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Secret ADN par Johan Heliot

Fiche de Secret ADN

Titre : Secret ADN
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2008
Editeur : Mango

Première page de Secret ADN

«  Les passagers pour le vol Kat-Air 764 à destination de Kinshasa sont priés de se présenter au guichet d’embarquement numéro 8, les passagers pour le vol Kat-Air 764 à destination de Kinshasa… »
La voix de l’hôtesse le fit sursauter. Il manqua de laisser échapper dans le fond du lavabo la gélule qu’il s’apprêtait à avaler, tant ses mains tremblaient. Mais il parvint à se ressaisir.
Bref coup d’œil dans le miroir, vision floue d’un front baigné de sueur malgré la clim. Foutue fièvre, foutu pays, foutue trouille aussi, qui ne le quittait pas d’une semelle, plus collante que son ombre.
D’un geste rageur, il goba la gélule et but une longue goulée d’eau tiède directement au robinet, puis il s’aspergea le visage, essuya les traces de transpiration qui lui donnaient l’air suspect. Surtout ne pas attirer l’attention des flics de l’aéroport. Nouveau coup d’œil dans la glace : il avait recouvré figure humaine, pour autant que les circonstances le permettaient. »

Extrait de : J. Heliot. « Secret ADN. »

Reconquérants par Johan Heliot

Fiche de Reconquérants

Titre : Reconquérants
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2001
Editeur : Mnémos

Première page de Reconquérants

« Ils avaient perdu de vue les rivages de leur patrie un jour de la Lune, premier de la semaine. C’était au mois où la terre s’ouvre, le quatrième du nouveau calendrier édicté par Caïus Julius Caesar.
Les ides du mois précédent, dévolu au dieu de la Guerre, avaient été fatales au vieux dictateur. Ce jour-là, César s’était présenté devant les sénateurs pour recevoir le titre de roi en Orient, après qu’on lui avait refusé celui de roi de Rome. Une telle outrecuidance – restaurer la royauté ! – avait exaspéré ses ennemis dans le camp républicain. Brutus, suivi par près de cinquante autres sénateurs, s’était dévoué pour lui porter un coup mortel. On avait espéré que la mort du vainqueur des Gaules allait tirer Rome de la crise sévère où elle était plongée depuis que Sylla, un demi-siècle plus tôt, avait inauguré l’ignominieuse dictature. La Cité éternelle avait alors immédiatement sombré dans le chaos, et les guerres, civiles ou extérieures, s’étaient succédé, apportant chacune leur lot de malheur et de désolation. Crassus, Pompée, Catilina et d’autres avaient alors fomenté intrigues et coups d’État, jusqu’à ce que le plus retors des agitateurs, César lui-même, l’emportât et accaparât tous les pouvoirs. »

Extrait de : J. Heliot. « Reconquérants. »

Question de mort par Johan Heliot

Fiche de Question de mort

Titre : Question de mort
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2007
Editeur : Baleine

Première page de Question de mort

« On frappa à la porte, une volée de coups brefs. Dan coupa le son du Sony Bravia LCD et se mit à gueuler :
— Barrez-vous, c’est pas une heure pour déranger les gens !
Il perçut un crissement sur le gravier. L’importun remontait l’allée qui menait à l’entrée du campement. Qu’il aille se faire foutre, songea Dan en pointant la télécommande en direction de l’écran large. Il s’apprêtait à rendre leurs voix aux invités d’Oprah Winfrey, quand un vacarme assourdissant s’éleva à l’extérieur. Dan figea son geste. La mine réjouie de la célèbre animatrice apparut en gros plan, immédiatement suivie d’une coupe sur le public qui tapait des pieds et des mains, visiblement hilare. Dan se fit la réflexion qu’il venait de rater une bonne réplique. Mais il regretta aussitôt cette pensée. Car il avait reconnu l’origine du boucan, qui prenait maintenant des proportions infernales. Dan avait exercé nombre de petits boulots depuis qu’il était arrivé dans le comté. Ramasseur de pastèques, cueilleur de coton, déménageur, ambulancier et bûcheron, par exemple. Quand on avait manipulé une tronçonneuse huit heures par jour pendant des mois, on était capable d’identifier son chant barbare dans n’importe quelle circonstance, même des années plus tard. »

Extrait de : J. Heliot. « Question de mort. »

Passé censuré par Johan Heliot

Fiche de Passé censuré

Titre : Passé censuré
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2008
Editeur : Editions du Rocher

Première page de Passé censuré

« Le soleil pesait, plus lourd que toute une vie de labeur sur le dos des hommes. Des hommes à qui l’époque refusait le privilège de s’échiner aux champs ou devant une machine pour nourrir leurs familles. Et creusait l’estomac, ainsi que les joues, ravinait le front et durcissait le regard. Pourtant ces hommes étaient vivants. Ils éprouvaient leur peine, dix ou douze heures chaque jour, leurs poings calleux refermés sur les manches de pioches, de pelles ou encore, pour les plus chanceux et les plus qualifiés, sur les leviers de commande d’un engin de terrassement. Le pavage de la route avançait. Mile après mile après mile, cette chienne de route déroulait sa langue de béton dans les rocailles du désert de Mojave, où s’épanouissaient de loin en loin des bouquets d’arbres de Josué, sous la surveillance hautaine des pics dénudés qui bornaient l’horizon. La sueur coulée des fronts n’avait pas le temps d’atteindre le sol chauffé à blanc. Les vapeurs de gasoil échappées des moteurs diesel enivraient les esprits et montaient vers le ciel immaculé jusqu’à l’incandescence en troublant l’air brûlant. »

Extrait de : J. Heliot. « Passé censuré. »

Pandémonium par Johan Heliot

Fiche de Pandémonium

Titre : Pandémonium
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2002
Editeur : Bélial

Première page de Pandémonium

« Il faisait encore nuit noire lorsque ma logeuse vint tambouriner à ma porte.
Je venais juste de m’endormir, après avoir peiné de longues heures à la correction d’un manuscrit confié par un feuilletoniste de mes amis. Pour subvenir à mes besoins, je louais mes talents d’écrivain public à qui se pouvait soucier des règles de l’orthographe et de la grammaire. Mais si Paris était alors riche en pamphlétaires, chroniqueurs ou publicistes de tous acabits, ils étaient peu nombreux à posséder les quelques sous requis par mon intervention. Aussi la langue en pâtissait-elle souvent, et je devais me satisfaire de peu : un modeste garni où déposer ma malle et mes livres, potage, pain noir et piquette – mes trois « p » nourriciers, répétais-je à l’envi – chaque soir, quand ce n’était pas un jour sur deux.
Fort heureusement, la mère Blanchot, ma logeuse, appréciait ma compagnie et acceptait souvent de prolonger mon crédit plus que de raison. »

Extrait de : J. Heliot. « Pandemonium. »

Ordre noir par Johan Heliot

Fiche de Ordre noir

Titre : Ordre noir
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2010
Editeur : Fleuve noir

Première page de Ordre noir

« Ils suivaient un chemin tracé longtemps avant le jour de leur naissance, un chemin emprunté depuis par un tout petit nombre d’élus. Ils suivaient ce chemin pour celui qui avait été d’abord leur chef, ensuite leur maître, enfin bien plus encore : pour eux et beaucoup d’autres, presque un roi. Et parce qu’il allait mourir, ils suivaient ce chemin dans le secret des fondations du Temple, plaçant leurs pas dans ceux des initiés qui les avaient précédés, ici, depuis des générations, ailleurs, là où tout avait commencé, depuis des temps immémoriaux.
Ils suivaient le chemin depuis l’aube et chaque pas ajoutait une nouvelle souffrance à leur épreuve. Mais ils avaient été choisis pour leur capacité à endurer la douleur imposée par le parcours du Temple. Avant eux, ceux qui étaient passés par le même chemin avaient connu les affres de la folie. Les démons s’étaient emparés de leurs esprits pour les déchirer en lambeaux entre leurs griffes, et ils erraient à présent dans les rues de la cité comme les ombres d’eux-mêmes, décharnés et pâles ; bientôt, ceux-là disparaîtraient. »

Extrait de : J. Heliot. « Ordre Noir. »

Opération Nemo par Johan Heliot

Fiche de Opération Nemo

Titre : Opération Nemo
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2004
Editeur : Magnard

Première page de Opération Nemo

« C’est une chute d’eau immense qui bouillonne sur les rochers en contrebas dans un vacarme assourdissant. Un rideau liquide tout droit tombé du ciel, comme si quelqu’un, là-haut, essorait les nuages. Nono s’inquiète. Jamais les océans ne pourront contenir autant d’eau, ça va déborder et former une crue gigantesque.
Nono survole la cascade. Il plane comme un aigle, incapable de détacher son regard des gerbes écumantes. Pourtant, il faut bien qu’il se réveille, sinon il sait ce qui va se passer : les draps mouillés et la honte de s’être encore oublié au lit. À son âge, bientôt dix ans, il n’est pourtant plus un bébé ! Vite, il faut penser à autre chose… Se réveiller, absolument !
Dans un effort surhumain, Nono s’arrache au rêve de Niagara qui accompagne immanquablement ses envies d’uriner. »

Extrait de : J. Heliot. « Opération Nemo. »

Obsidio par Johan Heliot

Fiche de Obsidio

Titre : Obsidio
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2003
Editeur : Denoël

Sommaire de Obsidio

  • Les maux blancs
  • Retour aux sources
  • Obsidio

Première page de Les maux blancs

« Sur la route du sang.

Un lézard vert et or file dans les fourrés.

L’homme en blanc (un costume de tweed à la mode anglaise, des mocassins vernis, un panama penché sur le côté du crâne) s’arrête. Avec sa gueule ravinée, il ressemble à Chet Baker vieux, à un ange torturé. Mais la comparaison est impossible. D’une part Chet Baker n’est pas vieux, nous sommes en 1955, il est encore le séraphin improbable qui pose en couverture de l’album Young Chet. Il ne connaît pas les canaux d’Amsterdam où l’attend la camarde. D’autre part, l’homme en blanc est jeune à cette époque, il n’a pas trente ans.

Le sang sur la route forme une flaque d’écarlate, qui contraste vivement avec le bitume noir. Garée sur le-bas-côté, une DeSoto cabossée, année quarante-huit ou quarante-neuf les ailes empoussiérées. La vitre du conducteur est constellée d’étoiles. L’homme en blanc en compte cinq, allumées au passage d’autant de balles brûlantes. »

Extrait de : J. Heliot. « Obsidio. »

Les vagabonds de l’entremonde par Johan Heliot

Fiche de Les vagabonds de l’entremonde

Titre : Les vagabonds de l’entremonde
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2006
Editeur : Intervista

Première page de Les vagabonds de l’entremonde

« S’il n’existait qu’un seul monde, nous n’aurions aucune raison de vivre. Nous, les passeurs de mondes. Car nous avons été créés pour servir ceux qui voyagent entre les différentes réalités. Beaucoup de gens effectuent ce genre de périple, plus que vous ne le croyez. Vous en avez croisés sans vous en rendre compte. Mais laissons cela pour l’instant, je n’ai pas pris la parole pour vous révéler les mystères de l’univers — du moins, pas encore.

Non, si j’ai décidé de faire entendre ma voix, c’est parce que les circonstances l’exigent. Jusqu’à présent, nous avons vécu dans le secret, habitués aux seconds rôles de l’Histoire, témoins silencieux d’événements fantastiques. Mais tout cela risque de prendre fin. C’est pourquoi je tiens à témoigner de notre existence, tant qu’il en est encore temps.

Une menace pèse sur l’avenir des mondes. On ne lui connaît pas d’autre nom que l’Illusionniste. On ne sait pas à quoi il ressemble. Moi-même, je ne l’ai jamais vu sous sa véritable apparence. Mais je sais qu’il existe et que tous ses efforts tendent à compromettre le fragile équilibre instauré au fil des siècles entre les mondes. »

Extrait de : J. Heliot. « Les vagabonds de l’entremonde. »

Les sous-vivants par Johan Heliot

Fiche de Les sous-vivants

Titre : Les sous-vivants
Auteur : Johan Heliot
Date de parution : 2016
Editeur : Seuil

Première page de Les sous-vivants

« – Debout ! tonna le vieil Ogden. Un Pur jamais ne paresse !
En guise de bonjour, il ne fallait pas espérer plus poli de sa part. D’aussi loin que Tigdal s’en souvînt, les réveils avaient toujours été brutaux. L’occasion, également, pour le Doyen de dispenser sa première leçon du jour. Beaucoup d’autres suivraient, sur le même ton. Ogden devait conserver pour ses seules pensées l’usage de l’amabilité…
Et encore, songea Tigdal, peut-être a-t-il l’habitude de se houspiller lui-même ! On ne pouvait jamais savoir avec le terrible vieillard, autant craint pour son caractère qu’admiré pour son expérience.
– Hâte-toi pour la toilette, mais ne te néglige pas. Un Pur toujours doit paraître à son avantage.
Tigdal étouffa un soupir. Il n’osa pas manifester plus ouvertement ses émotions. Le respect autant que la peur le retenaient. Ogden n’hésitait pas à rudoyer ses pupilles lorsqu’il les estimait impertinents. La peau, disait-il, se souvient mieux d’une leçon que l’esprit. Un bleu rappelait la faute commise et dissuadait de la répéter. »

Extrait de : J. Heliot. « Les Sous vivants. »