Étiquette : Le livre de poche
Un métier de seigneur par P. Boulle

Fiche de Un métier de seigneur
Titre : Un métier de seigneur
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1960
Editeur : Le livre de poche
Première page de Un métier de seigneur
« L’espèce humaine – la tige essentielle de cette espèce, tout au moins (certains rameaux qui ne participent pas à l’élan central doivent être considérés comme des exceptions) –, l’espèce humaine est en train de se hausser à un degré de loyauté intellectuelle au-delà duquel il lui sera difficile d’évoluer ; car aucun progrès ne peut se concevoir, la perfection atteinte, et des signes innombrables annoncent que celle-ci est bien près de l’être dans ce secteur particulier de la morale, comme dans tant d’autres domaines.
L’indice le plus frappant en est sans doute le dégoût que nous inspirent ces rameaux insolites, qui ne nous ont pas suivis dans notre constante ascension vers la probité mentale. Nous est odieux tout individu qui « ne joue pas le jeu » à ce point de vue et qui, en particulier, cherche à se faire passer pour ce qu’il n’est pas. »
Extrait de : P. Boulle. « Un métier de seigneur. »
Les vertus de l’enfer par P. Boulle

Fiche de Les vertus de l’enfer
Titre : Les vertus de l’enfer
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1974
Editeur : Le livre de poche
Première page de Les vertus de l’enfer
« Butler s’efforça de réprimer le tremblement de sa main en pressant contre son flanc l’avant-bras au bout duquel se profilait un pistolet. Ainsi lui apprenait-on à le faire autrefois, au cours d’un entraînement militaire spécial précédant son départ pour le Viêt-Nam. L’acte qu’il allait accomplir le terrifiait. Pour qu’il s’y résolût, il fallait l’aiguillon d’une terrible nécessité : le manque de drogue.
Le quartier de New York choisi par lui après beaucoup d’hésitations était désert à cette heure. Les gens sérieux rentraient chez eux après le cinéma ou le théâtre ; les noctambules n’avaient pas encore quitté les boîtes de nuit. Embusqué à l’angle de deux rues, il vérifia une dernière fois que le passant qui s’approchait était seul, et la voie libre derrière lui.
« Arrêtez-vous et jetez-moi votre portefeuille ! »
On pouvait lire ces paroles banales presque chaque jour dans la presse, qui ne manquait pas de conseiller aux passants ainsi interpellés de s’exécuter sans discussion, ce qu’ils faisaient le plus souvent. »
Extrait de : P. Boulle. « Les vertus de l’enfer. »
Le photographe par P. Boulle

Fiche de Le photographe
Titre : Le photographe
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1967
Editeur : Le livre de poche
Première page de Le photographe
« LA starlette se renversa en arrière, les reins arqués sûr un coussin du divan, le seul meuble qui pût donner une illusion de luxe dans une chambre d’aspect misérable. Elle croisa très haut les jambes et bomba le torse avec une application visible, comme si elle s’efforçait de faire jaillir tout son corps hors de son déshabillé. Puis, elle interrogea le photographe avec le regard d’un élève obséquieux qui quête une approbation de son maître.
« Comme ça ? ou un peu plus haut ? »
Il haussa les épaules sans répondre, d’un geste excédé. Elle parut inquiète et ajouta vivement :
« Si vous croyez que c’est mieux, je peux enlever mon soutien-gorge. »
Martial Gaur, qui l’observait depuis un moment, avec une impatience mal contenue, à travers le viseur, entra soudain dans une colère rageuse et jeta son appareil sur le divan avec une »
Extrait de : P. Boulle. « Le photographe. »
Le jardin de Kanashima par P. Boulle

Fiche de Le jardin de Kanashima
Titre : Le jardin de Kanashima
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1964
Editeur : Le livre de poche
Première page de Le jardin de Kanashima
« Von Schwartz pénétra dans les ruines d’un bâtiment abandonné, démoli à la suite d’une série d’essais malheureux, et se glissa dans une sorte de niche formée par les décombres, sachant très bien que ces gravats ne lui offriraient qu’une protection dérisoire en cas d’accident. Son regard se fixa aussitôt sur la fusée, qui se dressait à moins de cinquante mètres de là, éclairée par des projecteurs, et il éprouva une sorte d’éblouissement.
Le paysage familier de Peenemünde, avec sa forêt de pins sombres qui commençait à apparaître dans l’aube, s’était évanoui. Les ateliers, l’usine de montage, les stations d’essais, le blockhaus, où l’instant zéro était attendu dans la fièvre, rien de tout cela n’existait plus pour lui. Seule restait, dans sa vision et dans sa conscience, la fusée blanche et noire sous les feux des projecteurs, une silhouette à la fois gigantesque et élégante, dont la tête miraculeusement fine pointait vers le ciel comme un clocher. »
Extrait de : P. Boulle. « Le jardin de Kanashima »
En souvenir du futur par P. Curval

Fiche de En souvenir du futur
Titre : En souvenir du futur (Tome 3 sur 3 – Marcom)
Auteur : P. Curval
Date de parution : 1983
Editeur : Le livre de poche
Première page de En souvenir du futur
« Cobà, le 27 décembre 2029
Quillan était parti avec une bande de chicleros pour surveiller l’avance d’une patrouille de reconnaissance américaine ; ce que l’état-major de la résistance mexicaine redoutait le plus venait de se produire : en parachutant des troupes et du matériel au cœur du Quintana Roo, l’ennemi voulait prendre à revers les armées qui se battaient dans le Tabasco et sur la côte Pacifique.
En compagnie des Mayas, la forêt paraît toute simple ; l’océan vert se parcourt sans risque grâce au sextant de l’intuition. Pourquoi ne pas retirer ses bottes et parcourir pieds nus les mystérieux sentiers que repèrent les Indiens ? En regardant leurs orteils carrés, leurs plantes cornées, leurs talons noueux, il est facile de comprendre leur aisance. Les petits prospecteurs de gomme ont encore des racines avec les terres secrètes de la jungle ; en tâtant l’humus, les mousses, les débris végétaux, en reconnaissant les essences, en flairant les parfums, en analysant les pistes du gibier furtif, ils comprennent le territoire et détectent les chemins. »
Extrait de : P. Curval. « Marcom – En souvenir du futur. »
Le temps incertain par M. Jeury

Fiche de Le temps incertain
Titre : Le temps incertain (Tome 1 sur 3 – Chronolyse)
Auteur : M. Jeury
Date de parution : 1973
Editeur : Le livre de poche
Première page de Le temps incertain
« Robert Holzach se leva et le décor de la chambre commença à vivre, pareil à un tranquille paysage d’autrefois. Une vache rousse paissait éternellement dans un pré vert. Au-dessus, on lisait un koan zen : après quatre mille jours de marche, la vache arrive au bout de l’univers, que fait-elle ? À l’Hôpital, chacun avait son idée sur cette importante question, sauf les hépatiques et les cartésiens qui prétendaient que l’univers n’a pas de bout. La vache décide de rentrer chez elle, pensait Rob. Mais quatre mille jours, ça fait plus de dix ans, et autant pour revenir… Elle mourra sans doute sur le chemin du retour. Nous ferons comme elle. À quoi bon partir ? Cependant, il se préparait pour un long, un très long voyage…
Il s’approcha du panneau mural pour observer une taupe en train de soulever un petit tas de terre brisée. Le monticule bougeait, grossissait, mais la minuscule tête grise et aveugle refusait toujours d’apparaître. La vache se retourna et regarda gravement le docteur Holzach. »
Extrait de : M. Jeury. « Chronolyse – Le temps incertain. »
L’enfant tombé des étoiles par R. A. Heinlein

Fiche de L’enfant tombé des étoiles
Titre : L’enfant tombé des étoiles
Auteur : R. A. Heinlein
Date de parution : 1954
Traduction : R. Vivier, P.-P. Durastanti
Editeur : Le livre de poche
Première page de L’enfant tombé des étoiles
« Lummox s’ennuyait et il avait faim. Ce dernier état n’avait rien que de très normal ; les créatures de l’espèce de Lummox étaient toujours disponibles pour une collation, même à la suite d’un repas copieux. S’ennuyer était moins courant, et découlait du fait que son copain et complice, John Thomas Stuart, ne s’était pas montré de la journée, ayant préféré s’éclipser en compagnie de sa petite amie Betty.
Un simple après-midi est vite passé ; Lummox savait prendre sa solitude en patience. Mais les symptômes et leur signification lui étaient bien connus : John Thomas avait atteint l’âge où il consacrerait de plus en plus de temps à Betty – ou toute autre personne du même sexe – et de moins en moins à Lummox ; puis viendrait une longue période pendant laquelle il se ferait presque absent ; enfin surgirait un John Thomas tout nouveau qui, peu à peu, grandirait suffisamment pour devenir un compagnon de jeu appréciable. »
Extrait de : R. A. Heinlein. « L’Enfant tombé des étoiles. »
La vie à reculons par Gudule

Fiche de La vie à reculons
Titre : La vie à reculons
Auteur : A. « Gudule » Liger-Belair
Date de parution : 1994
Editeur : Le livre de poche
Première page de La vie à reculons
« Encore merci de votre compréhension », dit la jeune femme en s’apprêtant à sortir du bureau du principal au bras de son mari.
Elle a les yeux d’un bleu intense, lumineux, couleur fonds sous-marins. Le fin treillis de rides qui les souligne précocement détonne dans son visage encore juvénile. Ces yeux-là ont beaucoup pleuré. Ils sont restés ouverts dans le noir durant des nuits et des nuits d’insomnie, à ressasser leur angoisse, leur révolte, des questions auxquelles rien ni personne ne peut répondre : pourquoi lui ? pourquoi MON enfant ?
« Ne vous tracassez pas, répond doucement le principal, je préviendrai ses professeurs ce soir, en réunion. Et vous pouvez leur faire confiance, le secret sera bien gardé. »
La mère a un sourire de reconnaissance navrée :
« Nous avons beaucoup réfléchi, son père et moi, avant de prendre cette décision. Elle est le fruit de douloureuses expériences. Jouer la carte de la transparence, plus jamais ! Vous n’avez pas idée de ce que cet enfant a enduré ! »
Extrait de : Gudule. « La vie à reculons. »
Ne vous disputez jamais avec un spectre par Gudule

Fiche de Ne vous disputez jamais avec un spectre
Titre : Ne vous disputez jamais avec un spectre
Auteur : A. « Gudule » Liger-Belair
Date de parution : 1997
Editeur : Le livre de poche
Première page de Ne vous disputez jamais avec un spectre
« On déménage !
Déménager, je trouve ça génial. Surtout que là où on vit, c’est vraiment pas la joie. Imaginez une H.L.M. aux trois quarts déglinguée, dans une cité pourrie. On habite au huitième étage, et la moitié du temps, l’ascenseur tombe en panne. L’autre moitié, c’est la colonne du videordures qui se bouche. Résultat : quand on n’a pas une demi-heure d’escalade pour arriver chez soi, on est envahis par les ordures des voisins, qui atterrissent dans notre cuisine.
Mais le pire de tout, c’est la bande à Manu. Une dizaine de loustics complètement cinglés. Ils ont beau être à peine plus vieux que moi, ils font la loi dans la cité, et fichent la trouille même aux adultes.
Tout le monde, ici, rêve d’aller vivre ailleurs. Mais personne ne peut, à cause du prix des loyers. Aussi, quand papa est arrivé, un soir, en brandissant la lettre du notaire, on s’est dit que, nous, on avait une sacrée veine ! »
Extrait de : Gudule. « Ne vous disputez jamais avec un spectre. »
La bibliothécaire par Gudule

Fiche de La bibliothécaire
Titre : La bibliothécaire
Auteur : A. « Gudule » Liger-Belair
Date de parution : 1995
Editeur : Le livre de poche
Première page de La bibliothécaire
« Guillaume ? »
Pas de réponse. Affalé sur sa table, la tête posée sur ses bras repliés, Guillaume dort comme un bébé.
« Guillaume ! Je te signale que tu ronfles ! »
Toute la classe éclate de rire, ce qui tire le ronfleur en question de sa somnolence. Il sursaute, ouvre les yeux, se redresse, regarde autour de lui d’un air stupide. Et se retrouve nez à nez avec M. Pennac, son prof de français.
« Je vois avec plaisir que tu reviens parmi nous », commente ce dernier, le sourire moqueur.
Puis, s’adressant aux autres :
« Si nous demandions à ce jeune homme, qui s’est sûrement couché trop tard hier, de nous raconter les rêves qu’il vient de faire ? Je suis sûr que c’est très intéressant ! »
Brouhaha approbateur. Les élèves de cinquième apprécient, de toute évidence, l’humour narquois de leur professeur.
« Mais… monsieur…, bredouille l’intéressé. »
Extrait de : Gudule. « La bibliothécaire. »