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L’homme total par J. Brunner

Fiche de L’homme total

Titre : L’homme total
Auteur : J. Brunner
Date de parution : 1964
Traduction : M. Manchette
Editeur : Presses de la cité

Première page de L’homme total

« MOLEM

Après l’accouchement ils la mirent dans un lit, la grosse femme ravagée par le tourment et la faim, au point que ce n’était pas seulement sur son ventre vidé que sa peau pendait comme un vieux vêtement. En dépit d’une large ceinture pelvienne, elle avait eu un accouchement difficile ; le médecin au visage fatigué l’avait jugée un peu plus mal en point que les autres qui se disputaient les places à l’hôpital, aussi lui avait-on attribué un lit. Elle ne manifesta aucune reconnaissance. Et elle n’aurait pas montré d’amertume si on l’avait traitée comme la plupart des femmes qui étaient passées par la salle de travail ce jour-là, et si on l’avait mise dans un fauteuil pour se reposer deux heures pendant qu’on nettoyait le sol avec une solution de soude caustique, par manque de désinfectant, et qu’on brûlait le papier kraft de la table de travail avant d’en mettre un propre, par manque de linge. »

Extrait de : J. Brunner. « L’homme total. »

Monde des ténèbres par R. Bloch

Fiche de Monde des ténèbres

Titre : Monde des ténèbres
Auteur : R. Bloch
Date de parution : 1973
Traduction : J.-P. Manchette
Editeur : Gallimard

Première page de Monde des ténèbres

« Le soleil mourait à l’ouest et son sang tachait le ciel.
J’aurais pu être poète, pensa-t-il. Écrivain. Mais c’eût été gâcher, grandement gâcher son talent. La vie d’un écrivain est courte, limitée à celle du papier sur lequel ses paroles sont inscrites, et à la capacité de mémoire de ses lecteurs. Le papier est friable et tombe bientôt en poussière, et les vers mangent la mémoire des hommes.
Et qui mange les vers ?
Le temps. C’est le temps, l’ennemi. Le temps mange les vers, le temps mange le papier, le temps mange le soleil. Le temps le mangeait, lui, fragment par fragment, morceau par morceau, jour après jour.
Le temps le rongeait la nuit, ici, dans cette misérable petite pièce. On appelait ça une chambre, mais bien entendu, c’était en fait une cellule. Une cellule avec des fenêtres grillagées par lesquelles, en mourant, on pouvait regarder le soleil mourir. »

Extrait de : R. Bloch. « Monde des ténèbres. »