Auteur/autrice : CH91

 

Ici l’infini par Maurice Limat

Fiche de Ici l’infini

Titre : Ici l’infini
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1968
Editeur : Fleuve noir

Première page de Ici l’infini

« Les hommes, du moins ceux qui ont une conscience, passent leur vie à se poser des questions.

Cela varie selon les individus.

Les uns se demandent : comment la Création a-t-elle bien pu se dérouler ? ou : dans quel état se trouvait Pascal la nuit du 23 novembre 1654.

D’autres, plus simplement, se creusent la cervelle pour arriver à boucler leur budget de fin de mois et payer la note de consommation atomique ménagère.

L’un n’empêchant d’ailleurs pas l’autre.

Moi, il ne me reste plus en tout et pour tout que trois questions à résoudre.

Du moins, en ce bas monde, que je vais quitter très prochainement.

Quand ? Comment ? Et qui ?

Je suis seul. Désespérément seul.

Des tas de philosophes ont gémi et ratiociné sur la solitude, cet état qu’ils prétendent
inhérent à la nature humaine. »

Extrait de : M. Limat. « Ici l’Infini. »

Echec au soleil par Maurice Limat

Fiche de Echec au soleil

Titre : Echec au soleil
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1964
Editeur : Fleuve noir

Première page de Echec au soleil

« C’est à des milliards et des milliards de lieues de la Terre…

Il existe un système séparé de notre monde par un nombre impressionnant d’années de lumière. Nombre qui n’a jamais été fixé ni par les cosmonautes ni par tes astronomes, pour l’excellente raison que les uns et les autres ignorent – et vraisemblablement ignoreront longtemps encore – l’existence du soleil Zéo.

Zéo brille donc quelque part dans la galaxie, au-delà de toutes les constellations connues. C’est un système assez réduit, car il ne comprend que deux planètes majeures, Groona et Watsi. Et quelques-unes de ces petites terres de l’espace dénuées d’intérêt, qui routent partout dans le cosmos.

Groona et Watsi sont habitées, depuis des temps immémoriaux. Non par des monstres invraisemblables comme en décrivent certains romanciers. Par des êtres humanoïdes, androïdes, et pour s’exprimer plus simplement par des créatures qui ressemblent de façon précise aux hommes de la Terre, et à tous les hommes que la main du Créateur a semés dans les galaxies, sur les planètes comportant les conditions convenables à leur existence. »

Extrait de : M. Limat. « Échec au Soleil. »

Dô coeur de soleil par Maurice Limat

Fiche de Dô coeur de soleil

Titre : Dô coeur de soleil
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1979
Editeur : Fleuve noir

Première page de Dô coeur de soleil

« Taâ s’était levé de bonne humeur. Il se sentait prêt à répandre ses bienfaisants effets sur ceux qu’il considérait comme ses sujets, peut-être même ses créatures.

Un tel état d’esprit n’était pas quotidien, cependant. Il y avait bien des aurores où Taâ était maussade, refusait ou presque de se montrer, et sans se soucier des malheureux qui l’imploraient les laissait grelotter dans une semi-lumière, blafarde et sinistre, annonciatrice de désespérances.

Les dieux ont de ces caprices…

Mais ce matin-là, vraiment, aurait dû être le prélude à une journée bénéfique. Taâ était disposé à tout faire pour cela, à irradier une clarté glorieuse, fécondant la planète, éveillant l’univers floral, faisant gambader les petits gowers au sol sur leurs six pattes, et caracoler dans le ciel les dells aux ailes immenses et chatoyantes.

Taâ pensait aussi à ses enfants supérieurs, les humains. »

Extrait de : M. Limat. « Do, Coeur de Soleil. »

Dans le vent du cosmos par Maurice Limat

Fiche de Dans le vent du cosmos

Titre : Dans le vent du cosmos
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1962
Editeur : Fleuve noir

Première page de Dans le vent du cosmos

« La panique. C’était la panique sur le monde.

Cela avait commencé très peu de temps auparavant. À quelle heure ? On ne savait exactement. Et on ne savait pas davantage comment cela se manifesterait.

Rod était assis à la terrasse du café. Bien que l’exode eût déjà commencé, il y avait encore beaucoup de gens à Paris. À Paris et dans les autres villes, en dépit de ces milliers, de ces millions d’humains qui fuyaient, sans savoir où ni pourquoi, traqués par cet instinct qui chasse les êtres quand surgit le péril.

Rod était de ceux qui pensaient que cela n’avait plus d’importance. Il était resté. Comme chaque jour, il était venu prendre un Byrrh-cassis au même café, à la même table. Il faisait beau, très chaud. Et il regardait, de l’autre côté de la place Pigalle, la haute baie donnant sur le studio où, selon une tradition très ancienne, des fillettes et des jeunes filles apprenaient à danser. »

Extrait de : M. Limat. « Dans le vent du Cosmos. »

Crucifie le hibou par Maurice Limat

Fiche de Crucifie le hibou

Titre : Crucifie le hibou
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1961
Editeur : Fleuve noir

Première page de Crucifie le hibou

« Il ne pouvait rien faire. Rien.

Témoin impuissant, il assistait au forfait. Il n’était qu’un spectateur. Rien d’autre. Et cependant il croyait sentir en lui toutes les affres de la victime.

Le sang commençait à gicler et il avait l’impression qu’il lui rejaillissait au visage. N’était-ce point des gouttes rouges que ces traces tièdes et humides qu’il sentait sur son épiderme ?

Non. Ce n’était que la sueur. L’angoisse qui jaillissait du tréfonds de son être, qui cherchait à s’extérioriser, à se libérer…

Mais il aurait voulu libérer la victime, l’arracher à ses bourreaux.

Inutile !

Il savait bien qu’il devait y assister jusqu’au bout, à cette abominable forfaiture. Et, dans son âme perturbée, quelque chose se dressait, plus terrible que le supplice, plus atroce que la vision rouge qui le hantait.

La conscience de sa propre culpabilité. Comme si, lui aussi, était en train de participer au crime qui se déroulait devant ses regards horrifiés. »

Extrait de : M. Limat. « Crucifie le hibou. »

Créature des ténèbres par Maurice Limat

Fiche de Créature des ténèbres

Titre : Créature des ténèbres
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1963
Editeur : Fleuve noir

Première page de Créature des ténèbres

« Je viens de commettre mon premier crime…

Je dis bien : crime. Meurtre caractérisé. J’ai tué un homme, volontairement. Dans le but à la fois de détruire un de ces êtres biologiquement vivants que j’exècre désormais, et aussi de frapper de façon violente l’imagination de ses congénères.

Ce n’est pas mon premier forfait. J’en ai déjà d’autres sur ce qu’on ne pourrait appeler sans ironie : ma conscience.

Ceux qui sont de ma nature ne peuvent avoir de conscience. Ils laissent aux pauvres hommes ces petits scrupules mesquins.

Moi, je veux nuire. Et je tue. Je viens de prouver que j’en étais capable.

Quelle étrange satisfaction est en moi, quelle étrange volupté j’ai éprouvée, en assistant à son agonie !

Cela a été rapide et je le regrette. Comme j’aurais aimé prolonger ses souffrances, son angoisse indicible, l’horreur à la fois cérébrale et physique qui l’a pénétré avant qu’il ne sombrât dans le néant.

Mais cela m’a mise en goût de poursuivre. Je connais maintenant mes possibilités, et que ce que j’ai fait auparavant n’était que jeu d’enfant. »

Extrait de : M. Limat. « Créature des ténèbres. »

Chantespectre par Maurice Limat

Fiche de Chantespectre

Titre : Chantespectre
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1963
Editeur : Fleuve noir

Première page de Chantespectre

« — Ai-je bien fait de venir à Chantespectre ?

Cette question, je me la pose depuis mon arrivée. En fait, je m’interrogeais déjà avant de quitter Paris. Et maintenant, en dépit du temps favorable, de l’aimable vallée que je découvre devant moi, je me sens étrangement troublé.

Le domaine est bien situé. Si près de Paris, il ne faut guère plus de deux heures de chemin de fer. Et l’auto m’attendait à la gare. On m’a conduit en dix minutes et je trouvais le trajet agréable. La campagne est verdoyante et on voit fort peu de maisons. Puis j’ai aperçu ce qu’il est convenu d’appeler le manoir.

Une résidence relativement moderne, mais élevée à l’emplacement d’un très ancien château fort. La gentilhommière du comte de Velmor.

Tout de suite, mes appréhensions sont revenues en foule. L’homme qui m’avait conduit en auto devait être payé d’avance. Il a fourré dans sa poche le pourboire que je lui tendais, me disant à peine merci. Visiblement, il avait hâte de s’éloigner. »

Extrait de : M. Limat. « Chantespectre. »

Ceux de la Montagne-de-fer par Maurice Limat

Fiche de Ceux de la Montagne-de-fer

Titre : Ceux de la Montagne-de-fer
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1985
Editeur : Fleuve noir

Première page de Ceux de la Montagne-de-fer

« Les bulles crevaient la mer. Elles s’élevaient gracieusement, en bonds légers, légers, ce qui était surprenant eu égard à leurs dimensions, dimensions telles que chacune enfermait un plongeur. On les voyait monter des profondeurs, globes transparents légèrement irisés au sein desquels un homme nu se recroquevillait en attendant la délivrance.

L’élan qui animait les bulles les projetait au moment où elles débouchaient en surface, si bien qu’elles exécutaient une élégante parabole et claquaient, éclataient littéralement en myriades de gouttelettes qui retombaient dans l’océan en perles étincelantes.

Les rayons solaires semblaient se divertir à jouer du phénomène et c’était un incroyable ruissellement de joyaux fugaces, irréels, nés des caprices de l’onde, alors que la disparition spontanée de la bulle libérait le plongeur, lequel piquait une tête et regagnait le rivage en quelques brasses, riant et tout heureux de sa randonnée sous-marine, heureux surtout en vertu du butin qu’il ramenait. »

Extrait de : M. Limat. « Ceux de la Montagne-de-Fer. »

Cap sur la Terre par Maurice Limat

Fiche de Cap sur la Terre

Titre : Cap sur la Terre
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1977
Editeur : Fleuve noir

Première page de Cap sur la Terre

« Dan Kraft repoussa d’un geste brusque la bande magnétique audiovisuelle que lui tendait le second de l’Altaïr.

— Monsieur Zamiel, fit-il d’un ton sec, veuillez prendre note que je ne tolère pas d’être dérangé quand je suis à la barre de mon navire !

Le lieutenant Zamiel pâlit. Hooro, le pilote nippo-terrien, et Veim le Centaurien qui faisait office d’astronavigateur, demeuraient le nez sur leurs contrôles respectifs et se gardaient bien de paraître s’intéresser à l’incident.

Ils ne connaissaient que trop bien le maître du bord. Eux tout comme l’équipage au complet, état-major compris.

Cependant, Zamiel ne bougeait pas et demeurait, un peu gauche, tenant à la main le message urgent qui venait de parvenir, après le départ de Procyon VIII.

— Veuillez m’excuser, commandant, mais…

— Quoi encore ?

— Ce texte nous est parvenu avec la mention « Ultra-urgent » ! »

Extrait de : M. Limat. « Cap sur la Terre. »

Batelier de la nuit par Maurice Limat

Fiche de Batelier de la nuit

Titre : Batelier de la nuit
Auteur : Maurice Limat
Date de parution : 1962
Editeur : Fleuve noir

Première page de Batelier de la nuit

« Pas même cet enchantement un peu morbide que le brouillard engendre quelquefois dans les journées d’automne et où passent encore les parcelles d’or d’un soleil mourant. Il n’y avait plus rien, semblait-il, dans la nature.
Rien que cet air humide, pesant, désespérément morne.
Jusqu’au moteur de l’auto qui semblait ouaté par le silence ambiant. Guy ne se souvenait pas d’avoir jamais roulé dans de telles conditions.
À un certain moment, il freina, stoppa et sauta à terre. La route, très plate, s’étendait indéfiniment, à perte de vue, implacablement droite. Les arbres qui la bordaient étaient aussi pénibles que le reste. La grisaille s’attachait à eux, noyait les couleurs, ne laissant que des formes imprécises, suant l’ennui et pis encore.
Guy fit quelques pas. Tout était silence. Il ne voyait pas les champs, ou à peine. Le ciel paraissait se confondre avec le sol, à quelques mètres autour de lui et sur l’asphalte glissant, ses pas se perdaient, sans bruit. Il croyait marcher dans un rêve.
Il alluma une cigarette, un peu nerveusement, pour faire diversion. Mais le tabac lui parut sans saveur, comme s’il eût été imprégné de l’humidité universelle. »

Extrait de : M. Limat. « Batelier de la nuit. »