et de restaurants s’étendait une mer folâtre mais modérée. Rien en tout cas qui approchât du véritable océan, lequel grondait et rugissait à l’extérieur du trou béant formé par l’arrondi de la baie et la barrière corallienne que tout le monde appelait – cela figurait même sur les cartes – Baxter’s Teeth. Qui était ce Baxter ? Bonne question, souvent posée, à laquelle répondait un parchemin artistement patiné accroché au mur du restaurant situé au bout du promontoire. Cet établissement occupait le plus bel emplacement, le plus élevé donc le plus prestigieux. Baxter’s était son nom; on racontait que l’arrière-salle de brique légère et de roseau avait été la hutte de Bill Baxter, qu’il l’avait bâtie de ses propres mains. Ce Baxter était un navigateur infatigable, un marin qui avait découvert par hasard cette baie paradisiaque et son petit cap rocheux. Des variantes plus anciennes de la légende mentionnaient aussi des indigènes pacifiques et hospitaliers. Mais d’où provenaient ces « Dents » accolées à son nom ? »

Extrait de : D. Lessing. « Les grands-mères. »

Le monde de Ben par Doris Lessing

Fiche de Le monde de Ben

Titre : Le monde de Ben
Auteur : Doris Lessing
Date de parution : 2000
Traduction : M. Véron
Editeur : J’ai lu

Première page de Le monde de Ben

«  Quel âge avez-vous ?
— Dix-huit ans. »
La réponse ne vint pas tout de suite car Ben redoutait ce qui, il le savait, allait arriver maintenant ; et en effet, derrière la vitre qui le protégeait du public, l’employé posa son stylo-bille sur le formulaire qu’il remplissait, puis, avec sur son visage une expression que Ben connaissait trop bien, examina son client d’un regard à l’amusement empreint d’impatience qui n’était pas tout à fait de la dérision. L’homme qu’il avait devant lui était petit, gros, ou en tout cas trapu. La veste qu’il portait était trop grande pour lui. Il devait avoir au moins quarante ans. Et ce visage ! C’était une large face aux traits grossiers, dont la bouche s’étirait en un grand sourire – qu’est-ce qu’il pouvait bien trouver de si fichtrement drôle ? -, un nez épaté aux narines dilatées, des yeux glauques avec des cils roux pâle, sous des sourcils en bataille de la même couleur. »

Extrait de : D. Lessing. « Le monde de Ben. »

La région du désastre par J. G. Ballard

Fiche de La région du désastre

Titre : La région du désastre
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1967
Traduction : P. K. Rey
Editeur : J’ai lu

Sommaire de La région du désastre

  • Rêve d’oiseau 
  • La ville concentrationnaire 
  • L’homme subliminal 
  • Que s’éveille la mer 
  • Moins un 
  • Faux-fuyants 
  • Zone de terreur 
  • Trou d’homme n° 69 
  • L’homme impossible

Première page de Rêve d’oiseau

« L’aube s’est levée sur les corps des oiseaux morts luisant dans la lumière liquide du marais, leur plumage gris flottant sur les eaux calmes comme des nuages décrochés des cieux. Tous les matins, lorsque Crispin montait sur le pont de la vedette, c’était le même spectacle : des cadavres d’oiseaux voguant au fil des criques et des chenaux, des cadavres vieux de deux mois que le faible courant avait nettoyés de leurs plaies, et, longeant la rivière, la femme aux cheveux blancs qui vivait dans la maison abandonnée sous la falaise. Sur toute la longueur de la rive étroite, gisaient les grands oiseaux, plus gros que des condors, que la femme, sous le regard attentif de Crispin depuis la passerelle du bateau, foulait aux pieds en se baissant de temps à autre pour arracher une plume aux ailes déployées. Au terme de sa promenade, elle s’en retournait vers la maison vide à travers la prairie détrempée, les bras chargés de longues plumes blanches.

Au début, Crispin avait éprouvé un obscur sentiment de gêne à voir cette étrange femme descendre jusqu’à la grève et dépouiller tranquillement de leur plumage les cadavres d’oiseaux. »

Extrait de : J. G. Ballard. « La région du désastre. »

La plage ultime par J. G. Ballard

Fiche de La plage ultime

Titre : La plage ultime
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1964
Traduction : P.-P. Durastanti
Editeur : J’ai lu

Sommaire de La plage ultime

  • Un problème de rentrée
  • Le géant noyé
  • Fin de partie
  • L’homme illuminé
  • L’enclos des reptiles
  • Le delta au crépuscule
  • La plage ultime
  • Fin fond
  • Les danses du volcan
  • Billenium
  • Le Vinci disparu

Première page de Un problème de rentrée

« Toute la journée, ils avaient remonté le courant d’un train régulier, en s’arrêtant parfois pour relever l’hélice et couper les nœuds d’herbe, et vers trois heures de l’après-midi, ils avaient couvert quelque cent vingt kilomètres. Cinquante mètres plus loin, de part et d’autre de la vedette, les gorges abruptes du fleuve tropical surplombaient l’eau, entaillant le massif du Mato Grosso qui balayait l’Amazonie de Campos Buros au delta de l’Orénoque. Malgré leur progression – ils avaient quitté la station télégraphique de Très Buritis à sept heures ce matin-là –, le fleuve ne semblait guère vouloir rétrécir, ni altérer son débit. Obscure, immuable, la forêt suivait son cours : sa voûte aérienne cachait le soleil et, le long des rives, parait l’eau d’un lustre de velours noir. Parfois, le canal s’élargissait en une vaste étendue d’eau morte que de lents tourbillons huileux changeaient en miroir stagnant du ciel lointain, énigmatique ; çà et là des îlots de rondins de balsa pourris se réfractaient dans les strates de brume de chaleur, archipels à la dérive d’un rêve entr’aperçu. Puis le canal se resserrait et l’obscurité de la jungle enveloppait la vedette de sa fraîcheur. »

Extrait de : J. G. Ballard. « La plage ultime. »

L’épouvante par Daniel Walther

Fiche de L’épouvante

Titre : L’épouvante
Auteur : Daniel Walther
Date de publication : 1979
Editeur : J’ai lu

Première page de L’épouvante

« — S’il vous plaît, s’il vous plaît…
Les mots n’étaient qu’un balbutiement lamentable et Baird n’était pas très bien disposé envers les indigènes. Il refusa donc de se retourner, de prêter attention à une créature certainement misérable et vermineuse, peut-être pourrie de la tête aux pieds par une atroce maladie.
— S’il vous plaît, s’il vous plaît…
Puis Baird se dit qu’il y avait quelque chose de fascinant, de bouleversant dans cet appel répété, semblable à la prière d’un enfant abandonné par ses parents aux mauvais sortilèges de la nuit. Il se retourna et découvrit une mince silhouette dansante, mal découpée dans la demi-ténèbre de la rue. »

Extrait de : D. Walther. « L’épouvante. »

Un bonheur insoutenable par I. Levin

Fiche de Un bonheur insoutenable

Titre : Un bonheur insoutenable
Auteur : Ira Levin
Date de parution : 1970
Traduction : F. Straschitz
Editeur : J’ai lu

Première page de Un bonheur insoutenable

« Piliers de béton blancs et aveugles d’une ville, géants entre de moindres géants, entourant une vaste place rase où s’ébattaient quelque deux cents enfants encadrés par une douzaine de surveillantes en blouses blanches. La plupart des enfants – nus, bruns, aux cheveux noirs – rampaient à travers des cylindres jaunes et rouges, jouaient à la balançoire ou faisaient de la gymnastique par petits groupes ; mais dans un coin ombragé, assis en demi-cercle sur un quadrillage de marelle incrusté dans le sol, quatre d’entre eux écoutaient un cinquième parler.

— Ils attrapent des animaux, les mangent et s’habillent avec leurs peaux, disait celui qui parlait, un petit garçon de huit ans. Et aussi, ils se… « battent ». Ça veut dire qu’ils se font mal, exprès, avec leurs mains ou bien avec des pierres ou des bâtons. Ils ne s’aiment pas et ne s’aident pas. Pas du tout. »

Extrait de : I. Levin. « Un bonheur insoutenable. »

Les femmes de Stepford par I. Levin

Fiche de Les femmes de Stepford

Titre : Les femmes de Stepford
Auteur : Ira Levin
Date de parution : 1972
Traduction : T. Prigent, N. Gritz
Editeur : J’ai lu

Première page de Les femmes de Stepford

« Cheveux roux, lèvres purpurines, robe bouton-d’or, la déléguée du Comité d’accueil souriait des yeux, des dents et de toute la juvénile vivacité de ses soixante ans bien sonnés.

— Vous allez sûrement vous plaire ici, annonça-t-elle à Joanna. C’est un endroit agréable et très bien habité. Vous ne pouviez mieux tomber.

De l’énorme sacoche en vieux cuir marron qu’elle portait en bandoulière, elle se mit en devoir de sortir à l’intention de Joanna des étuis de boissons et de petits déjeuners en poudre, un paquet-échantillon de lessive bio-dégradable, un carnet d’achats valable pour vingt-deux magasins du coin, deux savons de ménage et une liasse de tampons désodorisants.

— Oh ! c’est trop ! s’écria Joanna, debout sur son seuil, les bras chargés. Assez ! Arrêtez ! Merci !

La préposée à l’accueil, après avoir, en dépit des « Non, je vous en prie ! » de Joanna, couronné la pile d’un flacon d’eau de Cologne, se remit à fouiller dans son sac et en exhuma une paire de lunettes cerclée de rose et un petit calepin brodé. »

Extrait de : I. Levin. « Les femmes de Stepford. »

La couronne de cuivre par I. Levin

Fiche de La couronne de cuivre

Titre : La couronne de cuivre
Auteur : Ira Levin
Date de parution : 1953
Traduction : J. Fillion
Editeur : J’ai lu

Première page de La couronne de cuivre

« Dire que tout marchait comme sur des roulettes et que cette idiote allait tout gâcher ! Un flot de haine l’envahit, son visage se crispa violemment. Il bénit l’obscurité qui les entourait.
Elle pleurait doucement, pressant sa joue contre le torse du garçon. Il sentait, sur sa peau nue, son souffle chaud, ses larmes tièdes. Il lutta contre l’envie de la repousser.
Il se détendit, l’entoura de son bras, lui caressa le dos. Il le trouva chaud sous sa main glacée. Tout son corps à lui était mouillé d’une sueur froide et ses jambes tremblaient comme à chaque fois qu’un événement imprévisible le prenait par surprise. Il attendit que cessât ce tremblement, puis, remontant la couverture, murmura doucement :
— Pleurer n’arrangera rien.
Docilement, elle essaya de s’arrêter, reprenant son souffle en de longs soupirs tremblés, s’essuyant les yeux à la bordure usée de la couverture. »

Extrait de : I. Levin. « La couronne de cuivre. »