Étiquette : Ballard
Le monde englouti par J. G. Ballard
Fiche de Le monde englouti
Titre : Le monde englouti
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1962
Traduction : M.-F. Desmoulin
Editeur : Denoël
Première page de Le monde englouti
« Bientôt, il ferait trop chaud.
Il était un peu plus de huit heures ; du balcon de l’hôtel, Kerans observait le soleil se lever derrière les bosquets touffus de gymnospermes géants qui envahissaient les toits des grands magasins abandonnés à quelque quatre cents mètres de là, sur la rive est de la lagune. On ressentait pleinement l’implacable ardeur du soleil, même à travers la masse vert olive des frondes. Les durs rayons réfractés qui frappaient ses épaules et sa poitrine nues faisaient perler les premières gouttes de sueur et il mit une paire d’épaisses lunettes de soleil pour se protéger les yeux. Le disque solaire ne formait plus une sphère aussi nette, mais une grande ellipse étalée qui, à l’orient, se déployait sur l’horizon, comme une boule de feu colossale ; son reflet dans la lagune transformait la surface de plomb éteint en une carapace de cuivre éblouissant.
Dans moins de quatre heures, vers midi, l’eau semblerait brûler.
D’habitude, Kerans se levait à cinq heures et arrivait à la station d’essais biologiques assez tôt pour travailler au moins quatre à cinq heures avant que la chaleur ne devienne insupportable. »
Extrait de : J. G. Ballard. « Le monde englouti. »
Le massacre de Pangbourne par J. G. Ballard
Fiche de Le massacre de Pangbourne
Titre : Le massacre de Pangbourne
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1988
Traduction : D. Sila-Khan
Editeur : Belfond
Première page de Le massacre de Pangbourne
« Le 25 août 1988. Par où commencer ? On a déjà tant écrit sur ce que la presse populaire du monde entier appelle le « massacre de Pangbourne » qu’il me paraît difficile de garder l’esprit clair en face de cet événement tragique. Depuis deux mois la télévision nous a littéralement bombardés d’émissions commentant l’assassinat des trente-deux occupants de cette résidence de luxe située à l’ouest de Londres, et l’on a tellement spéculé sur l’enlèvement de leurs treize enfants qu’il ne semble guère possible d’échafauder une seule hypothèse nouvelle.
Et pourtant, comme le ministre lui-même l’a fait remarquer ce matin au ministère de l’Intérieur, on ne sait toujours rien des mobiles ni de l’identité des assassins.
— J’ai dit « assassins » au pluriel, docteur Greville, mais on ne peut pas rejeter l’hypothèse d’un meurtrier unique. »
Extrait de : J. G. Ballard. « Le massacre de Pangbourne. »
Le livre d’or par J. G. Ballard
Fiche de Le livre d’or
Titre : Le livre d’or de la science-fiction
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1980
Traduction : R. Louit
Editeur : Presses Pocket
Sommaire de Le livre d’or
- L’homme subliminal
- L’homme saturé
- Treize pour le centaure
- Chronopolis
- Fin de partie
- Demain, dans un million d’années
- Le jour de toujours
- Un assassin très comme il faut
- Le Vinci dispary
- Perte de temps
- Le géant noyé
- La cage de sable
- Les statues qui chantent
- Amour et napalm : export USA
Première page de L’homme subliminal
« Les signaux, docteur ! Avez-vous vu les signaux ? » Le front barré par la contrariété, le docteur Franklin pressa l’allure et se hâta de descendre le perron de l’hôpital pour gagner les files de voitures en stationnement. Il apercevait du coin de l’œil le jeune homme en jean taché de peinture et en sandales effilochées, qui agitait le bras de l’autre côté de l’allée.
« Les signaux, docteur Franklin ! »
Tête baissée, Franklin évita un couple d’âge mur qui s’approchait de la sortie de la consultation. La voiture du médecin était garée à plus de cent mètres de là. Trop fatigué pour se mettre à courir, Franklin se laissa rattraper par le jeune homme. »
Extrait de : J. G. Ballard. « Le livre d’or de la science-fiction. »
La vie et rien d’autre par J. G. Ballard
Fiche de La vie et rien d’autre
Titre : La vie et rien d’autre
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 2008
Traduction : M. Charrier
Editeur : Denoël
Première page de La vie et rien d’autre
« Je suis né à l’Hôpital général de Shanghai le 15 novembre 1930, au terme d’un accouchement difficile. Ma mère, frêle Anglaise aux hanches étroites, me le décrivait des années plus tard avec complaisance, comme s’il fallait y voir le signe de la muflerie générale du monde. Elle racontait souvent au dîner que j’avais la tête terriblement déformée à la naissance, ce qui expliquait de toute évidence à ses yeux ma personnalité rebelle d’adolescent, puis de jeune homme (d’après mes amis médecins, ce genre de déformation n’a rien de remarquable). Ma sœur, Margaret, est venue au monde en septembre 1937 grâce à une césarienne, mais jamais je n’ai entendu ma mère s’exprimer sur la signification plus large de l’événement.
Notre famille habitait le 31, Amherst Avenue, dans les faubourgs ouest de Shanghai, à environ huit cents mètres de la concession internationale, quoique à l’intérieur de la vaste zone placée sous le contrôle de
la police municipale. »
Extrait de : J. G. Ballard. « La vie et rien d’autre. »
La trilogie du béton par J. G. Ballard
Fiche de La trilogie du béton
Titre : La trilogie du béton – intégrale
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 2015
Traduction : R. Louit, G. Fradier
Editeur : Gallimard
Sommaire de La trilogie du béton
- Crash !
- L’île de béton
- I. G. H.
Première page de Crash !
« Vaughan est mort hier dans son dernier accident. Le temps que dura notre amitié, il avait répété sa mort en de multiples collisions, mais celle-là fut la seule vraie. Lancée vers la limousine de l’actrice, sa voiture a franchi le garde-corps du toboggan de l’aéroport de Londres et plongé à travers le toit d’un car rempli de voyageurs. Les corps broyés en grappes des touristes, comme une hémorragie du soleil, étaient toujours plaqués sur les sièges de vinyle lorsque je me suis frayé un chemin parmi les techniciens de la police, une heure plus tard. Cramponnée au bras de son chauffeur, l’actrice Elizabeth Taylor, avec qui Vaughan avait depuis tant de mois rêvé de mourir, se tenait à l’écart sous les feux tournants de l’ambulance. Quand je me suis penché au-dessus de Vaughan, elle a porté une main gantée à sa gorge.
Voyait-elle, dans la position du corps, la formule de mort que Vaughan avait conçue pour elle ? Les dernières semaines de sa vie, Vaughan ne pensait qu’à la mort de l’actrice, à ce sacre des blessures qu’il avait mis en scène avec la dévotion d’un chef du protocole. »
Extrait de : J. G. Ballard. « La trilogie de béton : Crash, L’île de béton, I.G.H. »
La région du désastre par J. G. Ballard
Fiche de La région du désastre
Titre : La région du désastre
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1967
Traduction : P. K. Rey
Editeur : J’ai lu
Sommaire de La région du désastre
- Rêve d’oiseau
- La ville concentrationnaire
- L’homme subliminal
- Que s’éveille la mer
- Moins un
- Faux-fuyants
- Zone de terreur
- Trou d’homme n° 69
- L’homme impossible
Première page de Rêve d’oiseau
« L’aube s’est levée sur les corps des oiseaux morts luisant dans la lumière liquide du marais, leur plumage gris flottant sur les eaux calmes comme des nuages décrochés des cieux. Tous les matins, lorsque Crispin montait sur le pont de la vedette, c’était le même spectacle : des cadavres d’oiseaux voguant au fil des criques et des chenaux, des cadavres vieux de deux mois que le faible courant avait nettoyés de leurs plaies, et, longeant la rivière, la femme aux cheveux blancs qui vivait dans la maison abandonnée sous la falaise. Sur toute la longueur de la rive étroite, gisaient les grands oiseaux, plus gros que des condors, que la femme, sous le regard attentif de Crispin depuis la passerelle du bateau, foulait aux pieds en se baissant de temps à autre pour arracher une plume aux ailes déployées. Au terme de sa promenade, elle s’en retournait vers la maison vide à travers la prairie détrempée, les bras chargés de longues plumes blanches.
Au début, Crispin avait éprouvé un obscur sentiment de gêne à voir cette étrange femme descendre jusqu’à la grève et dépouiller tranquillement de leur plumage les cadavres d’oiseaux. »
Extrait de : J. G. Ballard. « La région du désastre. »
La plage ultime par J. G. Ballard
Fiche de La plage ultime
Titre : La plage ultime
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1964
Traduction : P.-P. Durastanti
Editeur : J’ai lu
Sommaire de La plage ultime
- Un problème de rentrée
- Le géant noyé
- Fin de partie
- L’homme illuminé
- L’enclos des reptiles
- Le delta au crépuscule
- La plage ultime
- Fin fond
- Les danses du volcan
- Billenium
- Le Vinci disparu
Première page de Un problème de rentrée
« Toute la journée, ils avaient remonté le courant d’un train régulier, en s’arrêtant parfois pour relever l’hélice et couper les nœuds d’herbe, et vers trois heures de l’après-midi, ils avaient couvert quelque cent vingt kilomètres. Cinquante mètres plus loin, de part et d’autre de la vedette, les gorges abruptes du fleuve tropical surplombaient l’eau, entaillant le massif du Mato Grosso qui balayait l’Amazonie de Campos Buros au delta de l’Orénoque. Malgré leur progression – ils avaient quitté la station télégraphique de Très Buritis à sept heures ce matin-là –, le fleuve ne semblait guère vouloir rétrécir, ni altérer son débit. Obscure, immuable, la forêt suivait son cours : sa voûte aérienne cachait le soleil et, le long des rives, parait l’eau d’un lustre de velours noir. Parfois, le canal s’élargissait en une vaste étendue d’eau morte que de lents tourbillons huileux changeaient en miroir stagnant du ciel lointain, énigmatique ; çà et là des îlots de rondins de balsa pourris se réfractaient dans les strates de brume de chaleur, archipels à la dérive d’un rêve entr’aperçu. Puis le canal se resserrait et l’obscurité de la jungle enveloppait la vedette de sa fraîcheur. »
Extrait de : J. G. Ballard. « La plage ultime. »
La forêt de cristal par J. G. Ballard
Fiche de La forêt de cristal
Titre : La forêt de cristal
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1966
Traduction : C; Saunier
Editeur : Denoël
Première page de La forêt de cristal
« Quand le Dr Sanders vit pour la première fois s’ouvrir devant lui l’estuaire du Matarre, ce qui l’impressionna le plus fut l’eau sombre du fleuve. Après bien des retards, le petit vapeur approchait enfin de la ligne des jetées, mais bien qu’il fût déjà 10 heures, la surface de l’eau était encore grise et lourde, teinte des sombres nuances de la végétation croulant sur les rives.
Quand parfois le ciel se couvrait l’eau était presque noire, telle une teinture putrescente. Les entrepôts et les petits hôtels épars constituant Port Matarre, par contraste, brillaient d’un éclat spectral de l’autre côté des sombres houles, comme s’ils eussent été éclairés moins par la lumière solaire que par quelque lanterne à l’intérieur, ainsi que les pavillons d’une nécropole abandonnée bâtie sur une série d’estacades à l’orée de la jungle. »
Extrait de : J. G. Ballard. « La forêt de cristal. »
La face cachée du soleil par J. G. Ballard
Fiche de La face cachée du soleil
Titre : La face cachée du soleil
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1996
Traduction : B. Sigaud
Editeur : Fayard
Première page de La face cachée du soleil
« Franchir les frontières est mon métier. Ces zones de no man’s land entre les postes de contrôle me font toujours l’effet de terres exceptionnellement prometteuses, riches de nouvelles vies, de nouveaux parfums, de nouvelles affections en même temps qu’elles déclenchent un réflexe de malaise que je n’ai jamais pu réprimer. Tandis que les douaniers fouillent mes valises, je sens qu’ils essaient de déballer mon esprit et de mettre au jour une contrebande de rêves et de souvenirs prohibés. Et, même en ces instants-là, il y a ce plaisir particulier qu’on éprouve à risquer d’être démasqué – et qui a très bien pu faire de moi un touriste professionnel. Je gagne ma vie comme auteur de récits de voyages, mais je conviens que ce n’est guère plus qu’une façade. Mon véritable bagage est rarement verrouillé, ses fermoirs ne demandent qu’à être libérés.
Gibraltar ne fit pas exception, or cette fois-ci, mes sentiments de culpabilité étaient fondés. Arrivé par le vol du matin en provenance de Londres-Heathrow, j’avais atterri pour la première fois sur la piste militaire desservant cet ultime poste avancé de l’Empire britannique. »
Extrait de : J. G. Ballard. « La face cachée du soleil. »
La course au paradis par J. G. Ballard
Fiche de La course au paradis
Titre : La course au paradis
Auteur : J. G. Ballard
Date de parution : 1994
Traduction : B. Sigaud
Editeur : Fayard
Première page de La course au paradis
« Sauvez les albatros ! Arrêtez les essais nucléaires ! Immédiatement ! »
Ruisselante d’écume, dressée à la proue du canot pneumatique, le Dr Barbara Rafferty se retenait à l’épaule de Neil tandis que l’embarcation oscillait sur la mer capricieuse. Remplissant ses poumons fatigués mais encore indignés, elle pressa le mégaphone contre ses lèvres et hurla à l’adresse des plages désertes de l’atoll :
« Dites non à la guerre biologique ! Sauvez les albatros et sauvez la planète ! »
Une vague balaya la proue et faillit lui arracher le mégaphone des mains. Elle insulta l’écume espiègle et écouta l’écho de sa voix pourchasser les rouleaux. Comme accablés par leur propre vanité, les slogans amplifiés s’étaient éteints bien avant de pouvoir atteindre le rivage. »
Extrait de : J. G. Ballard. « La course au paradis. »