Étiquette : Jouanne

 

Nuage par E. Jouanne

Fiche de Nuage

Titre : Nuage
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1983
Editeur : La Volte

Première page de Nuage

« Prune avait allumé un feu de camp dans le couloir central du vaisseau, en prenant garde de se placer assez loin de la glycine en fleur, de façon que les flammes ou la fumée n’aillent pas lécher méchamment les arcs entremêlés de la plante grimpante.
Elle présentait ses mains devant le foyer comme pour se réchauffer, bien que la climatisation fonctionnât à merveille et qu’il ne fît pas froid. Elle avait largement pioché dans la réserve de bois d’arbres fruitiers gracieusement mise à la disposition des passagers, et le combustible s’était révélé parfaitement sec. Des ventilateurs aspiraient sans bruit la colonne de fumée qui s’élevait du cône de branchages.
Prune veillait à ne pas offrir les plis de sa robe à la bouche ronflante du feu ; elle serrait entre ses genoux le tissu de son vêtement dont tous, à bord du Foyer, doux foyer, s’accordaient à dire qu’il paraissait trop sobre pour une fillette de neuf ans. »

Extrait de : E. Jouanne. « Nuage. »

Le rêveur de chats par E. Jouanne

Fiche de Le rêveur de chats

Titre : Le rêveur de chats
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1988
Editeur : Denoël

Première page de Le rêveur de chats

« Vous dansez ? » demanda le nuage à la lumière, qui vira au rouge, puis balbutia un consentement.
C’était en ce temps de perverse innocence où la danse suffisait à insuffler la fertilité chez les danseurs ; bientôt, le nuage et la lumière roulèrent et boulèrent entre les draps noirs et piqués d’or, roucoulèrent et se bouchonnèrent, devinrent l’embryon rebondi de leur propre progéniture. Le marmot cosmique absorba père et mère sans le moindre scrupule, mais ne les anéantit pas : l’œil des grandes nourrices passagères les distinguait encore, quoiqu’ils eussent rétréci pour se mettre au diapason du petit.
Le nuage prêta ses longs bras pour happer les éléments-aliments. La lumière prêta sa chaleur pour cuire, fondre et digérer. »

Extrait de : E. Jouanne. « Le rêveur de chats. »

L’âge de fer par E. Jouanne

Fiche de L’âge de fer

Titre : L’âge de fer
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1988
Editeur : Patrick Siry Editeur

Première page de L’âge de fer

« — Pardon, je l’ai pas fait exprès…
Ligoté à son panneau d’interdiction de stationnement, Néon ne demandait pas mieux que de croire la jeune femme, mais ça ne l’avançait pas tellement ; il était incapable de bouger ne fût-ce que le petit doigt et se sentait tout à fait ridicule. Déjà, certains passants s’arrêtaient pour le regarder.
— Vous pouvez pas m’enlever ça ?
Il tenta de désigner du menton le cocon rose vif qui l’enveloppait, et dont il ne comprenait ni la nature ni la provenance. Il avait simplement heurté la jeune femme sur le trottoir, en la dépassant, et s’était aussitôt retrouvé dans cette ingrate position, réduit à l’impuissance, objet de l’ironie populaire.
— Je ne sais pas… Je n’en suis pas sûre.
Elle le toisait d’un œil narquois désagréable au possible. »

Extrait de : E. Jouanne. « L’âge de Fer. »

Ici-bas par E. Jouanne

Fiche de Ici-bas

Titre : Ici-bas
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1984
Editeur : Denoël

Première page de Ici-bas

« Tom devait faire la vaisselle, à ce moment-là. Ou la cuisine. Ce contact permanent avec les à-côtés les plus prosaïques de l’existence semble lui procurer une certaine satisfaction. Peut-être même du plaisir – ou simplement cette béatitude stupide qu’engendre l’absence de pensée. Il doit bien y avoir une raison, en tout cas, pour que ses journées ne soient que prolifération de menus travaux, maquillage, toilette, ménage, couture, repassage, courses… Tom est comme ça. Tous les jours.
Je préfère quant à moi faire travailler mon cerveau. Je crois, sans me vanter, avoir quelques facilités de ce côté. Après les heures fastidieuses que je passe au magasin à vanter mes vieilleries aux chalands, à établir mes comptes et à m’ennuyer ferme, je ne trouve rien de plus émouvant que la chaleur de la musique ou les longues plongées dans les profondeurs de la bibliothèque ou de la pinacothèque. Je peux passer des heures dans mon fauteuil, les oreilles calées entre les enceintes de l’équipement stéréo, les yeux braqués sur l’écran de la télé ou sur les lignes imprimées. »

Extrait de : E. Jouanne. « Ici-bas. »

Damiers imaginaires par E. Jouanne

Fiche de Damiers imaginaires

Titre : Damiers imaginaires
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1982
Editeur : Denoël

Première page de Damiers imaginaires

« — Tu verras, toi aussi, un jour ta maison cessera de voler et ira s’écraser sur le sol ! Tu verras !
Les mots résonnèrent dans le bar presque désert, et les têtes des rares consommateurs se tournèrent dans la direction d’où provenait la voix triste, éraillée, tordue par l’alcool.
— Tu verras, reprit l’homme, tu ne te moqueras plus de moi quand ça t’arrivera. Tu viendras ici pour boire, toi aussi, et pour prévenir tes connaissances de ton prochain départ.
Il agitait un doigt mi-accusateur mi-implorant sous le menton hirsute de l’autre, qui le regardait avec une expression indéfinissable. Ses coudes balayaient une flaque sirupeuse qui séchait sur la table ronde, et menaçaient de faire choir d’un instant à l’autre les innombrables chopes vides en verre authentique qui encombraient le plateau plastifié. »

Extrait de : E. Jouanne. « Damiers imaginaires. »

Cruautés par E. Jouanne

Fiche de Cruautés

Titre : Cruautés
Auteur : E. Jouanne
Date de parution : 1987
Editeur : Denoël

Sommaire de Cruautés

  • Déserts
    • Les prisons
    • Hospitalité
    • L’âge de pierre
    • Multiplication du voleur
    • Si vous balbutiez encore dans votre tombe de pierres …
    • La course de Casanova
  • Villes
    • Comment, quand et où mourut le temps …
    • Cessons de nous tourmenter …
  • Avions
    • Les masques du clown
    • Cruautés
    • Extinction des feux
  • Conclusion
    • Le suicite sans fin

Première page de Les prisons

« Au centre du monde, les prisons qui voyagent se croisent et, quelquefois, se remarquent. Elles cessent alors de se dandiner en direction de l’autre côté de la ville et se mettent à se flairer, à entamer leur étrange ballet maladroit au détour d’une rue, sans se soucier des passants qui jettent aux lourds barreaux des regards épais et furieux.
C’est que la ville constitue le monde, et que les prisons viennent de sa périphérie, c’est-à-dire de cet endroit qui n’en est pas un, de cet endroit auquel personne ici ne parvient à penser vraiment. Nous savons, bien sûr, que la ville dessine un cercle plein, que le monde dessine une sphère, mais concevoir l’élément dans lequel se meut ce cercle ou cette sphère nous restera à jamais impossible. Autour de leurs tasses de thé, les vieilles femmes tourmentées par leur veuvage racontent toutes sortes d’histoires fantaisistes au sujet des prisons et de l’extérieur du monde, mais personne ne les écoute réellement ; leurs phrases chevrotantes glissent sur la nappe de dentelle et tombent sur le parquet ciré, où chacun les piétine allègrement. »

Extrait de : E. Jouanne. « Cruautés. »

Emmanuel Jouanne

Présentation de Emmanuel Jouanne :

Naissance et Jeunesse

Emmanuel Jouanne est né le 23 avril 1960 à Caen, en Normandie. Dès son plus jeune âge, il se passionne pour la lecture et l’écriture, influencé par les œuvres des surréalistes et des auteurs de science-fiction anglo-saxons.

Formation et Premiers Écrits

Après des études à l’Université de Caen, Emmanuel Jouanne se tourne vers l’écriture et envoie ses textes à la revue Minuit des éditions de Minuit. Ses premières nouvelles sont publiées à partir de 1979 dans des revues spécialisées comme Fiction, Univers, Garichankar, SF & Quotidien, ainsi que dans des anthologies de Richard Comballot.

Carrière Littéraire

Emmanuel Jouanne se fait rapidement remarquer par son style unique et ses récits iconoclastes, souvent teintés d’humour noir et de satire sociale. En 1982, il publie son premier roman, Damiers imaginaires, qui lui vaut le Prix Rosny aîné, l’une des récompenses les plus prestigieuses de la science-fiction française.

Succès et Reconnaissance

Consacrant son activité à l’écriture, Emmanuel Jouanne enchaîne les publications dans les années 1980 et 1990. Ses romans, parmi lesquels Ici-bas (Prix Rosny aîné 1984), Providence (1988), Le Temps du mépris (1992), Les Enfants de Noé (1996) et L’Homme-fusil (2000), explorent des thèmes variés tels que la condition humaine, la société, la religion, la politique et la technologie.

Style et Thèmes

L’œuvre d’Emmanuel Jouanne se caractérise par un style percutant et un langage riche, souvent empreint de poésie et de surréalisme. Ses romans se distinguent par leur profondeur philosophique et leur exploration de sujets tabous ou controversés. Jouanne n’hésite pas à défier les conventions du genre de la science-fiction, s’affranchissant des codes et des clichés pour proposer une vision unique et personnelle du monde.

Engagement et Militantisme

Au-delà de son activité littéraire, Emmanuel Jouanne était également un militant engagé. Il participait activement à des mouvements altermondialistes et anticapitalistes, et ses écrits portaient souvent la voix des marginalisés et des opprimés.

Décès et Héritage

Emmanuel Jouanne est décédé le 6 février 2008 à Paslières, dans le Loiret, à l’âge de 47 ans. Sa disparition soudaine a laissé un grand vide dans le monde de la littérature française.

Considéré comme l’un des auteurs de science-fiction français les plus importants et les plus influents de sa génération, Emmanuel Jouanne a laissé une œuvre riche et complexe qui continue d’être lue et appréciée par un public toujours plus large.

Faits marquants

  • Emmanuel Jouanne a publié une quinzaine de romans et de recueils de nouvelles au cours de sa courte carrière.
  • Ses romans ont été traduits dans plusieurs langues et ont connu un succès international.
  • Il a reçu de nombreux prix littéraires, dont le Prix Rosny aîné à deux reprises.
  • Emmanuel Jouanne était un auteur engagé et militant, dont les écrits portaient souvent la voix des marginalisés et des opprimés.
  • Son œuvre est considérée comme un jalon important dans l’histoire de la science-fiction française.

Conclusion

Emmanuel Jouanne était un écrivain visionnaire et talentueux qui a marqué de son empreinte le paysage littéraire français. Son œuvre audacieuse et inclassable continue d’inspirer et de questionner les lecteurs du monde entier.

Livres de Emmanuel Jouanne :

Cruautés (1987)
Damiers imaginaires (1982)
Ici-bas (1984)
L’âge de fer (1988)
Le rêveur de chats (1988)
Nuage (1983)

Pour en savoir plus sur Emmanuel Jouanne :

La page Wikipédia de E. Jouanne
La page Noosfere de E. Jouanne
La page isfdb de E. Jouanne

La solitude est un cercueil de verre par R. Bradbury

Fiche de La solitude est un cercueil de verre

Titre : La solitude est un cercueil de verre (Tome 1 sur 3 – Autobiographie)
Auteur : R. Bradbury
Date de parution : 1985
Traduction : E. Jouanne
Editeur : Denoël

Première page de La solitude est un cercueil de verre

« Venice, Californie, avait autrefois de quoi plaire à ceux qui aiment être tristes : du brouillard à peu près tous les soirs, et le grondement des installations de forage le long de la côte, et le clapotis de l’eau noire dans les canaux, et le crissement du sable contre les fenêtres quand le vent se levait et chantait sur les aires dégagées et les promenades désertes.
C’était l’époque où la jetée de Venice partait en morceaux et mourait dans la mer, et où l’on pouvait trouver là les ossements d’un énorme dinosaure, le manège des montagnes russes, que les marées fluctuantes venaient recouvrir.
Au bout d’un long canal, on voyait de vieilles voitures de cirque que l’on avait roulées dans l’eau et, à l’intérieur des cages, quand on regardait, des choses vivaient ; poissons et crustacés s’agitant avec les marées, et c’était tous les cirques de tous les temps qui, d’une certaine manière, avaient été condamnés à être mangés par la rouille. »

Extrait de : R. Bradbury. « Autobiographie – La solitude est un cercueil de verre. »

Radio Libre Albemuth par P. K. Dick

Fiche de Radio Libre Albemuth

Titre : Radio Libre Albemuth (Tome 0 sur 3 – Trilogie divine)
Auteur : P. K. Dick
Date de parution : 1985
Traduction : E. Jouanne
Editeur : Gallimard

Première page de Radio Libre Albemuth

« Mon ami Nicholas Brady, qui était persuadé d’avoir contribué à sauver le monde, naquit à Chicago en 1928 mais gagna la Californie immédiatement après. Il passa la majeure partie de sa vie aux abords de la Baie, en particulier à Berkeley. Il se souvenait des piquets d’attelage métalliques en forme de tête de cheval devant les vieilles bâtisses de la partie vallonnée de la ville, et des tramways électriques de la compagnie Red Trains qui assuraient la correspondance avec les ferries et, surtout, du brouillard. Plus tard, dans les années quarante, le brouillard cessa de recouvrir Berkeley la nuit.
À l’origine, Berkeley, à l’époque des Red Trains et des tramways, était une cité paisible et sous-peuplée à l’exception de l’université, avec ses célèbres foyers d’étudiants et son excellente équipe de football. Enfant, Nicholas Brady avait assisté à un certain nombre de matchs de foot, mais n’y avait jamais rien compris. Il n’arrivait même pas à saisir correctement l’hymne à la gloire de l’équipe. Mais il aimait le campus de Berkeley, ses arbres, ses pai »

Extrait de : P. K. Dick. « Trilogie divine – Radio Libre Albemuth. »

Souvenir par P. K. Dick

Fiche de Souvenir

Titre : Souvenir (Tome 5 sur 8 – Les inédits)
Auteur : P. K. Dick
Date de parution : 1989
Traduction : H. Collon, E. Jouanne
Editeur : Gallimard

Sommaire de Souvenir

  • Le nazisme et le Haut Château
  • La schizophrénie et le Livre des changements
  • Rajustement
  • Interférence
  • Souvenir
  • Progéniture
  • Sur la terre sans joie
  • Etrange Eden
  • Le monde de Jon

Première page de Le nazisme et le Haut Château

« Bien des lunes sont passées depuis la critique par l’homme blanc (c. -à-d. Poul Anderson) de mon livre Le Maître du Haut Château[1] et depuis que les fans (ex. : trop nombreux pour être cités, à une exception près, toutefois, un certain John Boardman) ont émis des commentaires non sur le livre ou sur la critique en soi, mais sur le nazisme – ce qui est bien et adéquat, car c’est le véritable sujet, beaucoup plus que n’importe quel livre ou n’importe quelle critique, et cela ne fait que prouver que j’ai raison : nous avons toujours très peur, et sommes toujours à juste titre très perturbés, et, comme Harry Warner l’a si justement dit, « … nous pourrions nous identifier à la culpabilité de guerre des Allemands parce qu’ils sont tellement similaires à nous… ».
Toutefois, quoique ces commentaires, etc., soient parus en mars, je viens juste de les découvrir, et j’aimerais également faire des commentaires.
John Boardman appelle le Dr Friedrich Fœrster « le plus grand critique moderne de l’Allemagne ». Il n’y a pas un « grand critique moderne », etc., de quoi que ce soit ; c’est juste une façon de dire que l’on accorde foi à sa source, et il est juste que l’on fasse confiance à sa source – toutefois, je contesterai son caractère unique, ou quelque proclamation que ce soit de sa perfection comme une source unique et absolue, comme une idée type de la théorie de Platon. »

Extrait de : P. K. Dick, Philip K,. « Souvenir. »