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L’île de la fée par Edgar Allan Poe
Fiche de L’île de la fée
Titre : L’île de la fée
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1841
Traduction : C. Baudelaire
Editeur : Bibebook
Première page de L’île de la fée
« La musique, – dit Marmontel, dans ces Contes Moraux que nos traducteurs persistent à appeler Moral Tales, comme en dérision de leur esprit, – la musique est le seul des talents qui jouisse de lui-même ; tous les autres veulent des témoins. Il confond ici le plaisir d’entendre des sons agréables avec la puissance de les créer. Pas plus qu’aucun autre talent, la musique n’est capable de donner une complète jouissance, s’il n’y a pas une seconde personne pour en apprécier l’exécution. Et cette puissance de produire des effets dont on jouisse pleinement dans la solitude ne lui est pas particulière ; elle est commune à tous les autres talents. L’idée que le conteur n’a pas pu concevoir clairement, ou qu’il a sacrifiée dans son expression à l’amour national du trait, est sans doute l’idée très soutenable que la musique du style le plus élevé est la plus complètement sentie quand nous sommes absolument seuls. »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « L’île de la Fée. »
L’homme des foules par Edgar Allan Poe
Fiche de L’homme des foules
Titre : L’homme des foules
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1840
Traduction : C. Baudelaire
Editeur : Bibebook
Première page de L’homme des foules
« On a dit judicieusement d’un certain livre allemand : Es loesst sich nicht lesen, – il ne se laisse pas lire. Il y a des secrets qui ne veulent pas être dits. Des hommes meurent la nuit dans leurs lits, tordant les mains des spectres qui les confessent, et les regardant pitoyablement dans les yeux ; – des hommes meurent avec le désespoir dans le coeur et des convulsions dans le gosier à cause de l’horreur des mystères qui ne veulent pas être révélés. Quelquefois, hélas ! la conscience humaine supporte un fardeau d’une si lourde horreur qu’elle ne peut s’en décharger que dans le tombeau. Ainsi l’essence du crime reste inexpliquée.
Il n’y a pas longtemps, sur la fin d’un soir d’automne, j’étais assis devant la grande fenêtre cintrée du café D…, à Londres. »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « L’homme des foules. »
L’ange du bizarre par Edgar Allan Poe
Fiche de L’ange du bizarre
Titre : L’ange du bizarre
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1844
Traduction : C. Baudelaire
Editeur : Bibebook
Première page de L’ange du bizarre
« C’était une froide après-midi de novembre. Je venais justement d’expédier un dîner plus solide qu’à l’ordinaire, dont la truffe dyspeptique ne faisait pas l’article le moins important, et j’étais seul, assis dans la salle à manger, les pieds sur le garde-feu et mon coude sur une petite table que j’avais roulée devant le feu, avec quelques bouteilles de vins de diverses sortes et de liqueurs spiritueuses.
Dans la matinée, j’avais lu le Léonidas, de Glover ; l’Épigoniade, de Wilkie ; le Pèlerinage 1, de Lamartine ; La Colombiade, de Barlow ; la Sicile, de Tuckermann, et les Curiosités, de Griswold ; aussi, l’avouerai-je volontiers, je me sentais légèrement stupide. Je m’efforçai de me réveiller avec force verres de laffite, et n’y pouvant réussir, de désespoir j’eus recours à un numéro de journal égaré près de moi. Ayant soigneusement lu la colonne des maisons à louer, et puis la colonne des chiens perdus, et puis les deux colonnes des femmes et apprenties en fuite, j’attaquai avec une vigoureuse résolution la partie éditoriale, et, l’ayant lue depuis le commencement jusqu’à la fin sans en comprendre une syllabe, il me vint à l’idée qu’elle pouvait bien être écrite en chinois ; et je la relus alors, depuis la fin jusqu’au commencement. »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « L’ange du bizarre. »
Hop-Frog par Edgar Allan Poe
Fiche de Hop-Frog
Titre : Hop-Frog
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1849
Traduction : C. Baudelaire
Editeur : Bibebook
Première page de Hop-Frog
« Je n’ai jamais connu personne qui eût plus d’entrain et qui fût plus porté à la facétie que ce brave roi. Il ne vivait que pour les farces. Raconter une bonne histoire dans le genre bouffon, et la bien raconter, c’était le plus sûr chemin pour arriver à sa faveur. C’est pourquoi ses sept ministres étaient tous gens distingués par leurs talents de farceurs. Ils étaient tous taillés d’après le patron royal, – vaste corpulence, adiposité, inimitable aptitude pour la bouffonnerie. Que les gens engraissent par la farce ou qu’il y ait dans la graisse quelque chose qui prédispose à la farce, c’est une question que je n’ai jamais pu décider ; mais il est certain qu’un farceur maigre peut s’appeler rara avis in terris.
Quant aux raffinements, ou ombres de l’esprit, comme il les appelait lui-même, le roi s’en souciait médiocrement. Il avait une admiration spéciale pour la largeur dans la facétie, et il la digérait même en longueur, pour l’amour d’elle. Les délicatesses l’ennuyaient. Il aurait préféré le Gargantua de Rabelais au Zadig de Voltaire, et par-dessus tout les bouffonneries en action accommodaient son goût, bien mieux encore que les plaisanteries en paroles. »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « Hop-Frog. »
Eléonora par Edgar Allan Poe
Fiche de Eléonora
Titre : Eléonora
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1841
Traduction : C. Baudelaire
Editeur : Bibebook
Première page de Eléonora
« Je suis issu d’une race qu’ont illustrée une imagination vigoureuse et des passions ardentes. Les hommes m’ont appelé fou ; mais la science ne nous a pas encore appris si la folie est ou n’est pas le sublime de l’intelligence, si presque tout ce qui est la gloire, si tout ce qui est la profondeur, ne vient pas d’une maladie de la pensée, d’un mode de l’esprit exalté aux dépens de l’intellect général. Ceux qui rêvent éveillés ont connaissance de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu’endormis. Dans leurs brumeuses visions, ils attrapent des échappées de l’éternité et frissonnent, en se réveillant, de voir qu’ils ont été un instant sur le bord du grand secret. Ils saisissent par lambeaux quelque chose de la connaissance du Bien, et plus encore de la science du Mal. Sans gouvernail et sans boussole, ils pénètrent dans le vaste océan de la lumière ineffable, et comme pour imiter les aventuriers du géographe nubien, aggressi sunt Mare Tenebrarum, quid in eo esset exploraturi. »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « Éléonora. »
Le joueur d’échecs de Maelzel par Edgar Allan Poe
Fiche de Le joueur d’échecs de Maelzel
Titre : Le joueur d’échecs de Maelzel
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1836
Traduction : C. Baudelaire
Editeur : Bibebook
Première page de Le joueur d’échecs de Maelzel
« Aucune exhibition du même genre n’a jamais peut-être autant excité l’attention publique que Le Joueur d’échecs de Maelzel. Partout où il s’est fait voir, il a été, pour toutes les personnes qui pensent, l’objet d’une intense curiosité. Toutefois, la question du modus operandi n’est pas encore résolue. Rien n’a été écrit sur ce sujet qui puisse être considéré comme décisif. En effet, nous rencontrons partout des hommes doués du génie de la mécanique, doués d’une perspicacité générale fort grande et d’un rare discernement, qui n’hésitent pas à déclarer que l’automate en question est une pure machine, dont les mouvements n’ont aucun rapport avec l’action humaine, et qui est conséquemment, sans aucune comparaison, la plus étonnante de toutes les inventions humaines. Et cette conclusion, disons-le, serait irréfutable, si la supposition qui la précède était juste et plausible. Si nous adoptions leur hypothèse, il serait vraiment absurde de comparer au Joueur d’échecs tout autre individu analogue, soit des temps anciens, soit des temps modernes. »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « Le joueur d’échecs de Maelzel. »
Double assassinat dans la rue Morgue par Edgar Allan Poe
Fiche de Double assassinat dans la rue Morgue
Titre : Double assassinat dans la rue Morgue
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1841
Traduction : C. Baudelaire
Editeur : Feedbooks
Première page de Double assassinat dans la rue Morgue
« Les facultés de l’esprit qu’on définit par le terme analytiques sont en elles-mêmes fort peu susceptibles d’analyse. Nous ne les apprécions que par leurs résultats. Ce que nous en savons, entre autre choses, c’est qu’elles sont pour celui qui les possède à un degré extraordinaire une source de jouissances des plus vives. De même que l’homme fort se réjouit dans son aptitude physique, se complaît dans les exercices qui provoquent les muscles à l’action, de même l’analyse prend sa gloire dans cette activité spirituelle dont la fonction est de débrouiller. Il tire du plaisir même des plus triviales occasions qui mettent ses talents en jeu. Il raffole des énigmes, des rébus, des hiéroglyphes ; il déploie dans chacune des solutions une puissance de perspicacité qui, dans l’opinion vulgaire, prend un caractère surnaturel. »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « Double Assassinat dans la rue Morgue. »
Derniers contes par Edgar Allan Poe
Fiche de Derniers contes
Titre : Derniers contes
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1887
Traduction : F. Rabbe
Editeur : Ebooksgratuits
Sommaire de Derniers contes
- Le duc de l’omelette
- Le mille et deuxième conte de Schéhérazade
- Mellonta tauta
- Comment s’écrit un article à La blackwood
- La filouterie considérée comme science exacte
- L’homme d’affaires
- L’ensevelissement prématuré
- Bon-bon
- La cryptographie
- Du principe poétique
- Quelques secrets de la prison du magazine
Première page de Le duc de l’omelette
« Keats est mort d’une critique. Qui donc mourut de l’Andromaque(1) ? Âmes pusillanimes ! De l’Omelette mourut d’un ortolan. L’histoire en est brève(2). Assiste-moi, Esprit d’Apicius !
Une cage d’or apporta le petit vagabond ailé, indolent, languissant, énamouré, du lointain Pérou, sa demeure, à la Chaussée d’Antin. De la part de sa royale maîtresse la Bellissima, six Pairs de l’Empire apportèrent au duc de l’Omelette l’heureux oiseau.
Ce soir-là, le duc va souper seul. Dans le secret de son cabinet, il repose languissamment sur cette ottomane pour laquelle il a sacrifié sa loyauté en enchérissant sur son roi, – la fameuse ottomane de Cadet.
Il ensevelit sa tête dans le coussin. L’horloge sonne ! Incapable de réprimer ses sentiments, Sa Grâce avale une olive. »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « Derniers contes. »
Conversation d’Eiros avec Charmion par Edgar Allan Poe
Fiche de Conversation d’Eiros avec Charmion
Titre : Conversation d’Eiros avec Charmion
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1839
Traduction : C. Baudelaire
Editeur : Bibebook
Première page de Conversation d’Eiros avec Charmion
« Je t’apporterai le feu.
Euripide. – Andromaque.
EIROS. – Pourquoi m’appelles-tu Eiros ?
CHARMION. – Ainsi t’appelleras-tu désormais. Tu dois oublier aussi mon nom terrestre et me nommer Charmion.
EIROS. – Ce n’est vraiment pas un rêve !
CHARMION. – De rêves, il n’y en a plus pour nous ; – mais renvoyons à tantôt ces mystères. Je me réjouis de voir que tu as l’air de posséder toute ta vie et ta raison. La taie de l’ombre a déjà disparu de tes yeux. Prends courage, et ne crains rien. Les jours à donner à la stupeur sont passés pour toi ; et demain je veux moi-même t’introduire dans les joies parfaites et les merveilles de ta nouvelle existence.
EIROS. – Vraiment, – je n’éprouve aucune stupeur, – aucune. L’étrange vertige et la terrible nuit m’ont quittée, et je n’entends plus ce bruit insensé, précipité, horrible, pareil à la voix des grandes eaux. Cependant mes sens sont effarés, Charmion, par la pénétrante perception du nouveau. »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « Conversation d’Eiros avec Charmion. »
Colloque entre Monos et Una par Edgar Allan Poe
Fiche de Colloque entre Monos et Una
Titre : Colloque entre Monos et Una
Auteur : Edgar Allan Poe
Date de parution : 1841
Traduction : C. Baudelaire
Editeur : Bibebook
Première page de Colloque entre Monos et Una
« Choses futures.
Sophocle – Antigone.
UNA. – Ressuscité ?
MONOS. – Oui, très belle et très adorée Una, ressuscité. Tel était le mot sur le sens mystique duquel j’avais si longtemps médité, repoussant les explications de la prêtraille jusqu’à tant que la mort elle-même vînt résoudre l’énigme pour moi.
UNA. – La Mort !
MONOS. – Comme tu fais étrangement écho à mes paroles, douce Una ! J’observe aussi une vacillation dans ta démarche, – une joyeuse inquiétude dans tes yeux. Tu es troublée, oppressée par la majestueuse nouveauté de la Vie Éternelle. Oui, c’était de la Mort que je parlais. Et comme ce mot résonne singulièrement ici, ce mot qui jadis portait l’angoisse dans tous les coeurs, – jetait une tache sur tous les plaisirs !
UNA. – Ah ! la Mort, le spectre qui s’asseyait à tous les festins ! Que de fois, Monos, nous nous sommes perdus en méditations sur sa nature ! Comme il se dressait, mystérieux contrôleur, devant le bonheur humain, lui disant : Jusque-là, et pas plus loin ! »
Extrait de : Edgar Allan Poe. « Colloque entre Monos et Una. »