Étiquette : Pelot

 

Les croix en feu par Pierre Pelot

Fiche de Les croix en feu

Titre : Les croix en feu
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1992
Editeur : L’atalante

Première page de Les croix en feu

« Un clou rouillé et tordu retenait encore la planche au tronc de l’arbre. Sur le morceau de bois rongé par les vers on pouvait lire, en grosses lettres peintes au pochoir :
 
Canetown
300 habitants

Le reste, en admettant qu’il y en eût un, était parti avec la seconde planche de la pancarte.
Scébanja descendit de cheval. Avec un coin de son foulard rouge, il essuya la sueur qui lui perlait au front, et poussa un long soupir. Un moment, il contempla l’inscription sur la planche, un demi-sourire sur ses lèvres épaisses, puis son regard erra sur les alentours. Il ne voyait pas encore la ville mais pouvait déjà la deviner derrière le gros boqueteau, au bout de la piste, bien assise comme toujours dans le creux des collines. »

Extrait de : P. Pelot. « Les croix en feu. »

Les chiens qui traversent la nuit par Pierre Pelot

Fiche de Les chiens qui traversent la nuit

Titre : Les chiens qui traversent la nuit
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2003
Editeur : Rivages

Première page de Les chiens qui traversent la nuit

« La DS, blanche à une époque, roulait à tombeau ouvert à travers le terrain vague et tirait derrière elle un long tourbillon de poussière. Le moteur grondant poussait un interminable graillement qui fusait en hoquetant du pot d’échappement sinistré. C’était l’étuve, derrière le pare-brise quasiment opaque et ses arcades presque transparentes tracées dans la crasse par des essuie-glaces maintenant disparus, ça sentait le tabac, la bière, le plastique chaud, l’essence, la vieille graisse, et quelques odeurs d’appoint non identifiables.
Germano drivait tout ça à la sportive et en chantant –  c’est-à-dire qu’il braillait, accompagnant la musique échappée de l’autoradio planté dans la boîte à gants, attrapant de temps à autre une parole qu’il restituait plus ou moins phonétiquement. »

Extrait de : P. Pelot. « Les chiens qui traversent la nuit. »

Les caïmans sont des gens comme les autres par Pierre Pelot

Fiche de Les caïmans sont des gens comme les autres

Titre : Les caïmans sont des gens comme les autres
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1996
Editeur : Bragelonne

Première page de Les caïmans sont des gens comme les autres

« On entendit d’abord la voiture arriver – forcément. Ensuite, on l’entendit ralentir et freiner. Et puis ses pneus sur le gravier, le moteur coupé. Un court instant plus tard, la portière qui claquait.

Au moment même où l’homme franchissait le seuil, une mouche tomba dans le verre de bière du gamin, bien que cela n’eût probablement aucun rapport avec l’entrée de l’étranger, en dépit de la sévère odeur de merde qui flotta aussitôt dans la salle du café. C’était juste une coïncidence. En réalité, le gamin ne prêta aucune attention à la mouche dans son verre. Il y avait une bonne douzaine d’autres cadavres d’insectes sur le bar de formica, certains pas encore tout à fait cadavres et zizillant leur agonie en tournoyant sur le dos. La senteur de merde filtrait insidieusement à travers cette autre odeur pas vraiment flatteuse du produit tue-mouches vaporisé dans l’atmosphère pesante et chaude de la fin de journée. Ce que regardait le gamin, c’était le type qui venait d’entrer. »

Extrait de : P. Pelot. « Les caïmans sont des gens comme les autres. »

Les barreaux de l’Eden par Pierre Pelot

Fiche de Les barreaux de l’Eden

Titre : Les barreaux de l’Eden
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1977
Editeur : J’ai lu

Première page de Les barreaux de l’Eden

« Pour la seconde fois de sa vie, Berni C. Baher franchit la porte d’entrée de l’enceinte qui isolait le Parloir.
La seconde fois de sa vie.
C’était aussi la dernière. Il le savait.
Sous la chemise moite qui collait à la peau de son torse, son cœur battait peut-être un peu plus vite ; il se pouvait que la seule chaleur ambiante fût en cause. Une visite au Parloir n’avait rien de particulièrement impressionnant, fût-elle la dernière. Mais la chaleur était capable d’accélérer le rythme cardiaque. Et la marche au long des trottoirs suant le goudron, depuis l’arrêt du T.U. (Transport Urbain) jusqu’au Centre. La chaleur, la marche, la vieillesse…
Baher essuya une goutte de transpiration qui chatouillait sa tempe droite, à l’orée des cheveux gris coupés court. Ses pas faisaient crisser le gravier de l’allée centrale. »

Extrait de : P. Pelot. « Les barreaux de l’Eden. »

Le sourire des crabes par Pierre Pelot

Fiche de Le sourire des crabes

Titre : Le sourire des crabes
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1977
Editeur : Bragelonne

Première page de Le sourire des crabes

« La maison était douce, les bruits n’y venaient pas.

Polipotern dansait quelque part au-dehors, ou ailleurs, je ne sais pas. Je ne sais pas encore, et ne connais pas Polipotern.

La maison était douce, molle, bien taillée sur mesure. À ma mesure. C’est bien.

Je dors.

Il y a une porte à ma maison, porte que je pousse, en souriant, car je souris toujours. Il fait chaud, il fait mou. J’ai le choix. Alors je choisis la mer – je ne sais pas ce que c’est, mais je choisis la mer. À cause de l’eau, peut-être… C’est certainement à cause de l’eau.

C’était ainsi depuis toujours, depuis cette première fois où quelqu’un inventa le mot Temps. La maison molle et agréable, avec la porte poussée, sur la mer ou le sable. Avec la chaleur du soleil. Et j’ai su que les choses allaient changer. »

Extrait de : P. Pelot. « Le Sourire des crabes. »

Le père Noël s’appelle Basile par Pierre Pelot

Fiche de Le père Noël s’appelle Basile

Titre : Le père Noël s’appelle Basile
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1993
Editeur : Castelmore

Première page de Le père Noël s’appelle Basile

« C’était le vendredi, dernier jour de classe avant les vacances de Noël. La maîtresse quitta la cour au beau milieu de la récréation de l’après-midi, et ne revint pas.

Elle était entrée dans la classe de la directrice qui se tenait debout près de la fenêtre, bras croisés dans une attitude frileuse comme si la grisaille, derrière la vitre, s’infiltrait en elle.

Le ciel avait disparu depuis le lundi précédent, emportant avec lui le paysage. Comme si les nuages de cette fin décembre pesaient infiniment, remplis de ce qu’ils avaient pu avaler sur leur parcours, en traversant l’année. Les brumes épaisses et roulantes s’étaient couchées sur le pays briard. »

Extrait de : P. Pelot. « Le Père Noël s’appelle Basile. »

Le pain perdu par Pierre Pelot

Fiche de Le pain perdu

Titre : Le pain perdu
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1991
Editeur : Milady

Première page de Le pain perdu

« Toutes vitres baissées, il faisait déjà chaud dans la voiture. Mais, lorsqu’ils se retrouvèrent derrière cet énorme camion dont le pot d’échappement vomissait des nuages tourbillonnants de fumée noire et puante, il fallut bien remonter les vitres. La chaleur augmenta encore, après quelques minutes de ce régime.

Le conducteur grogna un peu, bougonna tout en donnant de petites claques sèches et énervées sur son volant. Il était âgé d’une quarantaine d’années, environ. Il avait des avant-bras courts, boudinés et velus. Des taches de sueur marquaient aux aisselles sa chemise bleu pâle.

Devant, le camion roulait à une allure d’escargot. Un camion dans le style « déménagements en tous genres », avec une haute caisse métallique, sans couleur précise. Les portes de l’arrière étaient maculées jusqu’à mi-hauteur de poussière grasse. »

Extrait de : P. Pelot. « Le Pain perdu. »

Le méchant qui danse par Pierre Pelot

Fiche de Le méchant qui danse

Titre : Le méchant qui danse
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1985
Editeur : Milady

Première page de Le méchant qui danse

« Calibre .22 LR.

Quinze coups dans le magasin tubulaire placé sous le canon, un seizième possible, balle engagée dans la chambre ; un seizième, ou un premier…

Réplique de la Winchester 30/30. Pas un jouet. Munitions Remington. Portée de tir dangereuse à 1500 mètres.

18h56 au cadran de la montre-bracelet.

Le doigt sur la détente. L’index. L’ongle est rongé jusqu’à la peau.

Les oiseaux se taisent. »

Extrait de : P. Pelot. « Le Méchant qui danse. »

Le mauvais coton par Pierre Pelot

Fiche de Le mauvais coton

Titre : Le mauvais coton
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1978
Editeur : Milady

Première page de Le mauvais coton

« DIMANCHE 18 JUIN 1978

Ils l’avaient écrit dans les journaux, ils l’avaient dit à la radio, à la télévision : c’était le mois de juin le plus froid depuis 1878. Ils avaient probablement raison.

Jean-Jo écrasa le mégot de son cigare dans le fond pâteux de la tasse à café vide. Cela fit un petit bruit chuintant. Il laissa tomber l’embout plastique qu’il avait mordillé pendant un bon quart d’heure, tout en fumant à petites bouffées : cela fit un second petit bruit, contre la faïence de la tasse. Les dimanches, après le repas, Jean-Jo s’octroyait un cigare, en remplacement de la cigarette des jours de semaine.

Il repoussa la tasse et posa un coude sur la tablette de la fenêtre.

Dehors, le ciel était lourd et gris. Les maisons de la place avaient le teint plombé, malade, et toutes les fenêtres étaient closes, comme en hiver, ou sur la fin de l’automne – en tout cas, ce n’étaient pas des fenêtres d’été. »

Extrait de : P. Pelot. « Le Mauvais Coton. »

Le ciel bleu d’Irockee par Pierre Pelot

Fiche de Le ciel bleu d’Irockee

Titre : Le ciel bleu d’Irockee
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1980
Editeur : Presses Pocket

Première page de Le ciel bleu d’Irockee

« Le soldat marchait devant Gyllia, d’un pas lent et balancé. Les talons ferrés de ses bottes griffaient le sol dallé du hall de la maison. Il était extraordinairement massif, avec des épaules très larges, un peu tombantes, mais bourrelées de muscles. Sa nuque était épaisse, rougeaude, comme un trait de chairs vives entre le col de la pelisse d’ours gris et le bord du casque de cuir fauve. Il ressemblait, en fait, à tous les soldats de l’Empire et ne possédait guère de trait caractéristique qui l’eût distingué tant soit peu de la masse anonyme et puissante des hordes conquérantes. Il était un soldat, parmi des centaines, des milliers d’autres soldats sur les terres occupées de Yorgom.

« Pourquoi serait-il différent ? » songea distraitement Gyllia. »

Extrait de : P. Pelot. « Le ciel bleu d’Irockee. »