Étiquette : Gallimard
Les jardins d’éden par Pierre Pelot

Fiche de Les jardins d’éden
Titre : Les jardins d’éden
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2020
Editeur : Gallimard
Première page de Les jardins d’éden
« Bien entendu tu es content d’être sorti du fracas. Sauf que tu en traînes toujours des lambeaux avec toi, que l’échappée prend son temps, la garce, qu’on dirait bien n’en avoir jamais vraiment fini avec elle, au fond.
La bécasse de l’accueil leva de ses mots fléchés un œil qu’elle figea sur lui, le laissant venir à elle dans l’entrebâillement de sa paupière, sans trembler d’un cil.
La porte à tambour antédiluvienne émettait toujours le même soupir hoquetant, au démarrage. Seuil franchi, il s’était retrouvé tout net une bonne poignée d’années en arrière. Coincé dans la grimace d’un autre présent.
— Salut, Jip, dit la bécasse.
Paulette. Pareille à elle-même, irrémédiablement inaltérée, femme tronc derrière son meuble, dans un de ses immuables pulls à col roulé plus ou moins lâches – seul accommodement aux saisons – qu’elle portait indifféremment par canicule et neige de décembre, clim ou pas clim. »
Extrait de : P. Pelot. « Les jardins d’Eden. »
L’été en pente douce par Pierre Pelot

Fiche de L’été en pente douce
Titre : L’été en pente douce
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1980
Editeur : Gallimard
Première page de L’été en pente douce
« Il n’était pas du genre à se laisser impressionner facilement – du moins en apparence –, mais tout de même, la lecture du journal, rubrique « avis de décès », semblait lui avoir porté un coup. Il avait juré, grommelé des choses, et Lilas avait compris le principal. Pour confirmation, elle s’était reportée au journal. Depuis, Fane n’avait pas desserré les dents. Ou presque. Juste pour des banalités. Et pour enguirlander Lilas qui n’en finissait pas de se préparer. Lui, il s’était vaguement passé un coup de peigne dans les cheveux, c’est tout. Il n’avait pas mangé.
Fane transpirait. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front ridé, coulaient dans ses yeux, le long de son gros nez, puis se décrochaient n’importe comment et tombaient un peu partout, sur sa chemise, son pantalon, sur ses mains – la droite gantée et la gauche nue – sur le volant. »
Extrait de : P. Pelot. « L’été en pente douce. »
Serpentine par Mélanie Fazi

Fiche de Serpentine
Titre : Serpentine
Auteur : Mélanie Fazi
Date de parution : 2004
Editeur : Gallimard
Sommaire de Serpentine
- Serpentine
- Elégie
- Nous reprendre à la route
- Rêves de cendre
- Matilda
- Mémoires des herbes aromatiques
- Petit théâtre de rame
- Le faiseur de pluie
- Le passeur
- Ghost town blues
Première page de Serpentine
« La boutique ne paie pas de mine, coincée entre une épicerie ouverte la nuit et un troquet mal éclairé. Elle ressemble en tout point à celle de l’homme qui m’envoie ici, celle où Imène m’avait conduit en premier lieu. Rien ne transparaît de l’extérieur : on a placardé sur les vitres des motifs par dizaines, moins pour attirer le client que pour masquer l’autre côté, comme une boîte hermétiquement close dont rien ne filtre. On y accède par une volée de marches, une fois poussée la porte qui ne s’ouvre qu’au deuxième coup d’épaule. Au-dessus, une pancarte annonce la couleur :
SERPENTINE
TATOUAGES & PIERCINGS
Lettres souples et tout en courbes autour desquelles se tortillent vipères et cobras, sous l’œil d’une salamandre tapie dans un coin. Deux serpents s’enroulent nonchalamment autour du S et du T majuscules. »
Extrait de : M. Fazi. « Serpentine. »
Arlis des forains par Mélanie Fazi

Fiche de Arlis des forains
Titre : Arlis des forains
Auteur : Mélanie Fazi
Date de parution : 2004
Editeur : Gallimard
Première page de Arlis des forains
« Quand les forains débarquaient en ville, il y avait toujours des gamins de mon âge pour venir traîner autour des caravanes. Le plus souvent, ils se tenaient à l’écart sans oser s’en approcher, comme s’ils craignaient qu’elles soient gardées par des bêtes sauvages. Ou parce que les forains, forcément, devaient être des gens bizarres. Pensez donc, ils n’avaient même pas de toit fixe ! Alors les gamins observaient notre petit manège et s’amusaient à deviner quelles seraient les attractions. Pour l’instant, tout restait possible : on pouvait se prendre à espérer monts et merveilles, de quoi occuper ces après-midi d’été interminables. Mais bientôt la fête serait installée, prête à les accueillir, forcément moins fabuleuse que celle dont ils avaient rêvé. L’arrivée des forains suscitait toujours une excitation unique, car c’était le moment où tout restait à faire. »
Extrait de : M. Fazi. « Arlis des forains. »
L’ève future par A. de Villiers de L’Isle-Adam

Fiche de L’ève future
Titre : L’ève future
Auteur : Auguste de Villiers de L’Isle-Adam
Date de parution : 1886
Editeur : Gallimard
Première page de L’ève future
« A vingt-cinq lieues de New York, au centre d’un réseau de fils électriques, apparaît une habitation qu’entourent de profonds jardins solitaires. La façade regarde une riche pelouse traversée d’allées sablées qui conduit à une sorte de grand pavillon isolé. Au sud et à l’ouest, deux longues avenues de très vieux arbres projettent leurs ombrages supérieurs vers ce pavillon. C’est le n° 1 de la cité de Menlo Park.–Là demeure Thomas Alva Edison, l’homme qui a fait prisonnier l’écho.
Edison est un homme de quarante-deux ans. Sa physionomie rappelait, il y a quelques années, d’une manière frappante, celle d’un illustre Français, Gustave Doré. C’était presque le visage de l’artiste traduit en un visage de savant. Aptitudes congénères, applications différentes. Mystérieux jumeaux. »
Extrait de : A. de Villiers de L’Isle-Adam. « L’ève future. »
Histoires insolites par A. de Villiers de L’Isle-Adam

Fiche de Histoires insolites
Titre : Histoires insolites
Auteur : Auguste de Villiers de L’Isle-Adam
Date de parution : 1888
Editeur : Gallimard
Sommaire de Histoires insolites
- La céleste aventure
- Un singulier chelem !
- Le jeu des grâces
- Le secret de la belle Ardiane
- L’héroïsme du docteur Hallidonhill
- Les phantasmes de M. Redoux
- Ce Mahoin !
- La maison du bonheur
- Les amants de Tolède
- Le sadisme anglais
- La légende moderne
- Le navigateur sauvage
- Aux chrétiens les lions !
- L’agrément inattendu
- Une entrevue à Solesmes
- Les délices d’une bonne oeuvre
- L’inquiéteur
- Conte de fin d’été
- L’Etna chez soi
Première page de La céleste aventure
« Maintenant que sœur Euphrasie, cette enfant divine, s’est enfuie dans la Lumière, pourquoi garder encore le mot terrestre du « miracle » dont elle fut l’éblouie ? Certes, la noble sainte3 – qui vient de s’endormir, à vingt-huit ans, supérieure d’un ordre de Petites-Sœurs des pauvres, fondé par elle, en Provence – n’eût pas été scandalisée d’apprendre le secret physique de sa soudaine vocation : la voyance de son humilité n’en eût pas été troublée un seul instant ; – toutefois, il sera mieux que je n’aie parlé qu’aujourd’hui.
À près d’un kilomètre d’Avignon s’élevait, en 1860, non loin d’atterrages verdoyants, en amont du Rhône, une bicoque isolée, d’aspect sordide ; ajourée, à son unique étage, d’une seule fenêtre à contrevents ferrés, elle s’accusait, bien en vue d’une protectrice caserne de gendarmerie – sise aux confins des faubourgs, sur la route. »
Extrait de : A. de Villiers de L’Isle-Adam. « Histoires insolites. »
Le double corps du roi par T. Day et U. Bellagamba

Fiche de Le double corps du roi
Titre : Le double corps du roi
Auteur : Thomas Day et Ugo Bellagamba
Date de parution : 2003
Editeur : Gallimard
Première page de Le double corps du roi
« Nous y sommes, Général. C’est ici que tout va se jouer », annonça Argo de Thrace.
Ce dernier avait arrêté sa monture juste avant l’ombre portée par les monts arasés au cœur desquels s’ouvrait le défilé d’Alankhar.
Sans prendre la peine de commenter la remarque de son officier en second, ou de jeter un coup d’œil à la petite troupe qui les escortait, le général Déléthérion posa la main droite sur le pommeau de la selle et stoppa sa chimère en tirant sur les rênes. La monture cristalline obéit instantanément, s’immobilisant aux côtés de celle d’Argo ; quand cela serait nécessaire, un claquement de langue suffirait à la faire repartir. L’officier en second tendit une gourde à son général, mais ce dernier l’ignora. »
Extrait de : U. Bellagamba et T. Day. « Le Double Corps Du Roi. »
La maison aux fenêtres de papier par T. Day

Fiche de La maison aux fenêtres de papier
Titre : La maison aux fenêtres de papier
Auteur : Thomas Day
Date de parution : 2009
Editeur : Gallimard
Première page de La maison aux fenêtres de papier
« C’est une sorte de rituel entre nous, de temps à autre, Wei me demande : « À quoi ressemble votre esprit, aujourd’hui ? »
Au fil des semaines que nous avons passées l’un au contact de l’autre, ma réponse a évolué ; ce qui ne m’empêche aucunement de me souvenir de la première fois que nous avons eu cette discussion, sur la plage, alors que le soleil disparaissait derrière les reliefs d’Amami. Je me souviens au mot près de ce que je lui ai dit et de ce qu’il m’a répondu. À cette époque, nos rapports étaient différents, embryonnaires, faussés en un sens. Un gouffre nous séparait. C’est fou à quel point les êtres peuvent changer en quelques semaines. Il leur suffit de se battre, côte à côte, de perdre des êtres qui leur sont chers, de faire des choix sur lesquels nul ne pourra revenir, de tomber puis de se relever. C’est ce qui nous est arrivé, à tous les deux. Entre le 9 août et le 3 octobre de cette cruelle année. »
Extrait de : T. Day. « La maison aux fenêtres de papier. »
L’instinct de l’équarrisseur par T. Day

Fiche de L’instinct de l’équarrisseur
Titre : L’instinct de l’équarrisseur – Vie et mort de Sherlock Holmes
Auteur : Thomas Day
Date de parution : 2002
Editeur : Gallimard
Première page de L’instinct de l’équarrisseur
« Parce que Madame Smith, sa gouvernante, avait pris un congé exceptionnel pour rendre visite à un neveu à Salisbury, que Touie était au lit avec un ventre rendu capricieux par sa toute récente grossesse et que l’atmosphère calme de la maison, bien que propice au travail, était devenue rapidement trop pesante, Arthur quitta le refuge de son cabinet médical tôt dans l’après-midi, après avoir embrassé sa femme et lui avoir administré un placebo contre les nausées ― craignant qu’un traitement plus puissant ne nuise à l’enfant qu’elle portait.
Dans les heures qui suivirent, il fit une longue promenade qui le mena de Southsea au centre-ville de Portsmouth, puis au pub The hammer and the fox où il vida une bonne pinte de bièrecrémeuse. »
Extrait de : T. Day. « L’instinct de l’équarrisseur. »
L’automate de Nuremberg par T. Day

Fiche de L’automate de Nuremberg
Titre : L’automate de Nuremberg
Auteur : Thomas Day
Date de parution : 2006
Editeur : Gallimard
Première page de L’automate de Nuremberg
« Il fallait bien que cela arrive un jour, et je commence donc mon cinquième journal par la conclusion logique des événements précédemment relatés pages 91 à 128 du quatrième volume de mes mémoires et interrogations ; ainsi, l’histoire d’amour et de haine qui lie, depuis les toutes premières années du siècle, Napoléon Bonaparte à la Russie (victoires d’Austerlitz et d’Iéna, signature du traité de Tilsit, catastrophique campagne de 1812 soldée par le passage tragique de la Berezina, siège de Paris, contre-offensive de 1815 et victoire d’Aix-la-Chapelle), cette histoire semble aujourd’hui, 13 septembre 1824, trouver son point final dans la chute de Moscou et la signature du traité de Nijni (cette grosse bourgade située à l’est de Moscou et dotée d’une académie militaire, où le tsar Alexandre et sa suite, dont je fais encore partie pour quelques heures, se sont réfugiés alors que les troupes françaises approchaient de la capitale). »
Extrait de : T. Day. « L’automate de Nuremberg. »