Auteur/autrice : CH91
Tu veux savoir ? par Johan Heliot

Fiche de Tu veux savoir ?
Titre : Tu veux savoir ?
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2013
Editeur : Editeur Thierry Magnier
Sommaire de Tu veux savoir ?
- L’ami qu’il te faut
- Requête non valide
- Un moteur divergent
- Vendredi c’est hachis
- Tu veux savoir ?
- Les remplaçants
- Multiplication
- Ton meilleur copain
- La fin de l’éternité
Première page de L’ami qu’il te faut
« — Celui-ci est mignon comme tout, fit la mère d’Eddy en pointant l’index sur l’occupant de la cage située au bout de la rangée. Il a une bonne bouille, non ? Qu’en penses-tu, mon chéri ?
— Bof, répondit Eddy. Je sais pas trop. Il est un peu grassouillet…
— C’est vrai qu’il se porte bien, reconnut sa mère. Il doit manger comme quatre, un véritable glouton !
Un vendeur traînait à portée d’oreille. Il saisit l’occasion pour faire son numéro :
— Nos articles sont en parfaite santé, ils manquent juste d’exercice.
Il se pencha sur Eddy pour ajouter, avec un sourire forcé qui dévoilait une denture trop parfaite pour être naturelle :
— Dès qu’il aura l’occasion de courir dans ton jardin, fiston, je te garantis qu’il retrouvera la ligne. Vous deviendrez vite inséparables, tous les deux. C’est vraiment l’ami qu’il te faut.
Eddy était presque convaincu.
— Et il m’obéira ? demanda-t-il.
— Au doigt et à l’œil, fiston. Satisfait ou remboursé !
— Alors, mon chéri, ajouta la mère d’Eddy, tu le veux, oui ou non, ce nouvel ami ? »
Extrait de : J. Heliot. « Tu veux savoir ?. »
Terre de tempêtes par Johan Heliot

Fiche de Terre de tempêtes
Titre : Terre de tempêtes
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2013
Editeur : ActuSF
Première page de Terre de tempêtes
« À perte de vue, le désert n’est qu’un flamboiement d’or et d’argent. Des millions de cellules photovoltaïques adressent un ultime clin d’œil au ciel. Un instant magique, d’une beauté fugitive.
Le nez collé à la vitre, Reda tente de capturer quelques détails du paysage qu’il découvre, afin de les retenir au fond de sa mémoire. Mais le THR{1} roule à plus de six cents km/h et tout ce que le garçon aperçoit se réduit à de longues tâches tremblantes sous l’effet conjugué de la vitesse et de la chaleur accablante qui règne au-dehors, même à une heure aussi tardive.
— Tu auras bientôt l’occasion de voir un champ de panneaux solaires de près, annonce Zayed, devinant la frustration de son fils.
— Ton grand-père sera heureux de te faire visiter son installation, enchérit Lina sans lever les yeux des graphiques animés qui défilent sur l’écran-papier déplié devant elle.
Reda se retourne vers sa mère en poussant un soupir à fendre l’âme. »
Extrait de : J. Heliot. « Terre de tempêtes. »
Steppe rouge par Johan Heliot

Fiche de Steppe rouge
Titre : Steppe rouge
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2009
Editeur : Mango
Première page de Steppe rouge
« Le vent avait toujours été un héraut infaillible. Longtemps avant qu’ils ne soient visibles, il annonçait l’arrivée des humains. Un groupe de voyageurs approchait par la steppe. Ils atteindraient bientôt la forêt. L’odeur alléchante du sang les accompagnait. Celle de la peur, aussi, plus subtile mais aisément identifiable pour un mufle exercé. Et celui de la bête l’était, assurément.
Elle laissa échapper un grondement de satisfaction. D’ici peu, elle pourrait combler ce creux immense qui emplissait son ventre. Car la bête avait faim, faim de chair, d’os craquants débordant de moelle et de viscères chauds. La créature oublia alors la prudence, la peur ancestrale des siens pour le feu et le fer des humains, et s’aventura à la lisière de la plaine, blanche et sans fin, qui bordait la forêt – son refuge depuis toujours. Là, elle se figea aux aguets, à l’abri des coups de poignard du vent, sous une branche basse couverte de neige. La patience était inscrite dans sa mémoire. Toute sa vie, la bête avait attendu : la fin de l’hiver, le retour du printemps, la sortie du sommeil, le moment de la reproduction… »
Extrait de : J. Heliot. « Steppe rouge. »
Secret ADN par Johan Heliot

Fiche de Secret ADN
Titre : Secret ADN
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2008
Editeur : Mango
Première page de Secret ADN
« Les passagers pour le vol Kat-Air 764 à destination de Kinshasa sont priés de se présenter au guichet d’embarquement numéro 8, les passagers pour le vol Kat-Air 764 à destination de Kinshasa… »
La voix de l’hôtesse le fit sursauter. Il manqua de laisser échapper dans le fond du lavabo la gélule qu’il s’apprêtait à avaler, tant ses mains tremblaient. Mais il parvint à se ressaisir.
Bref coup d’œil dans le miroir, vision floue d’un front baigné de sueur malgré la clim. Foutue fièvre, foutu pays, foutue trouille aussi, qui ne le quittait pas d’une semelle, plus collante que son ombre.
D’un geste rageur, il goba la gélule et but une longue goulée d’eau tiède directement au robinet, puis il s’aspergea le visage, essuya les traces de transpiration qui lui donnaient l’air suspect. Surtout ne pas attirer l’attention des flics de l’aéroport. Nouveau coup d’œil dans la glace : il avait recouvré figure humaine, pour autant que les circonstances le permettaient. »
Extrait de : J. Heliot. « Secret ADN. »
Reconquérants par Johan Heliot

Fiche de Reconquérants
Titre : Reconquérants
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2001
Editeur : Mnémos
Première page de Reconquérants
« Ils avaient perdu de vue les rivages de leur patrie un jour de la Lune, premier de la semaine. C’était au mois où la terre s’ouvre, le quatrième du nouveau calendrier édicté par Caïus Julius Caesar.
Les ides du mois précédent, dévolu au dieu de la Guerre, avaient été fatales au vieux dictateur. Ce jour-là, César s’était présenté devant les sénateurs pour recevoir le titre de roi en Orient, après qu’on lui avait refusé celui de roi de Rome. Une telle outrecuidance – restaurer la royauté ! – avait exaspéré ses ennemis dans le camp républicain. Brutus, suivi par près de cinquante autres sénateurs, s’était dévoué pour lui porter un coup mortel. On avait espéré que la mort du vainqueur des Gaules allait tirer Rome de la crise sévère où elle était plongée depuis que Sylla, un demi-siècle plus tôt, avait inauguré l’ignominieuse dictature. La Cité éternelle avait alors immédiatement sombré dans le chaos, et les guerres, civiles ou extérieures, s’étaient succédé, apportant chacune leur lot de malheur et de désolation. Crassus, Pompée, Catilina et d’autres avaient alors fomenté intrigues et coups d’État, jusqu’à ce que le plus retors des agitateurs, César lui-même, l’emportât et accaparât tous les pouvoirs. »
Extrait de : J. Heliot. « Reconquérants. »
Question de mort par Johan Heliot

Fiche de Question de mort
Titre : Question de mort
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2007
Editeur : Baleine
Première page de Question de mort
« On frappa à la porte, une volée de coups brefs. Dan coupa le son du Sony Bravia LCD et se mit à gueuler :
— Barrez-vous, c’est pas une heure pour déranger les gens !
Il perçut un crissement sur le gravier. L’importun remontait l’allée qui menait à l’entrée du campement. Qu’il aille se faire foutre, songea Dan en pointant la télécommande en direction de l’écran large. Il s’apprêtait à rendre leurs voix aux invités d’Oprah Winfrey, quand un vacarme assourdissant s’éleva à l’extérieur. Dan figea son geste. La mine réjouie de la célèbre animatrice apparut en gros plan, immédiatement suivie d’une coupe sur le public qui tapait des pieds et des mains, visiblement hilare. Dan se fit la réflexion qu’il venait de rater une bonne réplique. Mais il regretta aussitôt cette pensée. Car il avait reconnu l’origine du boucan, qui prenait maintenant des proportions infernales. Dan avait exercé nombre de petits boulots depuis qu’il était arrivé dans le comté. Ramasseur de pastèques, cueilleur de coton, déménageur, ambulancier et bûcheron, par exemple. Quand on avait manipulé une tronçonneuse huit heures par jour pendant des mois, on était capable d’identifier son chant barbare dans n’importe quelle circonstance, même des années plus tard. »
Extrait de : J. Heliot. « Question de mort. »
Passé censuré par Johan Heliot

Fiche de Passé censuré
Titre : Passé censuré
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2008
Editeur : Editions du Rocher
Première page de Passé censuré
« Le soleil pesait, plus lourd que toute une vie de labeur sur le dos des hommes. Des hommes à qui l’époque refusait le privilège de s’échiner aux champs ou devant une machine pour nourrir leurs familles. Et creusait l’estomac, ainsi que les joues, ravinait le front et durcissait le regard. Pourtant ces hommes étaient vivants. Ils éprouvaient leur peine, dix ou douze heures chaque jour, leurs poings calleux refermés sur les manches de pioches, de pelles ou encore, pour les plus chanceux et les plus qualifiés, sur les leviers de commande d’un engin de terrassement. Le pavage de la route avançait. Mile après mile après mile, cette chienne de route déroulait sa langue de béton dans les rocailles du désert de Mojave, où s’épanouissaient de loin en loin des bouquets d’arbres de Josué, sous la surveillance hautaine des pics dénudés qui bornaient l’horizon. La sueur coulée des fronts n’avait pas le temps d’atteindre le sol chauffé à blanc. Les vapeurs de gasoil échappées des moteurs diesel enivraient les esprits et montaient vers le ciel immaculé jusqu’à l’incandescence en troublant l’air brûlant. »
Extrait de : J. Heliot. « Passé censuré. »
Pandémonium par Johan Heliot

Fiche de Pandémonium
Titre : Pandémonium
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2002
Editeur : Bélial
Première page de Pandémonium
« Il faisait encore nuit noire lorsque ma logeuse vint tambouriner à ma porte.
Je venais juste de m’endormir, après avoir peiné de longues heures à la correction d’un manuscrit confié par un feuilletoniste de mes amis. Pour subvenir à mes besoins, je louais mes talents d’écrivain public à qui se pouvait soucier des règles de l’orthographe et de la grammaire. Mais si Paris était alors riche en pamphlétaires, chroniqueurs ou publicistes de tous acabits, ils étaient peu nombreux à posséder les quelques sous requis par mon intervention. Aussi la langue en pâtissait-elle souvent, et je devais me satisfaire de peu : un modeste garni où déposer ma malle et mes livres, potage, pain noir et piquette – mes trois « p » nourriciers, répétais-je à l’envi – chaque soir, quand ce n’était pas un jour sur deux.
Fort heureusement, la mère Blanchot, ma logeuse, appréciait ma compagnie et acceptait souvent de prolonger mon crédit plus que de raison. »
Extrait de : J. Heliot. « Pandemonium. »
Ordre noir par Johan Heliot

Fiche de Ordre noir
Titre : Ordre noir
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2010
Editeur : Fleuve noir
Première page de Ordre noir
« Ils suivaient un chemin tracé longtemps avant le jour de leur naissance, un chemin emprunté depuis par un tout petit nombre d’élus. Ils suivaient ce chemin pour celui qui avait été d’abord leur chef, ensuite leur maître, enfin bien plus encore : pour eux et beaucoup d’autres, presque un roi. Et parce qu’il allait mourir, ils suivaient ce chemin dans le secret des fondations du Temple, plaçant leurs pas dans ceux des initiés qui les avaient précédés, ici, depuis des générations, ailleurs, là où tout avait commencé, depuis des temps immémoriaux.
Ils suivaient le chemin depuis l’aube et chaque pas ajoutait une nouvelle souffrance à leur épreuve. Mais ils avaient été choisis pour leur capacité à endurer la douleur imposée par le parcours du Temple. Avant eux, ceux qui étaient passés par le même chemin avaient connu les affres de la folie. Les démons s’étaient emparés de leurs esprits pour les déchirer en lambeaux entre leurs griffes, et ils erraient à présent dans les rues de la cité comme les ombres d’eux-mêmes, décharnés et pâles ; bientôt, ceux-là disparaîtraient. »
Extrait de : J. Heliot. « Ordre Noir. »
Opération Nemo par Johan Heliot

Fiche de Opération Nemo
Titre : Opération Nemo
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2004
Editeur : Magnard
Première page de Opération Nemo
« C’est une chute d’eau immense qui bouillonne sur les rochers en contrebas dans un vacarme assourdissant. Un rideau liquide tout droit tombé du ciel, comme si quelqu’un, là-haut, essorait les nuages. Nono s’inquiète. Jamais les océans ne pourront contenir autant d’eau, ça va déborder et former une crue gigantesque.
Nono survole la cascade. Il plane comme un aigle, incapable de détacher son regard des gerbes écumantes. Pourtant, il faut bien qu’il se réveille, sinon il sait ce qui va se passer : les draps mouillés et la honte de s’être encore oublié au lit. À son âge, bientôt dix ans, il n’est pourtant plus un bébé ! Vite, il faut penser à autre chose… Se réveiller, absolument !
Dans un effort surhumain, Nono s’arrache au rêve de Niagara qui accompagne immanquablement ses envies d’uriner. »
Extrait de : J. Heliot. « Opération Nemo. »