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La cité au bout de l’espace par Pierre Suragne

Fiche de La cité au bout de l’espace

Titre : La cité au bout de l’espace
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1977
Editeur : Fleuve noir

Première page de La cité au bout de l’espace

« C’était un long voyage. Un très très long voyage, pour le vaisseau spatial d’exploration Murwik 3 et son équipage. Ce qui restait de cet équipage…
Jen Mahutri était inquiet. La désagréable sensation d’angoisse était née à son insu, il y avait déjà plusieurs mois – il s’en apercevait maintenant – et elle n’avait fait que grandir. C’était peut-être la somme logique de toutes les vicissitudes du voyage…, une tension nerveuse « normale », qui se basait sur l’expérience des derniers temps et faisait naître ce sentiment de méfiance instinctive… Bien sûr… Jen Mahutri aurait voulu pouvoir s’en convaincre. Mais il ne pouvait pas. Et c’était précisément cela qui le gênait.
Il quitta la couchette de sa cellule, sur laquelle il était assis depuis de longues heures, désœuvré, tournant et retournant dans sa tête mille pensées noires, mille souvenirs. »

Extrait de : P. Suragne. « La cité au bout de l’espace. »

L’enfant qui marchait sur le ciel par Pierre Suragne

Fiche de L’enfant qui marchait sur le ciel

Titre : L’enfant qui marchait sur le ciel
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1972
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’enfant qui marchait sur le ciel

« Le monde lui-même possède un nom. Le monde s’appelle Zod.
Dans le ventre du monde, on dit que la machine est là, palpitante et silencieuse. La Machine. Depuis le commencement des Temps, la Machine compte et calcule. Depuis le commencement, la Machine copie et traduit le Temps, et elle en fait quelque chose de vaguement compréhensible pour l’esprit des hommes. C’est elle, c’est la Machine, qui calcule la lente succession des années. Une année est un cycle de temps bien défini qui dépend des rouages et de certaines révolutions de sphères transparentes, dans le ventre de la Machine.
L’enfant était âgé de huit années. Huit, c’est parfois déjà très vieux, très désespéré. C’est parfois l’âge de la mort. »

Extrait de : P. Suragne. « L’enfant qui marchait sur le ciel. »

Je suis la brume par Pierre Suragne

Fiche de Je suis la brume

Titre : Je suis la brume
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1974
Editeur : Fleuve noir

Première page de Je suis la brume

« C’était relativement tôt dans le matin, mais le soleil cognait déjà comme un damné. Sous la bâche de la camionnette, cela prenait des allures de fournaise, et tout un tas d’odeurs s’y mélangeaient hardiment. Sueur, vieux tabac, cuir moisi et chaud, odeur de papiers poussiéreux… cent autres encore.

Cette atmosphère étouffante réveilla Deddie Dull.

D’abord, il grogna. Se racla la gorge et tenta de cracher. Ensommeillé, un maigre jet plutôt boueux et sec fusa, malhabile, entre ses lèvres et retomba sur son menton hérissé de barbe blonde. Deddie Dull grogna encore, essuya les dégâts d’un revers de main mou. »

Extrait de : P. Suragne. « Je suis la brume. »

Et puis les loups viendront par Pierre Suragne

Fiche de Et puis les loups viendront

Titre : Et puis les loups viendront
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1973
Editeur : Fleuve noir

Première page de Et puis les loups viendront

« Ils étaient environ une quinzaine.
Quelques années plus tôt, ils étaient encore cent. Et puis, le froid s’était mis à grandir, et mille nouveaux bras avaient poussé au spectre de la mort. Les enfants chétifs s’étaient éteints les premiers, comme ces petites flammes vacillantes qui tremblotent péniblement au-dessus des coupelles des lampes à suif. Soudain bleus et raides comme des bûches. Ou bien encore, ils se mettaient à tousser, puis à cracher du sang. Quelques jours, pas davantage. Et puis, ils mourraient.
Ensuite, en nombre croissant, des femmes s’étaient couchées pour ne plus s’éveiller. Et aussi les vieux, ceux qui avaient dépassé le cap de la trentaine. De ceux-là, il en restait quelques-uns, mais très peu.
Ils restaient environ une quinzaine, sur cent et plus. »

Extrait de : P. Pelot. « Et puis les loups viendront. »

Elle était une fois… par Pierre Suragne

Fiche de Elle était une fois…

Titre : Elle était une fois…
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1976
Editeur : Fleuve noir

Première page de Elle était une fois…

« Carling Joe avait l’âme généreuse, et il le regrettait parfois. Toujours trop tard, bien entendu.

Par exemple, ce mercredi de novembre…

Il aurait préféré mille fois se trouver chez lui, dans la maison de Boolt City, à regarder tomber la pluie furieuse derrière les carreaux, une tasse de café fumant dans le creux de la main. Ou même sous l’auvent de la scierie, dans l’odeur humide des tas de sciure. La scierie ou la maison, c’était pareil : c’était chez lui.

Mais non. Au lieu de ça, il roulait sur la route tortueuse, en plein cœur de la bourrasque, luttant avec le volant de sa camionnette poussive qui balançait méchamment sous les coups de boutoir du vent.

Un vent du diable, assurément. Un temps à ne pas mettre un chrétien dehors. C’était sûr  ; après toute cette pluie, on entendrait rugir la Boolt River un fameux moment. »

Extrait de : P. Suragne. « Elle était une fois…. »

Duz par Pierre Suragne

Fiche de Duz

Titre : Duz
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1973
Editeur : Fleuve noir

Première page de Duz

« A un moment, Duz en eut assez de regarder défiler le paysage. Il décolla son front de la vitre de la portière et se laissa tomber sur la banquette.

— Est-ce que tu as fini de sauter comme ça ? dit le Type.

Sans même tourner la tête, ni jeter le moindre coup d’œil dans le rétroviseur. Rien. Ce gars-là devait avoir des yeux derrière la tête, ou quelque chose comme ça. On ne pouvait rien faire, sans qu’il le sente dans la seconde et se mette à râler.

Un instant, Duz joua à se demander s’il n’était pas un Extra-Terrestre, avec des dons particuliers, comme on en trouve dans les bandes dessinées. De ces types qui viennent d’ailleurs, de la planète Marfol par exemple, et qui se font passer pour des Terriens, mais tout ça pour faire des coups en douce et essayer de coloniser la planète – la Terre – et jouer des sales tours autant qu’ils le peuvent. »

Extrait de : P. Suragne. « Duz. »

Dérapages par Pierre Suragne

Fiche de Dérapages

Titre : Dérapages
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1980
Editeur : Fleuve noir

Première page de Dérapages

« Le vent courait sans s’énerver, sud-ouest-nord-est, tout juste pour dire qu’il était le vent, tout juste pour maintenir le ciel dégagé, comme une grande cape bleue bien repassée dont les pans reposaient, en ronde corolle, aux quatre points des horizons dentelés de la forêt.
Il y a deux saisons au Québec, vous diront tous les Québécois, sur un sourire-clin d’œil et un joli roulement d’accent : l’hiver et le mois de juillet.
C’était juillet, fidèle au rendez-vous, comme tous les autres juillets passés et comme ceux qui viendraient. Ciel bleu, chaleur épaisse, lourde, et chaque instant de la journée semble étiré, allongé au maximum dans le temps : le matin n’en finit pas, le midi n’en finit pas, l’après-midi n’en finit pas, le soir n’en finit pas. C’était l’après-midi de ce jour-là et ce jour-là était dimanche. »

Extrait de : P. Suragne. « Dérapages. »

Ballade pour presque un homme par Pierre Suragne

Fiche de Ballade pour presque un homme

Titre : Ballade pour presque un homme
Auteur : Pierre Suragne
Date de parution : 1974
Editeur : Fleuve Noir

Première page de Ballade pour presque un homme

« Depuis ce jour où il était devenu Chasseur, chaque retour de safari était un grand moment de joie pour Matom. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’aimait pas son travail, tout au contraire. S’il aimait les retours, c’est parce qu’il pouvait alors se plonger à cœur perdu dans les délices de la planète capitale. Il était fêté et pouvait raconter mille histoires. C’était, en vérité et indiscutablement, un fameux instant.
Mais, au bout de quelques jours, l’ennui mettait la patte sur Matom. Il devenait alors très nerveux, il se traînait sans véritable but et les visages qu’il rencontrait, toujours les mêmes, ne lui semblaient plus présenter d’intérêt. Matom se mettait à attendre le prochain départ avec une impatience croissante. C’est pourquoi l’on peut dire que, s’il aimait les retours sur Vataïr, il aimait tout autant – et peut-être davantage encore – les départs. »

Extrait de : P. Suragne. « Ballade pour Presque un Homme. »