Étiquette : Lem
Solaris de S. Lem
Fiche de Solaris
Titre : Solaris
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1961
Traduction : J.-M. Jasienko
Editeur : Gallimard
Première page de Solaris
« À dix-neuf heures, temps du bord, je me dirigeai vers l’aire de lancement. Autour du puits, les hommes se rangèrent pour me laisser passer ; je descendis l’échelle et pénétrai à l’intérieur de la capsule.
Dans l’habitacle étroit, je pouvais difficilement écarter les coudes. Je fixai le tuyau de la pompe à la valve de mon scaphandre, qui se gonfla rapidement. Désormais, il m’était impossible de faire le moindre mouvement ; j’étais là, debout, ou plutôt suspendu, enveloppé de mon survêtement pneumatique et incorporé à la carapace métallique.
Je levai les yeux ; au-dessus du globe transparent, je vis une paroi lisse et, tout en haut, la tête de Moddard, penchée sur l’ouverture du puits. Moddard disparu, ce fut brusquement la nuit ; le lourd cône protecteur avait été mis en place. J’entendis, huit fois répété, le bourdonnement des moteurs électriques qui tournaient les écrous, puis le sifflement de l’air comprimé dans les amortisseurs. »
Extrait de : S. Lem. « Solaris. »
Retour des étoiles par S. Lem
Fiche de Retour des étoiles
Titre : Retour des étoiles
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1968
Traduction : M. de Wieysa
Editeur : Denoël
Première page de Retour des étoiles
« Je n’avais aucun vêtement, même pas de manteau. Ils avaient dit que ça ne valait pas la peine. Ils ne m’autorisèrent qu’à garder mon pull-over noir, ça pourrait aller. Et je dus me bagarrer pour la chemise. Je leur dis que je m’habituerais petit à petit. Au milieu du passage, sous le ventre du navire, nous nous arrêtâmes, bousculés, Abs me tendit sa dextre avec un sourire entendu.
— Sois prudent…
De ça aussi, je me souvenais. Je ne lui écrasai pas les doigts. J’étais tout à fait tranquille. Il voulut dire encore quelque chose. Je lui épargnai cette peine en me retournant, comme si je n’avais rien remarqué. Je pris l’escalier pour monter dans le vaisseau. L’hôtesse me conduisit vers l’avant entre les rangées de fauteuils. Je ne voulais pas de cabine séparée. Je me demandais s’ils l’avaient mise au courant. Le fauteuil s’ouvrit silencieusement. Elle arrangea le dossier, me sourit et partit. Je m’assis. »
Extrait de : S. Lem. « Retour des étoiles. »
Mémoires trouvés dans une baignoire par S. Lem
Fiche de Mémoires trouvés dans une baignoire
Titre : Mémoires trouvés dans une baignoire
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1961
Traduction : D. Sila, A. Labedzka
Editeur : Calmann-Lévy
Première page de Mémoires trouvés dans une baignoire
« … il me fut impossible de trouver la pièce correspondant au numéro qui figurait sur mon laissez-passer. J’arrivai d’abord au Service de Véristique, puis à celui de Désinformation. Un employé de la Section des Pressions me conseilla de monter au huitième étage, mais là-bas, personne ne daigna faire attention à moi. Je m’égarai parmi une foule de militaires ; tous les couloirs résonnaient du bruit de leur pas cadencé, du claquement des portes et des talons. À ces rumeurs martiales se mêlait un tintement cristallin et confus comme celui des clochettes d’un traîneau. De temps à autre, des garçons de salle passaient, portant des bouilloires fumantes. Il m’arrivait d’entrer par erreur dans les lavabos où des secrétaires rectifiaient hâtivement leur maquillage. Parfois, des espions déguisés en liftiers engageaient la conversation avec moi. L’un d’eux, muni d’une prothèse d’invalide, me conduisit tant de fois, d’étage en étage, qu’il finit par me faire signe de loin et renonça même à me photographier avec l’appareil qu’il portait comme un œillet à la boutonnière. »
Extrait de : S. Lem. « Mémoires trouvés dans une baignoire. »
Les aventures du pilote Pirx par S. Lem
Fiche de Les aventures du pilote Pirx
Titre : Les aventures du pilote Pirx
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1965
Traduction : C. Zaremba
Editeur : Actes Sud
Sommaire de Les aventures du pilote Pirx
- Le test
- La patrouille
- L’albatros
- Terminus
- Le réflexe conditionnel
- La traque
- L’accident
- Le récit de Pirx
- Le procès
- Ananké
Première page de Les aventures du pilote Pirx
« Cadet Pirx !”
La voix de Piste-bleue le tira de sa rêverie. Il imaginait justement qu’une pièce de deux couronnes en argent se cachait dans la poche gousset du vieux pantalon civil qui traînait au fond de son placard. Sonnante et trébuchante, oubliée là. Il savait pertinemment que ce n’était pas le cas, qu’il y trouverait tout au plus un vieux reçu postal, mais il voulait croire qu’elle y était, et au moment où Piste-bleue avait prononcé son nom, il en était déjà tout à fait sûr. Il en sentait nettement le contour, la voyait prendre ses aises dans sa poche. Il pourrait aller au cinéma, et n’en aurait dépensé que la moitié. Et s’il se contentait des actualités, il lui en resterait une et demie, il en garderait une pour plus tard, et mettrait le reste dans une machine à sous. Si alors celle-ci s’enrayait et déversait des pièces, il aurait à peine le temps de les fourrer dans ses poches tant leur flot serait abondant… C’était bien arrivé à Smiga ! Il ployait justement sous le poids de cette fortune inattendue quand Piste-bleue l’appela. »
Extrait de : S. Lem. « Les Aventures du pilote Pirx. »
Le rhume par S. Lem
Fiche de Le rhume
Titre : Le rhume
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1976
Traduction : D. Sila
Editeur : Calmann-Lévy
Première page de Le rhume
« Le dernier jour me parut incroyablement long. Ce n’était pas le trac ; je n’avais pas peur. D’ailleurs il n’y avait rien à craindre. Je me sentais constamment seul dans cette foule où l’on parlait plusieurs langues. Personne ne faisait attention à moi. Mes protecteurs ne se montraient guère. Au demeurant, je ne les connaissais même pas. Je ne croyais pas non plus attirer sur moi une malédiction en dormant dans le pyjama d’Adams, en me rasant avec son appareil ou en marchant sur ses traces le long de la baie. C’est pourquoi j’aurais dû me sentir soulagé à la pensée d’abandonner dès le lendemain cette mascarade. Je ne redoutais pas d’embuscade sur le chemin du retour : sur l’autoroute, personne n’avait touché à un cheveu de sa tête. Je ne devais passer qu’une nuit à Rome, sous protection spéciale. Tout cela, me disais-je en essayant de me convaincre, parce que j’ai hâte d’en finir ; l’opération est un fiasco. Mais j’avais beau me raisonner, je m’écartais sans cesse du programme fixé. »
Extrait de : S. Lem. « Le Rhume. »
Le masque par S. Lem
Fiche de Le masque
Titre : Le masque
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1968
Traduction : L. Dyèvre
Editeur : Presses Pocket
Sommaire de Le masque
- La formule de Lymphater
- L’invasion aldebaranaise
- Cent trente-sept secondes
- La vérité
- Deux jeunes gens
- Le masque
- Journal
Première page de La formule de Lymphater
« PARDON monsieur… Un moment s’il vous plaît. Excusez-moi d’être importun, si, si, je le sais, mon allure… mais je suis contraint de demander… Ah non ! Non, non, pas du tout ! C’est un malentendu. Je vous ai suivi ? Oui, c’est vrai. Depuis la librairie, mais c’est seulement parce que je vous ai vu par la vitrine… Vous étiez en train d’acheter les revues Biophysics et Abstractions… et quand vous vous êtes installé ici, je me suis dit que c’était une occasion extraordinaire… Si vous me permettiez d’y jeter un coup d’œil, aux deux mais surtout à Abstractions. Pour moi, c’est vital mais je ne peux pas me les offrir. D’ailleurs ça se voit, n’est-ce pas ? J’y jette un coup d’œil et je vous les rends tout de suite, ça ne durera pas longtemps. J’ai seulement à vérifier quelque chose, une note bien précise. »
Extrait de : S. Lem. « Le Masque. »
Le bréviaire des robots par S. Lem
Fiche de Le bréviaire des robots
Titre : Le bréviaire des robots
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1961
Traduction : A. Posner
Editeur : Denoël
Sommaire de Le bréviaire des robots
- L’ami
- L’obscurité et la moisissure
- Le marteau
- Le bréviaire des robots
Première page de L’ami
« Je me rappelle encore les circonstances dans lesquelles j’ai connu M. Harden. Ce fut deux semaines après ma nomination d’assistant de l’instructeur de notre club. Je considérais cette nomination comme un grand mérite, car j’étais le plus jeune membre du club, et l’instructeur, M. Egger, me déclara d’emblée, le premier jour de mon engagement, que j’étais suffisamment intelligent et que je connaissais assez bien le bazar (il s’exprima ainsi) pour assurer le service tout seul. Naturellement, il tourna tout de suite les talons. Je devais prendre le service tous les deux jours, de 16 heures à 18 heures, donner des informations techniques aux membres du club et distribuer les cartes Q.D.R. sur présentation des reçus de cotisations payées. Comme je viens de le dire, j’étais très heureux de cet emploi, mais je me rendis compte très vite que mes fonctions ne nécessitaient pas du tout de connaître la radiotechnique car personne ne demandait aucune information. »
Extrait de : S. Lem. « Le bréviaire des robots. »
La voix du maître par S. Lem
Fiche de La voix du maître
Titre : La voix du maître
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1968
Traduction : A. Posner
Editeur : Denoël
Première page de La voix du maître
« Je scandaliserai sans doute maints lecteurs en disant ce qui suit, mais je considère que c’est mon devoir. Jamais encore je n’ai écrit de livre de ce genre, et comme ce n’est pas la coutume qu’un mathématicien fasse des confidences d’ordre personnel en tête d’un ouvrage, j’aurais pu sans doute m’en dispenser.
Des circonstances indépendantes de ma volonté m’ont mêlé à des événements que je désire relater. Les raisons pour lesquelles je fais précéder ce récit d’une sorte de profession de foi s’éclaireront par la suite. Lorsqu’on veut parler de soi, il faut choisir un système de références ; ce sera, si vous le voulez bien, la dernière biographie qui m’a été consacrée, due à la plume du professeur Harold Yowitt. Celui-ci me qualifie d’esprit supérieur parce que je me suis toujours attaqué aux problèmes les plus difficiles parmi ceux qui nous sont aujourd’hui accessibles. »
Extrait de : S. Lem. « La voix du maître. »
La cybériade par S. Lem
Fiche de La cybériade
Titre : La cybériade
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1965
Traduction : D. Sila
Editeur : Denoël
Sommaire de La cybériade
- Comment le monde échappa à la ruine
- La machine de Truri
- La grande rossée
- Les sept croisades de Truri et Clapaucius
- Histoire des trois machines à raconter du roi Génialain
- L’Atruizine ou l’histoire véridique de l’ermite Bonnas lequel voulut faire le bonheur de l’univers et ce qui s’ensuivit
Première page de Comment le monde échappa à la ruine
« Le grand constructeur Trurl conçut un jour une machine qui savait faire tout ce qui commençait par la lettre n. Lorsqu’elle fut prête, afin de la mettre à l’épreuve, il lui demanda de confectionner des nattes, de les nouer avec du nylon – qu’elle-même venait de fabriquer – puis de jeter le tout dans une niche entourée de nappes, de navettes et de nacre. La machine exécuta ces ordres à la lettre. Cependant, n’étant point encore tout à fait assuré de son bon fonctionnement, il lui ordonna de produire tour à tour des nimbes, des nefs, des nacelles, des neutrons, des nez, des nymphes et du natrium. Mais elle ne sut guère exécuter la dernière de ces tâches, et Trurl, fort contrarié, lui demanda des explications.— J’ignore ce qu’est le natrium, répondit la machine, je n’en ai jamais entendu parler.— Allons bon ! Mais c’est du sodium, voyons ! Un métal, un élément chimique… »
Extrait de : S. Lem. « La Cybériade. »
L’invincible par S. Lem
Fiche de L’invincible
Titre : L’invincible
Auteur : S. Lem
Date de parution : 1964
Traduction : G. Posner
Editeur : Pocket
Première page de L’invincible
« LA PLUIE NOIRE
L’Invincible, croiseur de seconde classe, la plus grande unité dont disposait la Base installée dans la constellation de la Lyre, suivait une trajectoire photonique à l’extrême bord de la constellation. Les quatre-vingt-trois hommes de l’équipage dormaient dans l’hibernateur en tunnel du pont central. Comme la traversée était relativement courte, au lieu d’une hibernation complète, on avait eu recours à un sommeil renforcé où la température du corps ne tombait pas en dessous de dix degrés. Dans le poste de pilotage, seuls les appareils automatiques travaillaient. Dans leur champ de vision, sur le réticule du viseur, s’étalait le disque du soleil, guère plus chaud qu’une simple naine rouge. Lorsque sa circonférence occupa la moitié de la largeur de l’écran, la réaction annihilatrice de matière fut arrêtée. Pendant quelque temps, un silence de mort régna dans tout le vaisseau. »
Extrait de : S. Lem. « L’invincible. »