Auteur/autrice : CH91

 

Polichinelle par Charles Nodier

Fiche de Polichinelle

Titre : Polichinelle
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1834
Editeur : BnF

Première page de Polichinelle

« Polichinelle est un de ces personnages tout en dehors de la vie privée, qu’on ne peut juger que par leur extérieur, et sur lesquels on se compose par conséquent des opinions plus ou moins hasardées, à défaut d’avoir pénétré dans l’intimité de leurs habitudes domestiques. C’est une fatalité attachée à la haute destinée de Polichinelle. Il n’y a point de grandeur humaine qui n’ait ses compensations.

Depuis que je connais Polichinelle, comme tout le monde le connaît, pour l’avoir rencontré souvent sur la voie publique dans sa maison portative, je n’ai pas passé un jour sans désirer de le connaître mieux, mais ma timidité naturelle, et peut être aussi quelque difficulté qui se trouve à la chose, m’ont empêché d’y réussir. Mes ambitions ont été si bornées que je ne me rappelle pas qu’il me soit arrivé, en ce genre, d’autre désappointement, et je n’en conçois point de comparable à l’inconsolable douleur que celui-ci me laisserait au dernier moment, si j’ai le malheur d’y parvenir sans avoir joui d’un entretien familier de Polichinelle, en audience particulière. »

Extrait de : C. Nodier. « Polichinelle – Paris ou le Livre des Cent-et-Un. »

Mademoiselle de Marsan par Charles Nodier

Fiche de Mademoiselle de Marsan

Titre : Mademoiselle de Marsan
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1894
Editeur : BnF

Première page de Mademoiselle de Marsan

« Parmi les anciens émigrés qui m’avaient accueilli à Venise avec bienveillance, en considération de ma qualité de Français, de mes opinions et de mes malheurs, il en était un qui m’inspirait le plus profond sentiment de respect et d’affection. C’était M. de Marsan.M. de Marsan, dont quelques vieux courtisans se souviennent peut-être, avait été un des plus brillants officiers de la maison militaire de Louis XVI. Sa belle figure, ses belles manières, son esprit, son courage, l’avaient fait remarquer dans un temps et dans une cour où ces heureuses recommandations personnelles n’étaient pas fort rares. Il leur dut un avancement rapide qui n’excita aucune réclamation, et un établissement considérable que tout le monde approuva. Sa fille, née en 1788, fut tenue sur les fonts de baptême, au nom de la reine de France, par celle des amies de cette auguste et infortunée souveraine qui jouissait du crédit le mieux affermi à Versailles. La fille de M. de Marsan s’appelait Diana. »

Extrait de : C. Nodier. « Mademoiselle de Marsan. »

Les sept châteaux du Roi de Bohême par Charles Nodier

Fiche de Les sept châteaux du Roi de Bohême

Titre : Les sept châteaux du Roi de Bohême
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1852
Editeur : BnF

Première page de Les sept châteaux du Roi de Bohême

« Si l’on cherche comment dut procéder l’imagination de l’homme dans le choix de ses premières jouissances, on arrivera naturellement à croire que la première littérature, esthétique par nécessité plutôt que par choix, se renferma longtemps dans l’expression naïve de la sensation. Elle compara un peu plus tard les sensations entre elles, elle se plut à développer les descriptions, à saisir les côtés caractéristiques des choses, à suppléer aux mots par les figures. Tel est l’objet de la poésie primitive. Quand ce genre d’impression fut modifié et presque usé par une longue habitude, la pensée s’éleva du connu à l’inconnu. Elle approfondit les lois occultes de la société, elle étudia les ressorts secrets de l’organisation universelle ; elle écouta, dans le silence des nuits, l’harmonie merveilleuse des sphères, elle inventa les sciences contemplatives et les religions. Ce ministère imposant fut l’initiation du poëte au grand ouvrage de la législation. »

Extrait de : C. Nodier. « Les Sept Châteaux du roi de Bohême. »

Les monuments expiatoires par Charles Nodier

Fiche de Les monuments expiatoires

Titre : Les monuments expiatoires
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1832
Editeur : BnF

Première page de Les monuments expiatoires

« C’était l’autre jour. Je me promenais au hasard, suivant ma coutume, préoccupé par des questions d’une grave importance pour la conduite de la vie, comme de savoir par quel étrange mystère de transmutation les chenilles vertes et jaunes deviennent des papillons rouges et bleus ; ou bien quel autre artifice, encore mieux approprié à la circonstance, le Chat Botté aurait pu employer pour venir à bout de l’ogre magicien. Mais je n’étais guère plus avancé qu’à l’ordinaire sur ces difficultés abstruses, à l’examen desquelles j’ai sottement vieilli, après Aristote, Bacon, Leibnitz, et je ne sais quels autres songe-creux, quand je fus tiré de ma méditation par une rencontre inopinée. Ce n’est pas que l’homme qui m’en détourna vînt à moi en ligne directe, comme tant de fâcheux de votre connaissance qu’il est impossible d’éviter, à moins de tracer sur le cercle dont ils parcourent le diamètre une tangente de mauvaise grâce, et de vous sauver dessus à califourchon sans regarder derrière vous. »

Extrait de : C. Nodier. « Les Monuments expiatoires. »

Légende de soeur Béatrix par Charles Nodier

Fiche de Légende de soeur Béatrix

Titre : Légende de soeur Béatrix
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1924
Editeur : BnF

Première page de Légende de soeur Béatrix

« Il étoit bien convenu en France, il y a une vingtaine d’années, que tous les trésors de la poésie sont renfermés sans exception dans le Pantheum mythicum de Pomey, et dans le Dictionnaire de la Fable de M. Noël. Un nom inconnu de Phurnutus, une fable ignorée de Paléphate, un récit tendre et touchant qui ne remontoit pas aux Métamorphoses, toute idée qui n’avoit pas passé à la filière éternelle des Grecs et des Romains, étoit réputée barbare. Quand vous en aviez fini avec les Aloïdes, les Phaëiontides, les Méléagrides, les Labdacides, les Danaïdes, les Pélopides, les Atrides, et autres dynasties malencontreuses, fatalement vouées aux Euménides par la docte cabale d’Aristote et surtout par la rime, il ne vous restoit plus qu’un parti à prendre : c’étoit de recommencer, et on recommençoit. La patiente admiration des collèges ne se lassoit jamais de ces beaux mythes qui ne disoient pas la moindre chose à l’esprit et au cœur, mais qui flattaient l’oreille de sons épurés à la douce euphonie des Hellènes. »

Extrait de : C. Nodier. « Légende de sœur Béatrix. »

Le peintre de Salzbourg par Charles Nodier

Fiche de Le peintre de Salzbourg

Titre : Le peintre de Salzbourg
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1803
Editeur : Bibliothèque numérique romande

Première page de Le peintre de Salzbourg

« Oui, tous les événements de la vie sont en rapport avec les forces de l’homme, puisque mon cœur ne s’est pas brisé.
Je me demande encore si ce n’est point quelque mauvais songe qui m’ait apporté ce blasphème : – Eulalie épouse d’un autre ! – et je regarde autour de moi pour m’assurer si je veille ; et je suis désespéré quand je retrouve la nature dans le même ordre qu’auparavant » Il vaudrait mieux que ma raison fût égarée. Quelquefois aussi je voudrais me reposer dans mon courage ; mais voici tout-à-coup cette nouvelle incroyable qui vient retentir à mon oreille, et qui me ressaisit des angoisses de la mort. »

Extrait de : C. Nodier. « Le peintre de Salzbourg. »

Le nouveau Faust et la nouvelle marguerite par Charles Nodier

Fiche de Le nouveau Faust et la nouvelle marguerite

Titre : Le nouveau Faust et la nouvelle marguerite
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1832
Editeur : Bibliothèque numérique romande

Première page de Le nouveau Faust et la nouvelle marguerite

« Ne vous effrayez pas, âmes débonnaires et pieuses, du titre incendiaire de cette historiette.
Je vous atteste que je ne me crois pas damné, et qu’il s’agit tout au plus ici d’un cas de conscience que le moindre absolvo du curé de votre village réglerait à l’amiable ; mais enfin je vieillis vite et bien vite, puisque le monde ne m’amuse plus ; et je ne suis pas fâché d’avoir le cœur net du dernier de mes scrupules.
Je confesse donc que j’ai eu deux grandes et puériles passions dans ma vie, et qu’elles l’ont absorbée tout entière.
La première des deux grandes et puériles passions que j’ai eues dans ma vie, c’était l’envie de me trouver le héros d’une histoire fantastique, de coiffer le chapeau de Fortunatus, de chausser la botte de l’Ogre, ou de percher sottement sur le Rameau d’or, à côté de l’Oiseau bleu.
Vous me direz que ce goût n’est pas excusable dans une créature intelligente qui a fait d’assez bonnes études ; mais c’était ma manie. »

Extrait de : C. Nodier. « Le nouveau Faust et la nouvelle Marguerite. »

Le génie bonhomme par Charles Nodier

Fiche de Le génie bonhomme

Titre : Le génie bonhomme
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1894
Editeur : BnF

Première page de Le génie bonhomme

« Il y avait autrefois des génies. Il y en aurait bien encore, si vous vouliez croire tous ceux qui se piquent d’être des génies ; mais il ne faut pas s’y fier.
Celui dont il sera question ici n’était pas d’ailleurs de la première volée des génies.
C’était un génie d’entresol, un pauvre garçon de génie, qui ne siégeait dans l’assemblée des génies que par droit de naissance, et sauf le bon plaisir des génies titrés.
Quand il s’y présenta pour la première fois, j’ai toujours envie de rire quand j’y pense, il avait pris pour devise de son petit étendard de cérémonie :
 Fais ce que dois, advienne que pourra.
Aussi l’appela-t-on le génie BONHOMME.
Ce dernier sobriquet est resté depuis aux esprits simples et naïfs qui pratiquent le bien par sentiment ou par habitude, et qui n’ont pas trouvé le secret de faire une science de la vertu.
Quand au sobriquet de génie, on en a fait tout ce qu’on a voulu. Cela ne nous regarde pas. »

Extrait de : C. Nodier. « Le Génie Bonhomme. »

Le bibliomane par Charles Nodier

Fiche de Le bibliomane

Titre : Le bibliomane
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1834
Editeur : BnF

Première page de Le bibliomane

« Vous avez tous connu ce bon Théodore, sur la tombe duquel je viens jeter des fleurs, en priant le ciel que la terre lui soit légère.Ces deux lambeaux de phrase, qui sont aussi de votre connaissance, vous annoncent hissez que je me propose de lui consacrer quelques pages de notice nécrologique ou d’oraison funèbre.Il y a vingt ans que Théodore s’était retiré du monde pour travailler ou pour ne rien faire. Lequel des deux, c’était un grand secret. Il songeait, et on ne savait à quoi il songeait. Il passait sa vie au milieu des livres, et ne s’occupait que de livres, ce qui avait donné lieu à quelques-uns de penser qu’il composait un livre qui rendraient tous les livres inutiles, mais ils se trompaient évidemment. Théodore avait tiré trop bon parti de ses études pour ignorer que ce livre est fait il y a trois cents ans. C’est le treizième chapitre du livre premier de Rabelais. »

Extrait de : C. Nodier. « Le Bibliomane. »

La Seine et ses bords par Charles Nodier

Fiche de La Seine et ses bords

Titre : La Seine et ses bords
Auteur : Charles Nodier
Date de parution : 1836
Editeur : BnF

Première page de La Seine et ses bords

« L’HISTOIRE de la SEINE est, beaucoup plus qu’on ne l’imaginerait au premier abord, l’histoire de la France elle-même. Il en est des fleuves comme des nations. Inconnus à leur origine, rien ne révèle, dans la source obscure d’où ils s’échappent, la portée de l’espace qu’ils vont parcourir, et les différentes vicissitudes de leurs cours. Faibles à leurs commencements, ils coulent cependant au gré de la pente qui les entraîne, approfondissant peu a peu leur lit, reculant peu à peu leurs rivages, portant avec eux des désastres ou des bienfaits, la fertilité ou la terreur, jusqu’à ce que, parvenus au plus haut degré d’étendue, de richesse et de splendeur qu’il leur soit permis d’atteindre, et poussés à son terme par leur propre violence, ils se précipitent et disparaissent pour toujours dans l’abîme des mers. Ainsi apparaissent et s’accroissent et finissent les empires. L’histoire de l’homme est tracée partout dans le tableau magique de la nature. »

Extrait de : C. Nodier. « La Seine et ses bords. »