Étiquette : Murcie
Marga par Georges Murcie

Fiche de Marga
Titre : Marga
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1978
Editeur : Fleuve noir
Première page de Marga
« — Lâchez-moi !
Pour toute réponse, l’homme ricana de façon vulgaire. Marga sentit son souffle tiède et saccadé courir sur sa peau, à la naissance de sa gorge, et elle se débattit plus violemment pour tenter d’échapper à son étreinte. L’effort lui arrachait de courts gémissements. Elle réussit à le saisir par les cheveux, qu’il portait assez longs, et elle tira fortement en arrière pour l’écarter d’elle.
— Garce !
L’insulte avait sifflé entre ses dents serrées. Une lumière lointaine, qui provenait sans doute de la route, jeta un reflet fugace dans ses yeux soudain plus luisants. Marga en éprouva une joie intense et cruelle. Ces larmes involontaires que la douleur faisait naître la vengeaient d’avance et, en satisfaisant son orgueil, lui apportaient une sorte de compensation. »
Extrait de : G. Murcie. « Marga. »
Mâa par Georges Murcie

Fiche de Mâa
Titre : Mâa
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1976
Editeur : Fleuve noir
Première page de Mâa
« Il se réveilla en sursaut.
Il se sentait oppressé. Dans sa gorge, une boule d’angoisse faisait curieusement naître un volume dur et douloureux. Il essaya machinalement d’avaler sa salive, eut l’impression d’ingurgiter quelque chose de consistant et râpeux.
Il ne constata pas tout de suite qu’il était trempé de sueur. À vrai dire, cela ne le surprit pas. Il commençait même à en prendre l’habitude.
L’habitude…
Pour autant qu’on puisse s’accoutumer à ces désagréables réveils qui survenaient en pleine nuit. Il en ignorait la cause. C’était déjà la cinquième fois que le phénomène se produisait. Comme chaque fois, il conservait l’impression vague d’avoir été la proie d’un cauchemar, dont il ne gardait cependant aucun souvenir précis.
Il résista pendant quelques instants à l’envie impérieuse qu’il éprouvait d’allumer sa lampe de chevet. Il trouvait ce geste ridicule, et il en avait aussi un peu honte. »
Extrait de : G. Murcie. « Mâa. »
Les rescapés du futur par Georges Murcie

Fiche de Les rescapés du futur
Titre : Les rescapés du futur
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1971
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les rescapés du futur
« Les hautes et larges roues se remirent lentement en mouvement.
Sur le sol grisâtre et poussiéreux de la galerie, les pneus énormes laissaient les empreintes floues de leurs profonds dessins.
L’engin, massif, lourd, imposant, faisait d’abord songer à quelque tracteur. Ou à l’un de ces puissants appareils motorisés qu’on apercevait fréquemment sur les chantiers ou les tracés des futures autoroutes et dont le commun des mortels ne soupçonnait qu’à peine l’utilité. Mais la comparaison ne résistait pas à un examen plus détaillé.
L’habitacle, assez spacieux pour contenir une équipe de six hommes pourvus d’un abondant matériel, en était complètement clos. Les parois transparentes, de plastacier moulé, permettaient une visibilité totale sous tous les angles. On devinait, à ses joints épais et à son système de verrouillage, que la porte d’accès assurait une fermeture hermétique, transformait l’habitacle en un caisson parfaitement étanche. »
Extrait de : G. Murcie. « Les Rescapés du futur. »
Les possédés de Wolf 359 par Georges Murcie

Fiche de Les possédés de Wolf 359
Titre : Les possédés de Wolf 359
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1973
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les possédés de Wolf 359
« Que s’est-il passé sur notre planète ? »
Que s’est-il produit ici, il y a longtemps, très longtemps ? Si longtemps que seul notre aîné en garde quelque souvenir, vague sans doute, et que tout ce qui nous environne a déjà subi gravement l’irrémédiable dommage de l’érosion, cette lente lime du temps qui parvient peu à peu, insensiblement, à tout corrompre, saper, détruire, effacer. Il ne reste plus que vestiges et décombres, à l’exclusion de l’ensemble complexe de machines, d’appareils et d’instruments divers qui forme la Matrice et son réseau tentaculaire soigneusement entretenu.
Qu’est devenu tout ce qui existait auparavant, de toute évidence, selon toute vraisemblance, et dont il ne reste plus que des traces ? Et tous ces ravages, toute cette désolation, sont-ils imputables seulement à l’action patiente et tenace du temps qui passe, inexorable, à cette dégradation
progressive et naturelle de toute matière ? »
Sans doute était-il normal que tout être doté d’intelligence en vînt un jour ou l’autre à se poser des questions sur ses propres origines et sur les cataclysmes qui avaient secoué la longue évolution de son espèce au cours de l’Histoire. »
Extrait de : G. Murcie. « Les possédés de Wolf 359. »
Les naufragés du temps par Georges Murcie

Fiche de Les naufragés du temps
Titre : Les naufragés du temps
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1975
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les naufragés du temps
« Par trente-sept degrés nord et trente degrés de longitude ouest, la base de Molkopekh s’étendait sur près de seize kilomètres carrés.
Pistes et installations diverses occupaient en fait la presque totalité d’une plaine circulaire blottie au fond d’une vaste dépression. Cette cuvette était située au sud-est de la Grande-Ile, non loin de la côte que l’océan mordait sans cesse. Elle était cernée par des sommets au tracé déchiqueté, assez élevés en réalité, bien que ce relief parût doux, comparé au massif montagneux qui, au nord et surtout à l’est du pays, dressait des cimes impressionnantes, si hautes qu’un feston de neige les couronnait même pendant les mois les plus chauds de l’été.
Sous la coupole de verre qui coiffait l’Édifice Pyramidal, où siégeaient la Direction de la base ainsi que divers services administratifs et la plupart des centres de recherches, Kamanzarak contemplait le paysage alentour d’un regard presque distrait. »
Extrait de : G. Murcie. « Les Naufragés du temps. »
Les hybrides de Michina par Georges Murcie

Fiche de Les hybrides de Michina
Titre : Les hybrides de Michina
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1975
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les hybrides de Michina
« Elle se redressa lentement en repoussant la couverture qu’elle avait frileusement ramenée sur
elle avant de s’assoupir.
Assise sur le lit étroit, elle jeta un coup d’œil autour d’elle. C’était devenu une sorte de réflexe, car elle ressentait toujours un peu d’appréhension à son réveil, et elle regardait alors ce qui l’entourait comme si elle redoutait de se retrouver dans un cadre inconnu. Elle savait bien pourtant que rien ne pouvait se passer ainsi, que tout dépendait d’elle en définitive ; de son acceptation. Un libre choix, vraiment, puisque aucune obligation ne la liait.
La pénombre n’était pas assez dense pour noyer tout à fait les contours des objets et des meubles
familiers. On les devinait dans la pièce, masses sombres et rassurantes.
Rassurantes…
Elle répéta le mot, eut du moins l’impression de le murmurer.
C’était vraiment contraire à ce qu’elle avait coutume d’éprouver lorsqu’il lui arrivait de s’éveiller en pleine nuit. »
Extrait de : G. Murcie. « Les hybrides de Michina. »
Les grottes de Phobos par Georges Murcie

Fiche de Les grottes de Phobos
Titre : Les grottes de Phobos
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1972
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les grottes de Phobos
« Eric Dauteuil allongea les doigts vers le petit boîtier en plastique de couleur ivoire qui, à distance, permettait de sélectionner les programmes et d’effectuer toutes les corrections de réglage nécessaires. Il actionna un bouton de manière à baisser la puissance du récepteur.
Il supportait mal le bruit. De plus en plus difficilement. Même la musique lui mettait parfois les nerfs à vif.
Les images continuèrent de défiler sur l’immense écran triface. Le son était maintenant si faible que certaines intonations devenaient inaudibles.
Il éprouvait ainsi l’impression d’assister à la projection d’un film muet.
Pas tout à fait cela, pourtant. Il s’agissait d’ailleurs d’un film en couleur, comme tous les programmes diffusés en ambiovision, ce qui rendait la comparaison boiteuse.
Sur toute la hauteur des murs de la pièce, l’écran couvrait une paroi entière et une bonne partie des deux cloisons perpendiculaires.
Une installation gigantesque, luxueuse, qui lui avait coûté une petite fortune. »
Extrait de : G. Murcie. « Les grottes de Phobos. »
Le tunnelumière par Georges Murcie

Fiche de Le tunnelumière
Titre : Le tunnelumière
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1972
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le tunnelumière
« Luc Verneuil se redresse lentement et s’étire en bâillant.
Le soleil est haut dans le ciel, presque au midi. Intense, la lumière oblige Verneuil à cligner des yeux. Par la mince fente que ses paupières laissent entre elles, il voit l’étendue verte du pré devant lui et aperçoit, un peu plus loin, légèrement en contrebas, le miroitement des eaux du Roudèze. Tour à tour calme et turbulent, mais jamais bien large, le ruisseau court et serpente entre deux rangées d’arbres. Une saignée d’ombre et de fraîcheur au milieu de la campagne écrasée par la chaleur de ce mois de juillet.
Verneuil ébauche un sourire et masse doucement ses reins un peu courbatus. Il sent sous ses doigts l’étoffe humide de sa chemise.
A-t-on idée aussi, pense-t-il, de s’assoupir ainsi dans un pré, en plein jour, et, en outre, presque en bordure d’une rivière !
Il s’ébroue de nouveau, effectue deux ou trois flexions de la taille pour achever de s’assouplir, fait demi-tour et remonte à pas lents la pente douce du pré, en direction des ruines du Vieux Moulin. »
Extrait de : G. Murcie. « Le Tunnelumière. »
Le rendez-vous aux 300 000 par Georges Murcie

Fiche de Le rendez-vous aux 300 000
Titre : Le rendez-vous aux 300 000
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1970
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le rendez-vous aux 300 000
« Henri Dumont arpente nerveusement la pièce.
La nuit est tombée, sans pourtant lui apporter le moindre calme. Une nuit chaude de juillet. Derrière la baie, constamment close à cause de la climatisation, on imagine le crissement des insectes nocturnes qui emplit le silence de la campagne toute proche. Il s’arrête un instant devant la cloison de verre. Plusieurs mètres plus bas, la Loire reflète les lumières de l’énorme édifice. Dumont songe qu’il y aura bientôt cinq ans qu’il contemple quotidiennement ce paysage ; depuis que l’immeuble a été spécialement construit pour abriter le Centre Européen d’Etudes Cosmiques, en septembre 1982.
Plus loin, sur la gauche, on aperçoit les lueurs de La Charité-sur-Loire. Brusquement (mais pourquoi justement ce soir?), Dumont se rend compte que la ville, au cours de ces années, a connu une extension considérable… Peut-être le remarque-t-il parce qu’il n’a guère coutume de voir ce panorama de nuit. Il quitte normalement le C.E.E.C. vers seize heures… L’obscurité donne au paysage un aspect un peu insolite, pour lui au moins, et il en remarque peut-être mieux certains détails, certains changements… »
Extrait de : G. Murcie. « Le Rendez-vous au 300 000. »
Le non-être par Georges Murcie

Fiche de Le non-être
Titre : Le non-être
Auteur : Georges Murcie
Date de parution : 1977
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le non-être
« De nacre et d’ébène, la mer scintillait.
Un astre d’apparence assez volumineuse venait d’apparaître dans une sorte de clairière ouverte dans le ciel obscur. Dans les cieux de l’Empire Xaxalien, Kardan n’avait encore rien vu de semblable. Il le contempla avec admiration. Cet astre brillait intensément entre les nuages déchiquetés qui le cernaient de toutes parts et qu’il ourlait d’un feston pâle et mouvant. Par sa seule présence, la nuit était transformée.
Kardan eut l’impression qu’il faisait plus frais, brusquement ; à moins que ce ne fût qu’une illusion, peut-être due à cette lumière blafarde qui semblait tout saupoudrer de givre.
Kardan frissonna.
Devant lui, assez proche mais un peu en contrebas, le flot léchait l’étroite bande de sable avec une régularité un peu exaspérante, un entêtement patient.
Il bâilla. Malgré l’étrange beauté du spectacle, l’ennui le gagnait et, avec lui, un peu d’inquiétude. »
Extrait de : G. Murcie. « Le non-être. »