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Poèmes tardifs par M. Atwood

Fiche de Poèmes tardifs

Titre : Poèmes tardifs
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 2020
Traduction : C. Evain, B. Doucey
Editeur : Robert Laffont

Première page de Poèmes tardifs

« Voici des poèmes tardifs.
La plupart des poèmes arrivent tard,
bien sûr : trop tard,
comme une lettre envoyée par un marin
qui arrive après qu’il s’est noyé.
 
Trop tard pour être utiles, de telles lettres,
et il en va de même pour les poèmes tardifs.
Ils arrivent comme apportés par l’eau.
 
Quoi qu’il en soit, c’est déjà fait :
la bataille, le jour ensoleillé et joyeux, la chute dans la luxure
au clair de lune, les mots d’adieu. Le poème
s’échoue sur le rivage comme une épave.
 
… »

Extrait de : M. Atwood. « Poèmes Tardifs. »

Oeil de chat par M. Atwood

Fiche de Oeil de chat

Titre : Oeil de chat
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 1988
Traduction : H. Filion
Editeur : Robert Laffont

Première page de Oeil de chat

« Le temps n’est pas une ligne, mais une dimension ; comme les dimensions de l’espace. Si l’on peut modifier l’espace, on peut aussi modifier le temps. Et si l’on en savait suffisamment, on pourrait aller plus vite que la lumière, remonter dans le temps, et exister à deux endroits à la fois.
C’est mon frère Stephen qui m’a appris cela, à l’époque où il enfilait son chandail rouge foncé effiloché pour étudier et se tenait sur la tête afin que le sang irrigue mieux son cerveau et le nourrisse. Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire, alors, mais peut-être ne l’expliquait-il pas très bien. Il prenait déjà ses distances par rapport à l’imprécision des mots. »

Extrait de : M. Atwood. « Oeil-de-chat. »

Neuf contes par M. Atwood

Fiche de Neuf contes

Titre : Neuf contes
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 2014
Traduction : P. Dusoulier
Editeur : Robert Laffont

Sommaire de Neuf contes

  • Alphinland
  • Revenante
  • La dame en noir
  • Lusus naturae
  • Le marié lyophilisé
  • Je rêve de Zenia aux dents rouges et brillantes
  • La main morte t’aime
  • Matelas de pierre
  • Les vieux au feu

Première page de Alphinland

« La pluie verglaçante tombe telles des poignées de riz scintillantes lancées sur des mariés invisibles. Partout où elle s’abat, elle se cristallise en une fine couche de glace granuleuse. À la lueur des réverbères, le spectacle est féerique, comme si la rue se parait d’argent, songe Constance. Mais c’est normal qu’elle le pense : elle est bien trop portée sur les enchantements. La beauté est une illusion, une mise en garde aussi, car la beauté a une face sombre, comme les papillons venimeux. Elle devrait penser aux dangers, aux risques, aux malheurs que cette tempête de glace va infliger à tant de gens. Qu’elle leur inflige déjà, d’après les bulletins d’information.
Sa télévision est un modèle à écran plat, haute définition, qu’Ewan avait acheté pour regarder les matchs de hockey et de football. »

Extrait de : M. Atwood. « Neuf contes. »

Mort en lisière par M. Atwood

Fiche de Mort en lisière

Titre : Mort en lisière
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 1991
Traduction : F. Dupuigrenet-Desroussilles
Editeur : Robert Laffont

Première page de Mort en lisière

« Les serveuses se dorent au soleil comme une troupe d’otaries écorchées, leurs corps rose et brun tout luisants d’huile solaire. Elles ont gardé leurs maillots de bain parce que c’est l’après-midi. Aux premières lueurs de l’aube, ou bien au crépuscule, il arrive qu’elles aillent se baigner toutes nues – rester accroupis en proie à mille démangeaisons, au milieu des buissons infestés de moustiques qui se trouvent en face du ponton qui leur est réservé, devient alors infiniment plus attrayant.
C’est Donny qui tient les jumelles. Elles ne sont pas à lui mais à Monty. Le père de Monty les lui a données pour observer les oiseaux, mais Monty ne s’intéresse pas aux oiseaux. Il a découvert qu’on pouvait tirer des jumelles un meilleur profit en les louant aux autres garçons, cinq minutes maximum, pour cinq cents le coup d’œil ou alors une barre de chocolat de la cantine, bien qu’il préfère l’argent. »

Extrait de : M. Atwood. « Mort en lisière. »

Le tueur aveugle par M. Atwood

Fiche de Le tueur aveugle

Titre : Le tueur aveugle
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 2000
Traduction : M. Albaret-Maatsch
Editeur : Robert Laffont

Première page de Le tueur aveugle

« Dix jours après la fin de la guerre, ma sœur Laura se jeta d’un pont au volant d’une voiture. Le pont était en réfection : elle continua tout droit, malgré le panneau Danger. La voiture décrivit une chute de trente mètres dans le ravin, s’écrasa sur la cime des arbres couverts de feuilles nouvelles et prit feu avant de poursuivre sa chute jusqu’au petit cours d’eau tout au fond. Des éléments du pont s’abattirent dessus. Hormis des débris calcinés, il ne resta pas grand-chose de ma sœur.

J’appris l’accident par un policier la voiture m’appartenait et la plaque d’immatriculation leur avait permis de remonter jusqu’à moi. Il s’exprimait sur un ton respectueux – il avait certainement reconnu le nom de Richard. »

Extrait de : M. Atwood. « Le Tueur Aveugle. »

La vie avant l’homme par M. Atwood

Fiche de La vie avant l’homme

Titre : La vie avant l’homme
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 1979
Traduction : M. Véron
Editeur : Robert Laffont

Première page de La vie avant l’homme

« Je ne sais pas comment je devrais vivre. Je ne sais pas comment on devrait vivre. Je sais seulement comment je vis. Je vis comme un escargot privé de sa coquille. Et ce n’est pas un moyen de gagner de l’argent.

Je veux qu’on me rende ma coquille, j’ai mis assez longtemps à la fabriquer. Tu l’as emportée, où que tu sois désormais. Tu as bien su me l’ôter. Je veux une coquille comme une robe à sequins, faite de piécettes argentées et de dollars se chevauchant comme les écailles d’une armadille. L’arme à gauche. Imperméable ; comme un ciré breton.

Je voudrais bien n’avoir pas à penser à toi. Tu as voulu m’impressionner ; eh bien je ne suis pas impressionnée, seulement écœurée. C’était dégoûtant de faire cela. Et puéril. Et idiot. Comme de fracasser une poupée dans un moment de fureur, mais toi, c’est ta tête que tu as fracassée. »

Extrait de : M. Atwood. « La vie avant l’homme. »

L’odyssée de Pénélope par M. Atwood

Fiche de L’odyssée de Pénélope

Titre : L’odyssée de Pénélope
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 2005
Traduction : L. Saint-Martin, P. Gagné
Editeur : Robert Laffont

Première page de L’odyssée de Pénélope

« Dans la vie, tout est question de point de vue : c’est souvent celui qui raconte l’histoire qui emporte le morceau car, en l’absence de récit contradictoire, on est bien obligé de le croire sur parole.
Et c’est ainsi que, depuis vingt-neuf siècles, un homme se taille la part du lion dans l’une des plus grandes épopées qui soient : l’Odyssée. Non qu’Ulysse, puisqu’il s’agit de lui, soit toujours le narrateur. Mais quand il l’est, égrenant par le menu la liste de ses exploits à ses hôtes ébahis, quel festival d’autocélébration ! Sa victoire sur l’horrible Polyphème, le cyclope mangeur d’hommes ? C’est grâce à sa ruse, à son génie, à sa vaillance ! La délivrance de ses compagnons changés en porcs par l’ensorceleuse Circé ? »

Extrait de : M. Atwood. « L’Odyssée de Pénélope. »

J’ai faim de toi par M. Atwood

Fiche de J’ai faim de toi

Titre : J’ai faim de toi
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 2018
Traduction : P. Dusoulier
Editeur : Robert Laffont

Première page de J’ai faim de toi

« Stan ouvre le grand casier vert et y range les vêtements qu’il a portés : les shorts, les tee-shirts, les jeans, les tenues d’été. Il ne va pas les remettre avant un moment : quand il reviendra ici, la saison chaude sera probablement terminée, et il passera aux pulls en polaire. Il aura moins à s’occuper de la pelouse, ce qui est un plus. La pelouse sera quand même en piteux état… Il y a des gens qui n’ont pas le sens des pelouses. Ils les laissent se transformer en paillassons et se dessécher, et alors les fourmis jaunes s’y mettent, et ça demande un sacré boulot pour rattraper tout ça. S’il était ici tout le temps, il pourrait maintenir la pelouse en parfait état. Mais les choses étant ce qu’elles sont, il est constamment en mode réparation.Ses vêtements ont tous été lavés et soigneusement pliés. Sa femme, Charmaine, a fait la lessive en dernier, avant de prendre son scooter pour se rendre au quartier des femmes de Positron. »

Extrait de : M. Atwood. « J’ai faim de toi. »

Graine de sorcière par M. Atwood

Fiche de Graine de sorcière

Titre : Graine de sorcière
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 2016
Traduction : M. Albaret-Maatsch
Editeur : Robert Laffont

Première page de Graine de sorcière

« Felix se brosse les dents. Puis il se brosse les autres, les fausses, et les remet en place. Il a beau appliquer une bonne couche de crème adhésive, elles tiennent mal ; peut-être que sa bouche rétrécit. Il sourit : sourire illusoire. Simulacre, duperie, mais qui le remarquera ?
Avant, il aurait appelé son dentiste pour prendre rendez-vous, et il aurait eu droit à une luxueuse chaise en similicuir, à un visage attentif exhalant le bain de bouche mentholé, à des mains expertes maniant des instruments étincelants. Ah, je vois le problème. Ne vous inquiétez pas, on va vous arranger ça. Pareil que quand on va faire réviser sa bagnole. Peut-être même qu’il aurait eu le privilège d’avoir de la musique dans ses écouteurs et un cachet pour l’assommer à moitié. »

Extrait de : M. Atwood. « Graine de sorcière. »

Captive par M. Atwood

Fiche de Captive

Titre : Captive
Auteur : Margaret Atwood
Date de parution : 1996
Traduction : M. Albaret-Maatsch
Editeur : Robert Laffont

Première page de Captive

« Entre les gravillons poussent des pivoines. Elles surgissent à travers le tapis de cailloux gris, tandis que leurs boutons, pareils à des yeux d’escargot, sondent l’air, se gonflent, puis s’ouvrent en d’énormes fleurs rouge sombre, brillantes et lustrées comme du satin. Ensuite, elles se défont brutalement et tombent par terre.

Durant cet instant unique où elles vont se défaire, elles ressemblent aux pivoines du jardin de devant de M. Kinnear, le premier jour, sauf que celles-là étaient blanches. Nancy était en train de les cueillir. Elle portait une robe claire semée de boutons de rose roses avec une jupe à triples volants et une capote de paille qui lui cachait la figure. Elle tenait un panier à fond plat où elle mettait les fleurs ; elle se penchait en inclinant le buste, comme une dame, en restant bien raide. Quand elle nous entendit et qu’elle se tourna pour voir ce qu’il se passait, elle porta la main à sa gorge comme si elle était surprise. »

Extrait de : M. Atwood. « Captive. »