Étiquette : livre
Les pieds dans la tête par Pierre Pelot
Fiche de Les pieds dans la tête
Titre : Les pieds dans la tête
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1982
Editeur : Calmann-Lévy
Première page de Les pieds dans la tête
« APRÈS le départ des contrôleurs de l’assurance Thom-Phil, deux clients, que Diph Bilbee ne connaissait pas, poussèrent la porte du magasin. Ils étaient les bienvenus…
Diph et les jeunes gens parlèrent de bandes dessinées (ce procédé de narration alliant graphisme et texte, complètement tombé en désuétude) pendant plus d’une heure ; ils envisagèrent des possibilités d’échanges, les deux jeunes se révélèrent des amateurs plus qu’éclairés – à les entendre, ils possédaient en commun une multitude d’albums et même des numéros doubles de journaux en bon état, de magazines hebdomadaires pour la jeunesse des années soixante-dix. Ils achetèrent un album de Jeleu, ainsi qu’un autre signé Druillet, dépourvu de couverture mais authentifié. Ils s’en allèrent sur la promesse de revenir bientôt avec une cargaison de numéros doubles… »
Extrait de : P. Pelot. « Les pieds dans la tête. »
Les jardins d’éden par Pierre Pelot
Fiche de Les jardins d’éden
Titre : Les jardins d’éden
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2020
Editeur : Gallimard
Première page de Les jardins d’éden
« Bien entendu tu es content d’être sorti du fracas. Sauf que tu en traînes toujours des lambeaux avec toi, que l’échappée prend son temps, la garce, qu’on dirait bien n’en avoir jamais vraiment fini avec elle, au fond.
La bécasse de l’accueil leva de ses mots fléchés un œil qu’elle figea sur lui, le laissant venir à elle dans l’entrebâillement de sa paupière, sans trembler d’un cil.
La porte à tambour antédiluvienne émettait toujours le même soupir hoquetant, au démarrage. Seuil franchi, il s’était retrouvé tout net une bonne poignée d’années en arrière. Coincé dans la grimace d’un autre présent.
— Salut, Jip, dit la bécasse.
Paulette. Pareille à elle-même, irrémédiablement inaltérée, femme tronc derrière son meuble, dans un de ses immuables pulls à col roulé plus ou moins lâches – seul accommodement aux saisons – qu’elle portait indifféremment par canicule et neige de décembre, clim ou pas clim. »
Extrait de : P. Pelot. « Les jardins d’Eden. »
Les îles du vacarme par Pierre Pelot
Fiche de Les îles du vacarme
Titre : Les îles du vacarme
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1981
Editeur : Bragelonne
Première page de Les îles du vacarme
« Comment un homme normal aurait-il pu raisonnablement aimer Lorane ?
Ce n’était pas la première fois qu’il se posait la question ; en fait, il se l’était posée aussitôt après l’avoir rencontrée. Dans les mois qui suivirent, elle devint une sorte de leitmotiv qui ne manquait jamais de s’imposer à lui, tous les jours, tôt ou tard, lui vrillant le crâne et interrompant le cours ordinaire de ses pensées… Il s’en était accommodé. Et n’avait toujours pas trouvé de réponse satisfaisante.
Peut-être était-ce mieux, finalement ? Une réponse satisfaisante ne signifierait-elle pas la fin de quelque chose ? Encore une question à laquelle Dylan Dancer Moab, le Veilleur, ne voulait surtout pas apporter l’ombre d’une réponse. Rien qui aurait pu clarifier le problème. Surtout pas… »
Extrait de : P. Pelot. « Les Îles du vacarme. »
Les étoiles ensevelies par Pierre Pelot
Fiche de Les étoiles ensevelies
Titre : Les étoiles ensevelies
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1972
Editeur : Editions de l’amitié
Première page de Les étoiles ensevelies
« Le bonhomme sifflait entre ses dents un bout de mélodie infatigablement répété, toujours le même ; il se composait pour ce sifflotement une mine très sérieuse, en totale opposition avec l’allégresse du petit refrain sautillant. Du coin de l’œil, Antonio apercevait les joues mal rasées du bonhomme, alternativement gonflées et dégonflées, tremblotantes, suivant le rythme.
La route était mauvaise, crevassée par le gel, engoncée entre deux immenses étendues planes qu’une haie, ou un bosquet étriqué, parfois, tentaient de relever d’une écrasante monotonie. De temps à autre, également, la tache d’une bande de terre labourée, avec le bourreau mécanique dessus, et une poignée de silhouettes humaines lâchées en grappe. Il arrivait qu’un cheval rude ou un bœuf, remplaçât le tracteur, que l’homme fût seul aux mancherons de la charrue, mais c’était rare. Antonio avait compté dix tracteurs pour un bœuf ou un cheval. »
Extrait de : P. Pelot. « Les étoiles ensevelies. »
Les croix en feu par Pierre Pelot
Fiche de Les croix en feu
Titre : Les croix en feu
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1992
Editeur : L’atalante
Première page de Les croix en feu
« Un clou rouillé et tordu retenait encore la planche au tronc de l’arbre. Sur le morceau de bois rongé par les vers on pouvait lire, en grosses lettres peintes au pochoir :
Canetown
300 habitants
Le reste, en admettant qu’il y en eût un, était parti avec la seconde planche de la pancarte.
Scébanja descendit de cheval. Avec un coin de son foulard rouge, il essuya la sueur qui lui perlait au front, et poussa un long soupir. Un moment, il contempla l’inscription sur la planche, un demi-sourire sur ses lèvres épaisses, puis son regard erra sur les alentours. Il ne voyait pas encore la ville mais pouvait déjà la deviner derrière le gros boqueteau, au bout de la piste, bien assise comme toujours dans le creux des collines. »
Extrait de : P. Pelot. « Les croix en feu. »
Les chiens qui traversent la nuit par Pierre Pelot
Fiche de Les chiens qui traversent la nuit
Titre : Les chiens qui traversent la nuit
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 2003
Editeur : Rivages
Première page de Les chiens qui traversent la nuit
« La DS, blanche à une époque, roulait à tombeau ouvert à travers le terrain vague et tirait derrière elle un long tourbillon de poussière. Le moteur grondant poussait un interminable graillement qui fusait en hoquetant du pot d’échappement sinistré. C’était l’étuve, derrière le pare-brise quasiment opaque et ses arcades presque transparentes tracées dans la crasse par des essuie-glaces maintenant disparus, ça sentait le tabac, la bière, le plastique chaud, l’essence, la vieille graisse, et quelques odeurs d’appoint non identifiables.
Germano drivait tout ça à la sportive et en chantant – c’est-à-dire qu’il braillait, accompagnant la musique échappée de l’autoradio planté dans la boîte à gants, attrapant de temps à autre une parole qu’il restituait plus ou moins phonétiquement. »
Extrait de : P. Pelot. « Les chiens qui traversent la nuit. »
Les caïmans sont des gens comme les autres par Pierre Pelot
Fiche de Les caïmans sont des gens comme les autres
Titre : Les caïmans sont des gens comme les autres
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1996
Editeur : Bragelonne
Première page de Les caïmans sont des gens comme les autres
« On entendit d’abord la voiture arriver – forcément. Ensuite, on l’entendit ralentir et freiner. Et puis ses pneus sur le gravier, le moteur coupé. Un court instant plus tard, la portière qui claquait.
Au moment même où l’homme franchissait le seuil, une mouche tomba dans le verre de bière du gamin, bien que cela n’eût probablement aucun rapport avec l’entrée de l’étranger, en dépit de la sévère odeur de merde qui flotta aussitôt dans la salle du café. C’était juste une coïncidence. En réalité, le gamin ne prêta aucune attention à la mouche dans son verre. Il y avait une bonne douzaine d’autres cadavres d’insectes sur le bar de formica, certains pas encore tout à fait cadavres et zizillant leur agonie en tournoyant sur le dos. La senteur de merde filtrait insidieusement à travers cette autre odeur pas vraiment flatteuse du produit tue-mouches vaporisé dans l’atmosphère pesante et chaude de la fin de journée. Ce que regardait le gamin, c’était le type qui venait d’entrer. »
Extrait de : P. Pelot. « Les caïmans sont des gens comme les autres. »
Le sourire des crabes par Pierre Pelot
Fiche de Le sourire des crabes
Titre : Le sourire des crabes
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1977
Editeur : Bragelonne
Première page de Le sourire des crabes
« La maison était douce, les bruits n’y venaient pas.
Polipotern dansait quelque part au-dehors, ou ailleurs, je ne sais pas. Je ne sais pas encore, et ne connais pas Polipotern.
La maison était douce, molle, bien taillée sur mesure. À ma mesure. C’est bien.
Je dors.
Il y a une porte à ma maison, porte que je pousse, en souriant, car je souris toujours. Il fait chaud, il fait mou. J’ai le choix. Alors je choisis la mer – je ne sais pas ce que c’est, mais je choisis la mer. À cause de l’eau, peut-être… C’est certainement à cause de l’eau.
C’était ainsi depuis toujours, depuis cette première fois où quelqu’un inventa le mot Temps. La maison molle et agréable, avec la porte poussée, sur la mer ou le sable. Avec la chaleur du soleil. Et j’ai su que les choses allaient changer. »
Extrait de : P. Pelot. « Le Sourire des crabes. »
Le père Noël s’appelle Basile par Pierre Pelot
Fiche de Le père Noël s’appelle Basile
Titre : Le père Noël s’appelle Basile
Auteur : Pierre Pelot
Date de parution : 1993
Editeur : Castelmore
Première page de Le père Noël s’appelle Basile
« C’était le vendredi, dernier jour de classe avant les vacances de Noël. La maîtresse quitta la cour au beau milieu de la récréation de l’après-midi, et ne revint pas.
Elle était entrée dans la classe de la directrice qui se tenait debout près de la fenêtre, bras croisés dans une attitude frileuse comme si la grisaille, derrière la vitre, s’infiltrait en elle.
Le ciel avait disparu depuis le lundi précédent, emportant avec lui le paysage. Comme si les nuages de cette fin décembre pesaient infiniment, remplis de ce qu’ils avaient pu avaler sur leur parcours, en traversant l’année. Les brumes épaisses et roulantes s’étaient couchées sur le pays briard. »
Extrait de : P. Pelot. « Le Père Noël s’appelle Basile. »