Étiquette : Le passager clandestin

 

37° centigrades par L. Aldani

Fiche de 37° centigrades

Titre : 37° centigrades
Auteur : L. Aldani
Date de parution : 1963
Traduction : R. Stragliati
Editeur : Le passager clandestin

Première page de 37° centigrades

« Comme d’habitude, la première personne que Nico rencontra en sortant de chez lui fut le contrôleur de la CMG, un petit homme sec et ridé, dont la combinaison amarante retombait en vaguelettes sur les épaules voûtées telle la toile d’un parapluie refermé. Il s’appelait Esposito ; c’était un Méridional au teint olivâtre avec de toutes petites moustaches et une grosse verrue poilue près de l’oreille.
Le responsable du pâté de maisons était une vraie carne, il fourrait son nez partout ; et envahissant avec ça, comme tous les contrôleurs de la CMG. Nico s’arrêta à dix pas de lui et boutonna son pardessus. Il se sentait en forme. Le ciel était bleu, sans nuages : une journée pour les nourrices et les voitures d’enfants dans les jardins publics. Pourtant, instinctivement, en apercevant Esposito, il releva le col de son manteau et plongea les mains dans ses poches. »

Extrait de : Lino Aldani. « 37° centigrades. »

Les retombées par J.-P. Andrevon

Fiche de Les retombées

Titre : Les retombées
Auteur : J.-P. Andrevon
Date de parution : 2014
Editeur : Le passager clandestin

Première page de Les retombées

« Par la suite, leur appréciation sur la force, la durée, la distance de l’éclair, varia considérablement : le souvenir qu’ils en gardaient, l’impression qui restait attachée à leur physique et à leur mental ne concordaient pas.

Pour François, l’éclair n’avait duré qu’une fraction de seconde ; mais il faut dire qu’il s’était immédiatement couvert les yeux de ses mains, puis jeté à plat ventre sur le sol après avoir tourné le dos à la direction de la déflagration, inspiré peut-être par la lecture de vieilles brochures de la Protection civile. Le couple pensait que l’éclair avait au contraire flamboyé pas loin d’une minute ; trente secondes au moins, précisait la femme ; en fait, pour lui et pour elle, ce n’avait pas été véritablement un éclair, mais plutôt une énorme flamme à la base renflée et au sommet pointu qui avait illuminé l’horizon, comme si un titan avait craqué une allumette au ras de la vallée. »

Extrait de : J.-P. Andrevon. « Les retombées. »

Destination fin du monde par R. Silverberg

Fiche de Destination fin du monde

Titre : Destination fin du monde
Auteur : R. Silverberg
Date de parution : 1972
Traduction : M. Deutsch
Editeur : Le passager clandestin

Première page de Destination fin du monde

« Nick et Jane se réjouissaient d’être allés voir la fin du monde parce qu’ils disposaient d’un bon sujet de conversation pour la fête chez Mike et Ruby. On aime avoir quelque chose à raconter au cours d’une soirée. Et Mike et Ruby en organisent d’excellentes. Ils ont une maison superbe, l’une des plus belles du voisinage. Une demeure qui convient à toutes les saisons, à tous les états d’âme. Leur coin à eux. Avec beaucoup de place tant à l’intérieur qu’à l’extérieur : la liberté des grands espaces. Le salon aux poutres apparentes, point focal de toutes les activités, est fait sur mesure, avec une fosse pour le canapé et une cheminée. Et il y a une salle à manger avec, là aussi, poutres apparentes et lambris. Plus un bureau. Sans compter une vaste chambre à coucher avec dressing-room de quatre mètres sur quatre et salle de bains particulière. Du dehors, l’architecture pleine masse est impressionnante. Un patio. Un jardin boisé de deux ares. Les fêtes que Mike et Ruby organisent chaque mois sont de grands moments. Nick et Jane attendirent qu’il y ait assez de monde, puis elle lui donna un coup de coude et il s’exclama d’un ton enjoué : « Vous savez ce qu’on a fait la semaine dernière ? Je vous le donne en mille : on est allés voir la fin du monde. »

Extrait de : R. Silverberg. « Destination fin du monde. »

Le pense-bête par F. Leiber

Fiche de Le pense-bête

Titre : Le pense-bête
Auteur : F. Leiber
Date de parution : 1962
Traduction : B. Jouenne
Editeur : Le passager clandestin

Première page de Le pense-bête

« Allez, Gussy, insista Fay d’une voix tranquille, arrête de déambuler comme un ours névrosé et propose-moi quelque chose pour mon équipe d’invention. J’aime bien venir vous voir, toi et Daisy, mais je ne peux pas rester en haut toute la nuit.
— Si ça te rend nerveux d’être en dehors des abris, tu n’as pas besoin de revenir, dit Gusterson en continuant à déambuler. Pourquoi est-ce que votre équipe d’invention ne cherche pas elle-même quoi inventer ? Et toi ? Ah la la !…
Et ce « ah ! » résumait la condamnation éclatante d’un mode de vie tout entier.
— Mais on cherche, répondit Fay imperturbable, seulement voilà : un point de vue nouveau, ça aide quelquefois. »

Extrait de : F. Leiber. « Le pense-bête. »

Aucune femme au monde par C. L. Moore

Fiche d’Aucune femme au monde

Titre : Aucune femme au monde
Auteur : C. L. Moore
Date de parution : 1944
Traduction : A. Rosenblum, D. Bellec
Editeur : Le passager clandestin

Première page d’Aucune femme au monde

« Elle avait été la plus ravissante créature dont les ondes aient jamais propagé l’image. John Harris, son imprésario de ce temps-là, se remémora avec obstination la beauté qui avait été la sienne tout en montant par l’ascenseur silencieux vers la pièce où Deirdre était assise à l’attendre.
Depuis l’incendie de la salle de spectacle qui l’avait anéantie un an auparavant, il n’avait jamais pu se laisser franchement aller à évoquer sa beauté, sauf quand une vieille affiche, à demi déchirée, venait lui mettre son visage sous les yeux, ou quand une émission commémorative larmoyante faisait surgir son image sans qu’il s’y attende sur l’écran du téléviseur. Mais à présent il était obligé de se souvenir. »

Extrait de : C. L. Moore. « Aucune femme au monde. »

Nous mourons nus par J. Blish

Fiche de Nous mourons nus

Titre : Nous mourons nus
Auteur : J. Blish
Date de parution : 1969
Traduction : B. Martin
Editeur : Le passager clandestin

Première page de Nous mourons nus

« Quand Alexei-Aub Kehoe Salvia Soleil-Lune-Lac Stewart, de San Diego, sortit pour déjeuner, il trouva une demi-douzaine d’hommes munis de marteaux piqueurs en train de défoncer la rue devant l’immeuble ; les lames aiguës des outils découpaient en molles plaques rectangulaires l’asphalte qui se soulevait en lentes bulles. Le tintamarre était effrayant et une ronde nombreuse de moins de vingt ans dansait à son rythme, protégée des risques de la circulation par les barricades que la police avait dressées en travers des deux accès au pâté de maisons. Sous leurs masques à gaz, ils évoquaient après un instant d’actifs tâtonnements mentaux une gravure sur bois de la Totentanz par Hans Holbein le Jeune.
Non qu’il fût lui-même beau à voir, même sans masque à gaz, mais il s’y était résigné depuis longtemps. Il avait les cheveux blonds mais rien d’un Viking… En fait, il était plutôt petit par rapport aux normes modernes de sous-alimentation, et pire encore, il était grassouillet, ce qui lui attirait de la part des gens ces regards de haine et d’envie mêlées que ressentent les sous-alimentés envers ceux qu’ils soupçonnent de se bourrer au râtelier public. »

Extrait de : J. Blish. « Nous mourrons nus. »

Le temps d’un souffle, je m’attarde par R. Zelazny

Fiche de Le temps d’un souffle, je m’attarde

Titre : Le temps d’un souffle, je m’attarde
Auteur : R. Zelazny
Date de parution : 1966
Traduction : J. Bailhache
Editeur : Le passager clandestin

Première page de Le temps d’un souffle, je m’attarde

« On l’appelait Gel. C’était la plus belle, la plus puissante, la plus difficile à comprendre de toutes les créations de Solcom.
C’est pourquoi il portait un nom, et c’est pourquoi on lui avait confié l’empire d’une moitié de la Terre.
Le jour où Gel fut créé, Solcom avait souffert d’une discontinuité de ses fonctions complémentaires s’apparentant à la folie. Elle avait été causée par une éruption solaire sans précédent qui dura un peu plus de trente-six heures. Elle se produisit pendant une phase vitale de la structuration des circuits, et quand elle fut terminée Gel le fut aussi.
Solcom était ainsi dans la situation unique d’avoir créé un être unique pendant une période d’amnésie temporaire. »

Extrait de : R. Zelazny. « Le temps d’un souffle, je m’attarde. »

A voté par I. Asimov

Fiche d’A voté

Titre : A voté
Auteur : I. Asimov
Date de parution : 1955
Traduction : D. Hersant
Editeur : Le passager clandestin

Première page d’A voté

« Linda, dix ans, était la seule personne de la famille qui semblât prendre plaisir à être ré­veillée. Norman Muller l’entendait, en ce moment, à travers la torpeur cotonneuse et malsaine dans laquelle il était plongé. Il avait enfin réussi à s’endormir une heure auparavant, mais c’était d’épuisement plus que de sommeil. Maintenant, la fillette était à son chevet et le secouait en criant :
« Papa, papa, réveille-toi. Réveille-toi !
— Ça va, Linda, murmura-t-il en réprimant un grognement.
— Mais, papa, il y a des policiers partout… plus que d’habitude. Des cars pleins d’agents et tout ça…  »

Extrait de : I. Asimov. « A voté. »

La vague montante par M. Zimmer Bradley

Fiche de La vague montante

Titre : La vague montante
Auteur : M. Zimmer Bradley
Date de parution : 1995
Traduction : E. Vonarburg
Editeur : Le passager clandestin

Première page de La vague montante

« À la seconde près, grâce au chronomètre de bord, grâce aussi au bourdonnement presque imperceptible émis par l’écran avertisseur, Brian Kearns sut quand les limites de tolérance du champ gravitationnel avaient été atteintes. Il s’accorda une marge de sécurité d’une bonne dizaine de secondes – c’était un jeune homme à l’esprit pratique et méthodique, il lui avait fallu douze ans pour s’entraîner à cette tâche, et il l’avait pratiquée pendant quatre ans et demi. Il détacha enfin les courroies de sa couchette, une nacelle semblable à un nid qui se balançait librement, et où il s’était tenu allongé, attentif aux seuls mouvements, aux seuls bruits de ses complexes instruments de contrôle. Comme une mouche, il se déplaça patiemment, centimètre par centimètre, le long de la paroi puis, en se retenant à une poignée, il tourna vers l’extrême gauche un commutateur bien particulier. »

Extrait de : M. Zimmer Bradley. « La vague montante. »

La tour des damnés par B. W. Aldiss

Fiche de La tour des damnés

Titre : La tour des damnés
Auteur : B. W. Aldiss
Date de parution : 1972
Traduction : G. Abadia
Editeur : Le passager clandestin

Première page de La tour des damnés

« Quel est donc ce poème, demanda Thomas Dixit, où il est question de “cavernes aux profondeurs à jamais insondables par l’homme” ? » Mais sa voix résonna dans l’enfilade des cavernes et la question resta sans réponse. Quelques pas plus loin, perdu dans ses propres pensées, Peter Crawley le suivait sans mot dire.
Cela faisait plus d’un an que Dixit avait effectué ici son séjour forcé. Il s’était octroyé quelques jours de congé, à la réserve où il travaillait, pour venir accomplir ce dernier pèlerinage avant la démolition totale. Il régnait encore une certaine activité dans ce qui restait des immenses structures de béton. Des techniciens, hindous pour la plupart, munis parfois de projecteurs individuels, transportaient des instruments. Des câ­bles traînaient un peu partout. Mais l’impression générale de désolation provenait surtout de l’usure prolongée visible sur toutes les surfaces. Partout des flots de population étaient passés, comme un torrent dans une caverne souterraine ; et partout, comme un torrent, leur vie s’était enfuie, oubliée, loin des regards du monde. »

Extrait de : B. W. Aldiss. « La tour des damnés. »