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La dent du loup par Max-André Rayjean

Fiche de La dent du loup

Titre : La dent du loup
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1973
Editeur : Fleuve noir

Première page de La dent du loup

« — Bitounes ! Bitounes !
La nuit tombe lentement, à regret. Le soleil rosit tout l’ouest et ourle de feu la crête de Dorouze. L’accablante chaleur diurne s’atténue.
Les ombres s’allongent et baignent déjà Les Ruyes, la petite rivière qui descend vers la Durance.
Cette journée de juin a été chaude. Très chaude, brûlante. Sans un souffle de mistral. L’été s’annonce sec. C’est presque toujours comme ça en Haute-Provence.
— Bitounes !
Les quatre chèvres obéissent docilement à la voix. Elles trottinent, les mamelles gonflées, l’œil vigilant. Parfois, elles s’arrêtent, inquiétées par un bruit que seules elles perçoivent. Elles ouvrent leurs longues oreilles, dressent la tête et bêlent avec timidité.
— Bêêê…
Elles sont méfiantes. Elles n’aiment pas les chiens, ni les étrangers. Elles ont peur de tout ce qui bouge, de tout ce qui leur paraît anormal. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « La dent du loup. »

La bête du néant par Max-André Rayjean

Fiche de La bête du néant

Titre : La bête du néant
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1970
Editeur : Fleuve noir

Première page de La bête du néant

« Les derniers feux du soleil couchant entrent à travers la baie. La nuit descend lentement sur les montagnes violettes. La neige persistante se drape de noir. Les ombres s’allongent démesurément.

Le froid tombe en même temps que la nuit et rend l’atmosphère transparente, diaphane. À deux mille mètres, c’est le calme reposant des sommets, la solitude écrasante. Une impression de légèreté, de poésie, se dégage du décor. C’est un bain de nature où trempe Saint-Véran, accroché à la montagne de Beauregard. Saint-Véran, le plus haut village d’Europe…

Au Grand Alpage, le poêle à mazout ronfle, répand une chaleur confortable, régulière, douce. Avril ouvre la période du retour à la vie et desserre l’étreinte du rude hiver. Des plaques verdâtres naissent sur les pentes, crèvent la neige fondante et annoncent le printemps.

Le vieux village perché au bout du monde s’éveille de son long isolement, retrouve une certaine animation.. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « La bête du néant. »

L’ordre des vigiles par Max-André Rayjean

Fiche de L’ordre des vigiles

Titre : L’ordre des vigiles
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1982
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’ordre des vigiles

« Un brouillard jaunâtre et puant traînait sur la ville endormie. Il irritait la gorge, le nez, les yeux. Il suffoquait.

Dans la nuit lugubre, silencieuse, les derniers passants se hâtaient comme des fantômes, épaules courbées, masques respiratoires sur le visage.

Le goudron des rues, des avenues, des trottoirs, luisait d’une humidité sale. Les façades des maisons étaient grises et l’agglomération déserte ressemblait à une cité abandonnée.

Pourtant, dix millions d’habitants s’entassaient dans les immeubles et les tours. Les appartements, les bureaux, les usines, étaient climatisés par un air dépollué en provenance d’une station de filtrage.

Il était onze heures trente du soir. Les gens ne s’attardaient jamais au-dehors à cause de la pollution et rentraient directement chez eux dès leur travail terminé.

Ils regardaient la télévision. Leurs yeux exprimaient la fatalité, le renoncement. Ils acceptaient la Ville telle qu’elle était, avec tous ses défauts, sa laideur. Ils ne connaissaient rien d’autre qu’un horizon bouché, un matelas de nuages bas, un air vicié. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « L’Ordre Des Vigiles. »

L’étoile de Goa par Max-André Rayjean

Fiche de L’étoile de Goa

Titre : L’étoile de Goa
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1961
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’étoile de Goa

« — Laissez-moi ! Mais laissez-moi donc, abominable brute !
Zô apparut dans la cabine. Il poussait la fille devant lui et la maintenait solidement, malgré ses véhémentes protestations. Persuadé d’accomplir son devoir avec zèle et intelligence, il comprenait que cette femme n’avait pas sa place à bord du « Cosny ». Sa chair synthétique frémissait de rage à la pensée que depuis la Terre, l’astronef véhiculait un passager clandestin. Son cerveau purement électronique, magnifiquement réglé, évoquait les complications causées par cette présence.
— Allez-vous me lâcher, à la fin ! Vous me faites mal !
Goa fronça les sourcils. Il ne put s’empêcher d’admirer la beauté de la fille cherchant à échapper à la poigne de l’androïde. Elle avait les cheveux en désordre. Des cheveux bruns, fins, longs. Des yeux immenses où se lisaient une volonté farouche et aussi une espèce de pitié. Les muscles de son corps splendide se raidissaient sous le léger vêtement collant, d’un jaune pâle. Sa bouche entrouverte découvrait des dents blanches, prêtes à mordre, à déchirer. C’était une petite tigresse. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « L’Étoile de Goa. »

L’escale des Zuhls par Max-André Rayjean

Fiche de L’escale des Zuhls

Titre : L’escale des Zuhls
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1964
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’escale des Zuhls

« Le cargo géant fonçait dans le froid de l’espace, laissant derrière lui une immense traînée lumineuse. Il errait, seul, désespérément seul, au milieu des constellations rutilantes, dans la noire monotonie de l’éther, charriant sa cargaison humaine de condamnés. Des hommes, des femmes, hantés par la perspective de n’arriver nulle part, de rester cloîtrés à jamais dans leur cercueil d’acier.
Pourtant, quelqu’un s’occupait de leur sort avec fébrilité, hargne, courage. L’espoir ne l’abandonnait pas. Son visage parcheminé, sec, glabre, rongé par la responsabilité, était penché sur les feuilles de calcul de l’astronavigraphe. Assis à sa table de travail, depuis des heures, il s’efforçait de résoudre les redoutables problèmes posés par l’aventure commune.
Sa combinaison collante de fibrosynthic dessinait son corps nerveux, musclé. Un serre-tête de même nature dissimulait sa chevelure, ses oreilles, sa nuque. Sous le costume des exilés à vie, des interdits de séjour, des apatrides, son expression restait froide, pratiquement insensible, impersonnelle. Rien ne ressemblait plus à un condamné qu’un autre condamné. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « L’escale des Zulhs. »

L’astronef rouge par Max-André Rayjean

Fiche de L’astronef rouge

Titre : L’astronef rouge
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1975
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’astronef rouge

« Un huissier se leva.

Il était vêtu d’un habit noir et portait sur la tête une sorte de bicorne galonné du plus affreux effet. Son teint blafard, terne, terreux, avait quelque chose de lugubre. Il est vrai qu’il n’exerçait pas une profession bien réjouissante.

Il se figea et annonça d’un ton solennel, d’une voix caverneuse :

— Mesdames… Messieurs… La Cour !

Si la salle du tribunal était pleine à craquer, ce n’était pas parce que les gens se passionnaient pour les procès. En fait, ils recevaient des cartes d’invitation et ils étaient obligés d’obéir. Sinon ils recevaient des blâmes et cela les empêchait de s’élever dans la hiérarchie sociale ou dans leur travail. Un blâme, c’était comme un avertissement, un frein. Il entraînait des conséquences lointaines.

L’auditoire se composait d’un mélange d’hommes et de femmes, peu enthousiastes. Mais il fallait respecter la tradition. Les débats restaient publics. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « L’astronef rouge. »

L’astre vivant par Max-André Rayjean

Fiche de L’astre vivant

Titre : L’astre vivant
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1965
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’astre vivant

« Le lac frissonnait sous la brise matinale. Surgis par paquets inégaux au long des rives, les roseaux balançaient insolemment leurs têtes barbues et chuchotaient des confidences dans un froissement de longues tiges. Ils étiraient leurs cous flexibles, presque fragiles, pour observer l’eau endormie que la brise éveillait à peine.
Derrière les montagnes violettes, auréolées d’or, de rouge, le soleil se levait, gonflant sa bedaine chaude à mesure de son ascension dans le ciel majestueusement bleu, limpide, transparent, diaphane. Il saupoudrait la vallée d’une poussière jaune, impalpable, jetant des poignées de chaleur autour de lui.
Les herbes, ankylosées par huit heures de nuit, de sommeil, ondulaient élégamment et époussetaient la rosée tenace. La terre buvait avidement cette eau perlée, fraîche, tonifiante.
L’homme marchait dans l’étroit sentier qui conduisait au lac. Il avait un visage très beau et il avançait avec souplesse. Une toge à la romaine couvrait ses épaules et ses pieds portaient des cothurnes. Il était musclé, jeune, harmonieux dans ses formes, dans ses gestes. Des cheveux blonds, bouclés, couronnaient un front sans rides.
Il se retourna, à plusieurs reprises, de crainte d’être suivi. Le silence de la vallée le rassura et il poursuivit son chemin vers le lac repu. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « L’Astre vivant. »

L’anneau des invincibles par Max-André Rayjean

Fiche de L’anneau des invincibles

Titre : L’anneau des invincibles
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1958
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’anneau des invincibles

« La nuit estompait peu à peu les contours, mais à mesure qu’elle envahissait la ville, l’éclairage artificiel s’allumait, spontanément. Les arcs au krypton, les rampes et les globes luminescents, projetaient sur les façades des buildings et sur les larges avenues macadamisées avec un mélange de goudron et de caoutchouc synthétique, des flaques de lumière vive, qui, par leur nombre et leur juxtaposition, ne formaient qu’un tout, un immense bocal illuminé.

On y voyait comme en plein jour et les automobiles à turbines, sillonnant les pistes suspendues, roulaient tous feux éteints, sans la moindre difficulté. Du reste, des arrêtés gouvernementaux interdisaient l’usage des phares dans les agglomérations.

Sur les plate-formes aériennes des stations d’hélitaxis ou d’aérotrolleys, les projecteurs orientaient leurs faisceaux rotatifs à peu près dans toutes les directions, sans pour cela gêner la circulation au sol. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « L’anneau des invincibles. »

L’an un des Kreols par Max-André Rayjean

Fiche de L’an un des Kreols

Titre : L’an un des Kreols
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1969
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’an un des Kreols

« Lio Tchek prend un flacon étiqueté dans le porte-éprouvettes, l’élève à hauteur de son regard, l’agite doucement par habitude. Au fond du tube une minuscule masse gélatineuse, grosse comme un petit pois, nage dans un liquide légèrement bleuté. L’agitation ne dissout pas le nodule protoplasmique, grisâtre.

Satisfait, le biologiste hoche la tête, vide le contenu du flacon sur une plaquette de verre, séparant ainsi le liquide conservateur de l’agglomérat cellulaire. Puis à l’aide d’un outil spécial, il découpe plusieurs lamelles extrêmement fines dans la masse gélatineuse.

Sa préparation achevée, il la place sous un microscope électronique accouplé à un écran de télévision. Il s’approche d’un clavier, appuie sur plusieurs boutons. Un léger ronronnement monte du puissant appareil d’optique. L’écran T.V., en couleur, s’allume aussitôt et plusieurs cellules apparaissent nettement avec une brillance extrême. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « L’an Un des Kréols. »

L’âge de lumière par Max-André Rayjean

Fiche de L’âge de lumière

Titre : L’âge de lumière
Auteur : Max-André Rayjean
Date de parution : 1984
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’âge de lumière

« Quand Sam m’avait demandé d’entrer dans la combine, j’avais exigé quelques jours de réflexion. Normal. En fait, j’avais donné ma réponse en moins de quarante-huit heures.
D’abord, parce que Sam était mon ami et que j’avais parfaitement confiance en lui. Ensuite parce que son projet m’emballait. J’étais d’une curiosité dévorante. Après tout, il fallait bien un défaut !
J’étais éducateur en sociologie. Je ne mettais pas ma profession en parallèle avec l’Expérience que je m’apprêtais à vivre, mais j’avoue avec franchise que le « cloisonnement » des âges, tel qu’on le pratiquait depuis des lustres, n’était pas pour moi le meilleur type de société.
Je défendais ce que j’exécrais ! Étrange paradoxe. Aussi j’avais sauté sur l’occasion de Sam. Il me donnait les moyens de m’évader.
Enfin, disons qu’il accélérait un certain processus et que de ce fait, j’accéderais à des connaissances jusqu’ici refusées. »

Extrait de : M.-A. Rayjean. « L’Âge de la lumière. »