Étiquette : Fleuve noir
Salamandra par Kurt Steiner

Fiche de Salamandra
Titre : Salamandra
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1959
Editeur : Fleuve noir
Première page de Salamandra
« Il ferma les yeux, brusquement, avec force, et maintint contractés les muscles de ses paupières en plissant son front et tout son visage. Ce n’était pas une douleur, mais le choc d’une sensation visuelle à la fois désagréable et soudaine.
D’une telle soudaineté… Comme s’il eût dormi les yeux ouverts en plein soleil, et qu’on l’eût brutalement éveillé. Tel était son état d’esprit. Avec cette différence qu’il n’avait pas dormi. Il le savait.
Il y avait ainsi un certain nombre de choses qu’il n’ignorait pas. Pour la plupart, des souvenirs liés à des sensations confuses. D’autres souvenirs approchaient lentement, venus du fond de sa mémoire. Mais d’abord les traces de sensations maintes fois répétées, bien que pâlies par quelque étrange stupeur.
Une constatation s’imposa : le plastique transparent de son casque n’avait pas été suffisamment obscurci pour tamiser cette lumière effrayante. »
Extrait de : K. Steiner. « Salamandra. »
Pour que vive le diable par Kurt Steiner

Fiche de Pour que vive le diable
Titre : Pour que vive le diable
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1956
Editeur : Fleuve noir
Première page de Pour que vive le diable
« Un grand danger, un abominable danger menace tous les hommes. Je suis le seul actuellement à le connaître, et je veux retracer en détail les affreuses origines de cette menace immense. Il faut que l’on m’écoute. Il faut surtout ne pas hausser les épaules, mais prendre conscience de ce courant silencieux et glacé qui s’infiltre parmi nous. Au reste, quand vous saurez par quelles affres d’agonie j’ai dû passer pour connaître le nocturne complot, il vous faudra bien agir et lutter de toutes vos faibles forces pendant qu’il en est encore temps. Sinon…
Mon nom est Segurol. Christian Segurol.
En ce novembre froid de 1954, je terminais certaines formalités paperassières dont l’Université a le secret, pour retirer un diplôme de licence. Je ne sais quel démon m’avait poussé à étudier en long et en large la philosophie anglaise et le romantisme dans l’œuvre d’Elisabeth Barrett-Browning… Je me rendais compte un peu tard que je ne tirerais pas grand-chose de concret de mes connaissances, à part un vague emploi de répétiteur dans un lointain collège. »
Extrait de : K. Steiner. « Pour que vive le Diable. »
Menace d’outre-terre par Kurt Steiner

Fiche de Menace d’outre-terre
Titre : Menace d’outre-terre
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1958
Editeur : Fleuve noir
Première page de Menace d’outre-terre
« En ce début d’après-midi du 4 juin 1968, un soleil brûlant rougeoyait dans un ciel parfaitement bleu.
Un homme marchait sur la petite route que traverse Milly. Cet homme était jardinier. Il ne se posait pas de questions profondes à propos de l’Univers et se contentait de songer avec amour à une certaine espèce de roses dont il espérait tirer profit durant quelques années encore. Mais, ce qu’il ignorait, c’est que son temps était désormais chichement compté.
Il venait de quitter Milly et marchait sans se presser sur la route, l’esprit un peu alourdi par le brasier du soleil et par un petit marc riche en arôme qu’il savait dénicher.
Il lui restait une vingtaine de mètres à parcourir avant de mourir…
L’événement survint avec une brutalité extraordinaire, effrayante. L’homme s’immobilisa soudain et jeta un cri bref, comme le cri d’un oiseau. Il commença alors à se modifier, mais il était déjà vraisemblablement mort… »
Extrait de : K. Steiner. « Menace d’outre-terre. »
Les océans du ciel par Kurt Steiner

Fiche de Les océans du ciel
Titre : Les océans du ciel
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1967
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les océans du ciel
« L’éclat de rire avait résonné par-dessus les conversations feutrées des assistants, comme un vent d’orage courbe la cime des arbres. Un lourd silence plana dans le salon de réception. Un homme aux cheveux élégamment bleuis posa son coude sur le bar en se retournant, faisant décrire à sa main armée d’un verre de xinn, un gracieux mouvement. Il éleva légèrement la voix pour dire :
— Quel est ce laquais, et comment a-t-il réussi à s’immiscer parmi nous ?
La maîtresse de maison, Lady Mahaut 283, pinça les lèvres pour commenter :
— Ce n’est certes pas moi qui lui ai adressé un message d’invitation. Il faudra que mon mari fasse vérifier le robot-filtreur du hall.
À l’autre bout du salon, un personnage aux épaules de lutteur se retourna à son tour, montrant un visage tourmenté, que balafrait une cicatrice blanche. »
Extrait de : K. Steiner. « Les Océans du Ciel. »
Les improbables par Kurt Steiner

Fiche de Les improbables
Titre : Les improbables
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1965
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les improbables
« Le Salon de réception du premier recteur était vide et silencieux lorsque le visiteur y fut introduit. C’était un homme de petite taille, fort étroit d’épaules, mais dont l’aisance et la singulière agilité donnaient à réfléchir.
Varold fit quelques pas, sans montrer la moindre impatience. Son attitude ne reflétait pas non plus l’humilité anxieuse des petites gens que l’on enferme dans un lieu majestueux en attendant l’heure de l’audience qu’on leur a octroyée. A l’observer, on aurait pu en fait déceler chez lui cette assurance que donne l’environnement d’une demeure ancienne et bien connue.
Il s’approcha de la projection permanente en 3-D du premier recteur, qui se tenait dans un angle, statue animée seulement de quelques mouvements lents et maintes fois répétés. Il s’agissait évidemment d’une image focalisée à partir d’un film circulaire. Varold sourit à l’effigie et lui fit un pied de nez.
— Rite clandestin, geste prohibé, dit derrière lui une voix dépourvue d’humour.
Varold se retourna. Le premier recteur se tenait à l’autre extrémité du salon, symétrique de son image par rapport à une colonne centrale. »
Extrait de : K. Steiner. « Les Improbables. »
Les enfants de l’histoire par Kurt Steiner

Fiche de Les enfants de l’histoire
Titre : Les enfants de l’histoire
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1969
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les enfants de l’histoire
« Iona se retourna lentement sur la couche d’air pulsé pour faire face à Silas.
— Il n’est pas seul dans son cas, dit-elle. Si nous décidions de les abattre tous, la police ne mettrait pas longtemps à remonter les filières. À mon avis, chacun des nôtres se défend très bien individuellement quand il est attaqué, et cela présente l’avantage de limiter les enquêtes au maximum.
Silas secoua la tête.
— J’ai toutes les raisons de penser, dit-il froidement, que celui-là incarne un danger beaucoup plus général. Si tu refuses, je ne t’en tiendrai pas rigueur. Je ferai simplement exécuter le travail par quelqu’un d’autre.
— Exécuter est bien le mot, releva Iona sans sourire. Peut-on connaître les raisons dont tu parles ?
Silas réfléchit un instant.
— Rien de bien net, dit-il enfin. Une impression confuse, faite de plusieurs images enchevêtrées. Mais une impression aussi forte que si un avertissement solennel m’était donné.
Cette fois, Iona sourit.
— Tu sais que tes « avertissements » (Elle détacha le mot.) ne sont pas toujours, comment dire… authentiques.
Silas haussa une épaule.
— Nombre d’entre eux le sont. Cela suffit pour que j’en tienne compte à chaque fois. »
Extrait de : K. Steiner. « Les Enfants de l’histoire. »
Le disque rayé par Kurt Steiner

Fiche de Le disque rayé
Titre : Le disque rayé
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1970
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le disque rayé
« Assis sur un rocher dur et humide, il contemplait les monstrueuses structures qui se découpaient à contre-jour, sur le couchant. Il recevait en pleine face un vent qui lui piquait les yeux, et l’obligeait parfois à assurer son équilibre.
Rien de tout cela ne pouvait être vrai, et pourtant, cela était. Ou bien il voguait, immobile, dans un cauchemar. Le cauchemar de qui ? Le sien, celui d’un homme qui s’appelait Matt Wood et devait dormir quelque part dans un endroit à la mesure de l’humain. Rien, ici, ne rappelait quoi que ce fût. Rappeler ? Qu’était-ce que se souvenir ?
Il ne lui restait que son nom. Et encore, n’avait-il aucune preuve que ce fût vraiment le sien. Et aussi quelques images de choses vertes qui bruissaient au vent, contrairement à ces rocs silencieux, à ces vagues proches d’où s’élevait une formidable rumeur, à ces structures de fer rouillé qui s’enchevêtraient follement sur un ciel mauve, et dans lesquelles hurlait le vent. Dans l’esprit, quelques fantômes de souvenirs. Dans la main, un instrument froid et humide comme les rochers. »
Extrait de : K. Steiner. « Le disque rayé. »
Le bruit du silence par Kurt Steiner

Fiche de Le bruit du silence
Titre : Le bruit du silence
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1955
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le bruit du silence
« Dans le sifflement du vent sur la carrosserie, j’entendis la voix profonde d’un avertisseur de route derrière moi, en même temps qu’un éclair blafard, luttant avec le jour crépusculaire, m’aveuglait dans le rétroviseur. Non content d’utiliser son avertisseur, le conducteur lançait un appel de phares, comme si je lui bouchais la route depuis une demi-heure. J’imaginai instantanément un homme important au volant d’une grosse voiture, et serrai à droite pour m’en débarrasser.
Souple et silencieuse, une Studebaker me doubla et commença à me distancer. Par goût de la compétition, j’appuyai sur l’accélérateur. La vieille Ford répondit vaillamment et se rapprocha de sa concurrente, qui ne varia en rien sa vitesse. Je parvins à me maintenir un instant à son allure – cent quinze à mon compteur –, mais, peu à peu, je vis ses feux rouges rapetisser insensiblement.
Ils étaient déjà loin dans le jour tombant, au fond de la route droite, et je m’abandonnais au charme étrange de cette poursuite sans espoir… lorsqu’une série d’autres lumières plus pâles s’imposèrent. »
Extrait de : K. Steiner. « Le bruit du silence. »
Le 32 juillet par Kurt Steiner

Fiche de Le 32 juillet
Titre : Le 32 juillet
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1959
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le 32 juillet
« Le parachute s’ouvrit, comme à regret. Quelqu’un avait dit un jour que j’avais des nerfs d’acier… mais le meilleur acier se transforme en coton lorsqu’un parachute tarde à s’ouvrir…
Ma chute enfin ralentie se poursuivit dans une obscurité complète. J’ignorais comment allait s’effectuer l’atterrissage, bien qu’on m’eût averti que le sol était en principe dénudé. Le sifflement du vent me traversait le cerveau, mais je centrais toute mon attention autour de la nécessité de rendre mon corps aussi élastique que possible – en prévision du choc brutal qui m’attendait.
Quelque chose de plus sombre que le ciel montait rapidement vers moi. Je me comparai à un oiseau blessé, et je compris mieux que jamais l’expression française « ne battre que d’une aile »…
Des secondes passèrent, traversées par le même vent obscur et strident. Puis le choc. Mes jambes plièrent, et mes cuisses, et tout mon corps, comme un ressort fatigué. Je me retrouvai enroulé dans un lacis de cordages tandis que la fleur légère du parachute me recouvrait lentement. »
Extrait de : K. Steiner. « Le 32 juillet. »
La marque du démon par Kurt Steiner

Fiche de La marque du démon
Titre : La marque du démon
Auteur : Kurt Steiner
Date de parution : 1958
Editeur : Fleuve noir
Première page de La marque du démon
« Vraiment, je ne sais par quoi commencer. Cette histoire est tellement extraordinaire, les événements si nombreux, si enchevêtrés que j’ai remis cent fois le projet d’en faire le récit.
Il le faut pourtant, ne serait-ce que pour prouver aux incrédules, aux esprits forts, que nous côtoyons sans cesse le monde démoniaque de l’invisible, que des faits incompréhensibles se produisent dans une société qui s’ingénie à vouloir prouver que rien n’est secret, que rien n’est mystérieux.
Car cette étonnante succession d’aventures se déroula de toute évidence dans un univers qui n’a de commun avec le nôtre que ses formes extérieures. Les enveloppes se superposent, le contenu est différent. Mais qui oserait prétendre que deux bouteilles identiques renferment exactement le même vin ? Que deux pommes exactement semblables auront le même goût ? »
Extrait de : K. Steiner. « La marque du démon. »