Étiquette : Dantec

 

Les résidents par M. G. Dantec

Fiche de Les résidents

Titre : Les résidents
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 2014
Editeur : Inculte

Première page de Les résidents

« Comme toujours après un meurtre, elle avait observé son corps dans le miroir.

Nu. Entièrement. Longtemps. Très. Cela pouvait durer une heure, parfois le double et parfois plus encore.

Nu, son corps semblait plus vrai que nature, nu, il s’approchait au plus près de la vérité, c’est-à-dire de l’artifice qu’il était devenu.

C’était dans le miroir qu’il devenait réel, c’était le miroir qui en faisait un corps authentique, c’était le miroir qui lui donnait une identité, plus qu’un nom, plus qu’un nombre, plus que tous les nombres dont il était constitué.

Dans le miroir, il était chair.

Écoutez donc ce qu’il a vraiment à vous dire, pensait-elle :

Ce corps qui n’était plus vraiment le sien, ce corps reconstruit autour d’une opération, d’un théâtre, ce corps qui n’existait plus en tant que tel »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Les Résidents. »

Les racines du mal par M. G. Dantec

Fiche de Les racines du mal

Titre : Les racines du mal
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 1995
Editeur : Gallimard

Première page de Les racines du mal

« Andréas Schaltzmann s’est mis à tuer parce que son estomac pourrissait.

Le phénomène n’était pas isolé, tant s’en faut : cela faisait déjà longtemps que les ondes cosmiques émises par les Aliens faisaient changer ses organes de place. Son cerveau était soumis à un tir de barrage de radiations destinées à le transformer, lui aussi, comme tous les autres, en un robot sans conscience au service de l’inhumaine machinerie.

Depuis des années les nazis et les habitants de Vega s’étaient installés dans son quartier, et il était certain qu’ils ne s’en tenaient pas là. Partout, et jusqu’aux plus hautes arcanes de l’État, le complot des Créatures de l’Espace étendait ses ramifications destructrices. Andréas pouvait s’en rendre compte chaque jour, en regardant les émissions de télévision. Il y avait cet animateur de jeu qui complotait contre le Pape, et le Premier ministre Balladur dont tout laissait croire qu’il transformait les gens en poupées. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Les racines du mal. »

La sirène rouge par M. G. Dantec

Fiche de La sirène rouge

Titre : La sirène rouge
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 1993
Editeur : Gallimard

Première page de La sirène rouge

« Le 17 avril 1993, quelques minutes avant que sa vie ne bascule tout à fait, Hugo Cornelius Toorop avait contemplé son visage dans la glace. Il y avait vu une longue tête un peu mélancolique, avec des sourcils en accents circonflexes. Ses yeux noirs brillaient comme deux billes laquées, sur des cernes qui mettraient sans doute un peu de temps à s’estomper. Deux rides faisaient leur apparition au coin de ses paupières. Elles s’étaient notablement accentuées, depuis peu.

Toute l’opération s’était pourtant déroulée à peu près comme convenu. Les armes avaient été livrées à ce qu’il restait de la République bosniaque. Cela n’avait pas été sans mal. Il avait même fallu éviter les navires de guerre occidentaux qui avaient établi un blocus militaire contre toute l’ex-Yougoslavie, depuis novembre précédent. Comme le disait Ari Moskiewicz, « les notions de bien et de mal ne font pas partie des subtilités enseignées à l’ENA ». »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « La sirène rouge. »

Là où tombent les anges par M. G. Dantec

Fiche de Là où tombent les anges

Titre : Là où tombent les anges
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 1995
Editeur : Gallimard

Première page de Là où tombent les anges

« Il faisait une putain de chaleur et j’étais en train de me dire que je haïssais le mois de juin et les baies vitrées.

C’était pas vraiment à cause de la clim en rideau depuis des jours, ni même à cause des loyers en retard qui s’accumulaient, par simple je-m’en-foutisme, ni du courrier assez sec du proprio que j’avais trouvé dans la messagerie, en allumant la console d’un coup de zappeur.

Non, j’avais simplement vue plongeante sur le carrefour, derrière lequel se dressaient les bâtiments de la nouvelle université. Les baies vitrées n’étaient pas programmables dans l’arcologie Youri Gagarine à l’époque, et la disposition de mon bureau ne m’en faisait pas rater une miette. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Là où tombent les anges. »

Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute par M. G. Dantec

Fiche de Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute

Titre : Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 2009
Editeur : Albin Michel

Première page de Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute

« Je suis entré dans le bureau de poste et j’ai dit :

– Bonjour m’sieurs dames ça sera pas long c’est un hold-up vous vous allongez par terre et vous comptez les grains de poussière.

Y avait pas foule dans la petite agence de quartier. Un couple de retraités et une matrone martiniquaise de ce côté-ci des guichets, et deux employés au teint photocopié sur la couleur des murs, de l’autre.

– TOUT LE MONDE PAR TERRE, j’ai gueulé, pour bien me faire comprendre. Vous, j’ai fait aux deux préposés, vous bougez un sourcil et je descends tout le monde de ce côté-là.

Ça s’est mis à gémir du côté des cartes vermeilles alors j’ai fait accélérer la cadence en agitant le Beretta et en gueulant encore un bon coup, puis je suis allé refermer à toute vitesse le verrou de la vieille porte d’entrée, toute pourrie, une véritable aubaine cette antique poste de quartier. On était cinq minutes avant l’heure de la fermeture, ils avaient pris un peu d’avance sur l’horaire les fonctionnaires PTT, c’est tout.

Je connaissais bien le topo des lieux, question sécurité c’était pas ça, même pas un œil-caméra dans un coin, j’ai balancé un gros coup de pompe dans la porte qui donnait derrière le comptoir, la serrure a carrément explosé et j’ai juste dit :

– Allez, tout le monde derrière. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute. »

Babylon babies par M. G. Dantec

Fiche de Babylon babies

Titre : Babylon babies
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 1999
Editeur : Gallimard

Première page de Babylon babies

« Vivre était donc une expérience incroyable, où le plus beau jour de votre existence pouvait s’avérer le dernier, où coucher avec la mort vous garantissait de voir le matin suivant, et où quelques règles d’or s’imposaient avec constance: ne jamais marcher dans le sens du vent, ne jamais tourner le dos à une fenêtre, ne jamais dormir deux fois de suite au même endroit, rester toujours dans l’axe du soleil, n’avoir confiance en rien ni en personne, suspendre son souffle avec la perfection du mort vivant à l’instant de libérer le métal salvateur. Quelques variables pouvaient à l’occasion s’y glisser, la position du soleil dans le ciel, le temps qu’il faisait, et à qui on avait affaire.
De là où il se trouvait, accroupi au sommet du talus qui longeait le sentier, Toorop surplombait sa victime. À l’ouest, le soleil baissait sur l’horizon, laquant d’un jaune orange volcanique la terre ocre du haut Sin-kiang. L’air était sec, encore vibrant de la chaleur accumulée pendant toute la journée, et d’une pureté irréelle. C’était le temps idéal pour tuer quelqu’un. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Babylon Babies. »

Artefact par M. G. Dantec

Fiche de Artefact

Titre : Artefact – Machines à écrire 1.0
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 2007
Editeur : Livre de poche

Sommaire de Artefact

  • Vers le nord du ciel
    • La tour
    • Celle de l’étage 91
    • Nuit et brouillard
    • Là où les rues portent 3000 noms
    • Cities on flame with rock’n’roll
    • L’observatoire du monde humain
    • Me and my black box
    • Un peu au nord du désastre
    • American life
    • L’année du dieu Mars
    • Contre la tour-monde
    • Americanada
    • La carte et le territoire
    • Under the northern skies
    • Contact
    • Sous le projecteur des films noirs
    • Zone d’impact
    • Toutes les lumières du ciel et de la Terre
    • Le monde en blanc et blanc
    • Epilogue : Ground zero
  • Artefact
  • Le monde de ce prince

Première page de La tour

« C’est ce matin-là que je suis né. Ce matin-là, à 8 h 46 et 40 secondes très exactement. C’est aussi l’instant où je suis mort.
Il faut reconnaître que c’était une matinée magnifique, la matinée faite sur mesure pour cette parturition qui suivrait l’arrêt de mes fonctions vitales. Car j’allais naître, et pour cela je devais mourir. Voilà pourquoi je m’étais rendu ici, dans cet endroit unique au monde : pour devenir une dernière fois ce que j’étais.
J’allais devenir humain, le temps de m’effacer de l’existence humaine. J’allais naître, j’allais naître pour mourir enfin et quitter le monde des hommes. J’allais venir au monde pour mieux pouvoir en partir.
Ce n’était pas une raison franchement pire qu’une autre.
Le processus était pour moi devenu une simple habitude. Pour renaître, je devais mourir. Pour pouvoir mourir, je devais renaître. C’est de ce paradoxe que je suis fait, il est ma nature, il est ma conscience, il est ma vie. Il est ce qui se tient au-delà même de ma vie. Il est vrai que je suis un peu plus qu’un être humain, je viens de bien plus loin, mes destinations comme mes origines ne vous sont pas connues. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Artefact. »

Métacortex par M. G. Dantec

Fiche de Métacortex

Titre : Métacortex (Tome 2 sur 2 – Liber mundi)
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 2010
Editeur : Albin Michel

Première page de Métacortex

« Le travail consistait à effectuer le tri entre les morts et les vivants.

D’une part, les morts, le plus simple : masses agglutinées de corps blêmes sous la lumière lunaire, enchevêtrement de chairs sans plus la moindre singularité, ils peuvent encore avoir des corps, même démembrés, mais les macchabées n’ont plus de regard, ils n’ont plus de visage, ils ne ressentent plus aucune peur, ils n’ont plus ni libertés ni obligations, ils sont les plus chanceux d’entre tous.

De l’autre, un peu plus compliqué : les vivants, les survivants plutôt, ceux qui ont encore un visage, sauf qu’il s’agit d’un masque, une bouche pour parler, sauf qu’il s’agit d’un orifice incapable de proférer le moindre son, des yeux pour voir, sauf qu’ils sont tournés vers l’intérieur de leur cerveau détruit, il y a ceux qui ont failli mourir, il y a ceux qui sont presque morts, et il y a ceux qui voudraient l’être.

C’était un travail très simple, routinier, mécanique, répétitif. Le travail d’un prolétaire du désastre, quand il devient monde. C’était le travail d’un flic. Ce n’était pas un travail pire qu’un autre. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Metacortex – Liber mundi. »

Villa vortex par M. G. Dantec

Fiche de Villa vortex

Titre : Villa vortex (Tome 1 sur 2 – Liber mundi)
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 2003
Editeur : Gallimard

Première page de Villa vortex

« Nul n’aurait pu prédire que le siècle commencerait très précisément avec la Fin des Temps. Pas plus moi qu’un autre.
D’ailleurs, qui prédit encore quelque chose ?
Pourtant, certains d’entre nous avaient eu, durant un bref moment, la vision d’une Apocalypse imminente, alors que les festivités de l’An 2000 illuminaient les fuseaux horaires les uns après les autres, dans la féerie télégénique de la culture globale.
La peur, à l’époque, venait d’une banale conversion des systèmes informatiques planétaires au changement de date. Un terrible « bogue » menaçait, peut-être, le système circulatoire cybernétique des sociétés de troisième type.
Les agences de sécurité du monde entier furent mises en alerte, des milliers d’ingénieurs travaillèrent jour et nuit contre le temps désormais cadencé par le quartz des microprocesseurs.
Mais l’An 2000 passa, et rien ne se produisit. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « Villa Vortex – Liber mundi. »

American black box par M. G. Dantec

Fiche de American black box

Titre : American black box (Tome 3 sur 3 – Journal)
Auteur : Maurice G. Dantec
Date de parution : 2007
Editeur : Livre de poche

Première page de American black box

« Cet objet que vous tenez entre vos mains est d’une extrême fragilité. C’est sans doute pour cela que, comme tout bon dispositif détonant, il va falloir le manipuler avec quelques précautions d’usage. Sa logique est d’une redoutable simplicité : il n’en a pas, sinon la cinétique infernale d’une déflagration. Le temps de l’écriture lui – même en a été affecté, le seul ordre qui y prévaut c’est celui du maximum de dégâts possible.
Vous voici face à la « boîte noire », le système d’enregistrement et de décodage d’un monde qui a choisi d’en finir un peu plus vite que prévu, le système d’enregistrement et de décodage d’une civilisation qui ne croit plus en elle-même, le système d’enregistrement et de décodage du néo-totalitarisme planétaire qui assoit sa domination universelle. Et aussi le système d’enregistrement et de décodage des messages de résistance qui proviennent de partout sur la planète. »

Extrait de : Maurice G. Dantec. « American Black Box – Journal. »