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William Conrad par P. Boulle

Fiche de William Conrad

Titre : William Conrad
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1950
Editeur : Le livre de poche

Première page de William Conrad

« La guerre n’avait pas interrompu la série des dîners que lady et lord Goodfellow offraient chaque semaine à un petit groupe d’amis fidèles et respectables. Elle avait seulement imposé à ces cérémonies une certaine austérité Spartiate, dont la jeune femme du vieux lord avait coutume de s’excuser, en murmurant d’une voix attendrissante : « There is a war on, you know. » Elle faisait suivre cette constatation d’un soupir et d’un sourire. Le soupir donnait sa juste valeur au petit morceau de chester que chaque invité recevait dans son assiette ; le sourire faisait pardonner le délayage de l’irish stew, la sécheresse d’un toast sans beurre, et l’orientation un peu exclusive de la conversation.

C’était la guerre. Depuis le jour où cet état anormal avait été décrété entre le monde britannique et le monde teuton, l’œil vigilant de »

Extrait de : P. Boulle. « William Conrad. »

Un métier de seigneur par P. Boulle

Fiche de Un métier de seigneur

Titre : Un métier de seigneur
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1960
Editeur : Le livre de poche

Première page de Un métier de seigneur

« L’espèce humaine – la tige essentielle de cette espèce, tout au moins (certains rameaux qui ne participent pas à l’élan central doivent être considérés comme des exceptions) –, l’espèce humaine est en train de se hausser à un degré de loyauté intellectuelle au-delà duquel il lui sera difficile d’évoluer ; car aucun progrès ne peut se concevoir, la perfection atteinte, et des signes innombrables annoncent que celle-ci est bien près de l’être dans ce secteur particulier de la morale, comme dans tant d’autres domaines.

L’indice le plus frappant en est sans doute le dégoût que nous inspirent ces rameaux insolites, qui ne nous ont pas suivis dans notre constante ascension vers la probité mentale. Nous est odieux tout individu qui « ne joue pas le jeu » à ce point de vue et qui, en particulier, cherche à se faire passer pour ce qu’il n’est pas. »

Extrait de : P. Boulle. « Un métier de seigneur. »

Miroitements par P. Boulle

Fiche de Miroitements

Titre : Miroitements
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1982
Editeur : Flammarion

Première page de Miroitements

« Le Boeing du chef de l’État se posa sur l’aéroport de Marignane alors que les étoiles scintillaient encore dans le ciel de Provence. Une heure avant l’aube, l’air déjà chaud, mais sans lourdeur, laissait prévoir une belle journée ensoleillée de juin. Jean Blondeau, président écologiste de la République, selon le titre qu’il s’était lui-même décerné, n’aimait guère le Boeing, dévoreur de combustible et d’oxygène. Il eût préféré voyager dans l’avion solaire dont on lui avait fait cadeau peu après son élection, qu’il pilotait lui-même à ses heures de loisir, et qui faisait les délices de sa femme Béatrice. Mais la cérémonie à laquelle il devait assister lui imposait une arrivée nocturne.

À l’atterrissage, le Président manifesta une fébrilité impatiente, dont il avait d’ailleurs fait preuve pendant le vol. Il se précipita vers la sortie à peine l’appareil arrêté, s’immobilisa en haut de la passerelle et embrassa le ciel d’un coup d’œil inquiet. Ayant constaté sa sérénité, il parut apaisé et se frotta les mains avec un sourire triomphant. »

Extrait de : P. Boulle. « Miroitements. »

Les voies du salut par P. Boulle

Fiche de Les voies du salut

Titre : Les voies du salut
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1958
Editeur : Julliard

Première page de Les voies du salut

« Accroupi à la lisière de la jungle, au bord de la piste qui limitait la plantation de Kebun Besar, Sen, soldat de la libération, commençait à se sentir pénétré par l’humidité de la nuit. Il inspecta le ciel, visible au-dessus des hévéas, et reprit patience en constatant qu’aucune lueur n’annonçait l’aube. Il porta ses mains à sa bouche, en entonnoir, et fit de nouveau le signal. Puis, il écouta, les sourcils froncés, la tête inclinée vers ses pieds ; mais il ne perçut pas de réponse.

Il redressa le cou en entendant tressaillir les plantes qui couvraient le sol, de l’autre côté de la piste, et ses mains étreignirent sa mitraillette. Ses traits se détendirent presque aussitôt en un sourire amusé. Un grognement l’avait rassuré. Il distingua bientôt deux masses sombres et, dans leur sillage, un grouillement de formes indistinctes plus petites. C’était une famille de sangliers qui trottinait sur la piste, avant de regagner la jungle. »

Extrait de : P. Boulle. « Les voies du salut. »

Les vertus de l’enfer par P. Boulle

Fiche de Les vertus de l’enfer

Titre : Les vertus de l’enfer
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1974
Editeur : Le livre de poche

Première page de Les vertus de l’enfer

« Butler s’efforça de réprimer le tremblement de sa main en pressant contre son flanc l’avant-bras au bout duquel se profilait un pistolet. Ainsi lui apprenait-on à le faire autrefois, au cours d’un entraînement militaire spécial précédant son départ pour le Viêt-Nam. L’acte qu’il allait accomplir le terrifiait. Pour qu’il s’y résolût, il fallait l’aiguillon d’une terrible nécessité : le manque de drogue.

Le quartier de New York choisi par lui après beaucoup d’hésitations était désert à cette heure. Les gens sérieux rentraient chez eux après le cinéma ou le théâtre ; les noctambules n’avaient pas encore quitté les boîtes de nuit. Embusqué à l’angle de deux rues, il vérifia une dernière fois que le passant qui s’approchait était seul, et la voie libre derrière lui.

« Arrêtez-vous et jetez-moi votre portefeuille ! »

On pouvait lire ces paroles banales presque chaque jour dans la presse, qui ne manquait pas de conseiller aux passants ainsi interpellés de s’exécuter sans discussion, ce qu’ils faisaient le plus souvent. »

Extrait de : P. Boulle. « Les vertus de l’enfer. »

Les oreilles de jungle par P. Boulle

Fiche de Les oreilles de jungle

Titre : Les oreilles de jungle
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1972
Editeur : J’ai lu

Première page de Les oreilles de jungle

« Il n’existait pas de sirènes pour sonner l’alerte et le gong de cuivre utilisé sans conviction lors des premiers bombardements, pour imiter les gens de la plaine, restait silencieux. Les montagnards jarai avaient tous l’oreille assez fine pour percevoir de très loin le bruit des avions. Ils n’étaient d’ailleurs pas visés. Dans le nouveau village qu’ils s’étaient construit, sur un haut sommet de la chaîne annamitique, pour échapper à la fois aux persécutions morbides de Diem et aux pierres de feu que laissaient tomber les hommes volants, ils étaient dans une sécurité relative. Le réseau confus et mystérieux de la piste Hô-Chi-Minh passait assez loin vers l’ouest et les pierres de feu frappaient plutôt les cols que les sommets. Cependant, il arrivait à quelque convoi léger d’emprunter des sentiers de la très haute région et aux aviateurs américains de laisser tomber des »

Extrait de : P. Boulle. « Les oreilles de la jungle. »

Les jeux de l’esprit par P. Boulle

Fiche de Les jeux de l’esprit

Titre : Les jeux de l’esprit
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1971
Editeur : J’ai lu

Première page de Les jeux de l’esprit

« Une sonnerie retentit. Les candidats, qui attendaient depuis une demi-heure en échangeant des propos plaisants, un peu forcés, pour calmer leur nervosité, firent silence. Malgré leur maîtrise habituelle, tous avaient éprouvé la même émotion, les mêmes battements de cœur. La lourde porte de l’Institut fut poussée par un appariteur en habit. Derrière lui, ils suivirent un couloir obscur, puis pénétrèrent dans le grand amphithéâtre, où devaient se dérouler les épreuves. Ils étaient treize, l’âge variant de trente-cinq à cinquante ans.

Fawell entra dans la salle un des premiers. Comme les autres, il n’apportait avec lui aucun document, aucun instrument de travail. Les tables de logarithmes et même les simples règles à calcul étaient prohibées. Ils ne devaient utiliser pour cet ultime examen que les seules ressources de leur mémoire, de leur culture, de leur intelligence et de leur imagination. »

Extrait de : P. Boulle. « Les jeux de l’esprit. »

Le sacrilège malais par P. Boulle

Fiche de Le sacrilège malais

Titre : Le sacrilège malais
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1955
Editeur : Pocket

Première page de Le sacrilège malais

« Après avoir rendu ses écus au financier, le savetier s’était remis au travail en chantant – trop fort. Le financier connut de nouveau l’insomnie matinale. Ne dormant pas, il réfléchit. Sa Pensée se fixa sur le travail de son voisin.
« Le savetier raccommode des souliers et il chante. Il doit y avoir une relation étroite entre cette activité et cette insouciance. Pourquoi ne pas m’intéresser, moi aussi, aux vieux souliers ? »
Le financier ne pouvait pas s’arrêter à l’idée de raccommoder des souliers. Il en fabriquerait des milliers, des millions, des milliards de paires. Le monde entier viendrait se chausser chez lui.
Cette anticipation raviva son angoisse fiévreuse. Un clapotement monstrueux, fait d’un piétinement ininterrompu de semelles, monta dans la rue et s’ajouta aux accents barbares du savetier. Il mesura l’horreur de l’enfer où avait failli le plonger son esprit de généralisation. Le sommeil quitterait à jamais son logis. C’était impossible. »

Extrait de : P. Boulle. « Le Sacrilège Malais. »

Le pont de la rivière Kwai par P. Boulle

Fiche de Le pont de la rivière Kwai

Titre : Le pont de la rivière Kwai
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1958
Editeur : Pocket

Première page de Le pont de la rivière Kwai

« L’abîme infranchissable que certains regards voient creusé entre l’âme occidentale et l’âme orientale n’est peut-être qu’un effet de mirage. Peut-être n’est-il que la représentation conventionnelle d’un lieu commun sans base solide, un jour perfidement travesti en aperçu piquant, dont on ne peut même pas invoquer la qualité de vérité première pour justifier l’existence ? Peut-être la nécessité de « sauver la face » était-elle, dans cette guerre, aussi impérieuse, aussi vitale, pour les Britanniques que pour les Japonais ? Peut-être réglait-elle les mouvements des uns, sans qu’ils en eussent conscience, avec autant de rigueur et de fatalité qu’elle commandait ceux des autres, et sans doute ceux de tous les peuples ? Peut-être les actes en apparence opposés des deux ennemis n’étaient-ils que des manifestations, différentes mais anodines, d’une même réalité immatérielle ? Peut-être l’esprit du colonel nippon, Saïto, était-il en son essence analogue à celui de son prisonnier, le colonel Nicholson ? »

Extrait de : P. Boulle. « Le Pont de la rivière Kwaï. »

Le photographe par P. Boulle

Fiche de Le photographe

Titre : Le photographe
Auteur : P. Boulle
Date de parution : 1967
Editeur : Le livre de poche

Première page de Le photographe

« LA starlette se renversa en arrière, les reins arqués sûr un coussin du divan, le seul meuble qui pût donner une illusion de luxe dans une chambre d’aspect misérable. Elle croisa très haut les jambes et bomba le torse avec une application visible, comme si elle s’efforçait de faire jaillir tout son corps hors de son déshabillé. Puis, elle interrogea le photographe avec le regard d’un élève obséquieux qui quête une approbation de son maître.

« Comme ça ? ou un peu plus haut ? »

Il haussa les épaules sans répondre, d’un geste excédé. Elle parut inquiète et ajouta vivement :

« Si vous croyez que c’est mieux, je peux enlever mon soutien-gorge. »

Martial Gaur, qui l’observait depuis un moment, avec une impatience mal contenue, à travers le viseur, entra soudain dans une colère rageuse et jeta son appareil sur le divan avec une »

Extrait de : P. Boulle. « Le photographe. »