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L’odeur de la bête par P. Curval

Fiche de L’odeur de la bête

Titre : L’odeur de la bête
Auteur : P. Curval
Date de parution : 1981
Editeur : Denoël

Première page de L’odeur de la bête

« Quelques minutes à peine après avoir savouré le plaisir de débarquer, d’accomplir minutieusement les formalités prometteuses de dépaysement, Antoine Stapole éprouva l’insaisissable sentiment de désir inassouvi qui s’empare parfois du voyageur lorsqu’il aborde un nouveau monde. Ce n’étaient ni les ombres projetées par un soleil jaune, aux rayons obliques, ni l’infinie perspective d’arcades qui s’ouvrait dès l’astroport franchi, ni même le froid vif à cette heure de l’après-midi, qui l’indisposaient ; mais plutôt la rémanence d’anciens paysages qui se superposaient à celui qu’il découvrait, brouillant les cartes de la mémoire, mêlant insidieusement à la surprise les images entêtantes du « déjà vu ».

Il avait pourtant préparé son arrivée sur Shafton, évitant soigneusement toute référence à son climat, à sa géographie, son histoire, sa population, interdisant autour de lui qu’on présentât la moindre monographie, le moindre »

Extrait de : P. Curval. « L’odeur de la bête. »

L’homme qui s’arrêta par P. Curval

Fiche de L’homme qui s’arrêta

Titre : L’homme qui s’arrêta
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2013
Editeur : La volte

Sommaire de L’homme qui s’arrêta

  • Pourquoi ressusciter ?
  • L’homme qui habitait une chambre de bonne avec un Picasso
  • Le pénis d’ivoire dans son étui de cuir noir
  • La mort au goût de chocolat
  • Version originale
  • Lafuma extra strong
  • Temps de la douleur
  • Le testament d’un enfant mort
  • Journal contaminé
  • L’homme qui s’arrêta

Première page de Pourquoi ressusciter ?

« Bientôt, mon père va ressusciter.

Cela n’a pas été une mince affaire. Passons sur les innombrables difficultés administratives nécessaires à l’ouverture de sa tombe, indispensables pour se procurer l’autorisation d’effectuer les prélèvements, de sauvegarder quelques cellules afin d’obtenir des molécules, ADN, ARN, sous des prétextes généalogiques. Oublions les pénibles démarches qu’il m’a fallu faire auprès de mes frères et sœurs cadets pour les persuader de me prêter les documents qu’ils possédaient encore, photos, dévédés, reliques, éléments de son mobilier, de son décor lorsqu’il achevait sa vie. À son décès, je leur avais abandonné l’héritage, c’est-à-dire quelques actions et la maison familiale. Ils avaient vendu les valeurs et bradé la maison après avoir failli s’entre-tuer pour sa possession.

Je viens de la racheter. Une baraque perdue dans le Jura près de la frontière suisse allemande, belle de caractère mais plutôt en ruine. L’acheteur avait du flair. Il m’a vu venir en pensant que la nostalgie avait son prix. Je m’en fichais. Je souhaitais d’abord trouver le lieu idéal pour accueillir mon père. »

Extrait de : P. Curval. « L’homme qui s’arrêta. »

L’homme à rebours par P. Curval

Fiche de L’homme à rebours

Titre : L’homme à rebours
Auteur : P. Curval
Date de parution : 1974
Editeur : J’ai lu

Première page de L’homme à rebours

« DANS UN DÉSERT ABSURDE

Par le jeu incessant des enfants, la plage, déserte sur les côtés cour et jardin, s’anime. Une balle orange dessine une griffure brève sur le gris sombre de la mer et du ciel ; elle retombe entre les mains maladroites d’une fillette, qui la lâche. L’orange s’éteint sur l’ocre du sable. J’observe ces ébats à travers les colonnes métalliques d’un patio ouvert sur le ressac ; les brefs éclairs de flashes électroniques décomposent le jeu des enfants en milliers d’instantanés, échantillons photographiques qui titillent ma mémoire.

Quels sont ces enfants ? Quel est ce rivage ? Ces images bulles qui surgissent soudainement dans mon esprit sont séparées de leur contexte, je ne peux les rattacher à aucun souvenir ; et pourtant il me semble avoir vécu des événements semblables. »

Extrait de : P. Curval. « L’homme a rebours. »

L’Europe après la pluie par P. Curval

Fiche de L’Europe après la pluie

Titre : L’Europe après la pluie
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2016
Editeur : La volte

Sommaire de L’Europe après la pluie

  • Cette chère humanité
  • Le dormeur s’éveillera-t-il ?
  • En souvenir du futur
  • L’homme immobile
  • Bruit de fond

Première page de Cette chère humanité

« La première ligne de crête franchie, Belgacen se trouva soudain ébloui par la lumière ; blanche et crue, elle émanait de la neige qui l’entourait. Elle irradiait sur son visage à la manière des feux d’une rampe au théâtre, soulignant ses arcades sourcilières, ses paupières inférieures, ses narines, sa lèvre supérieure, le creux de ses pommettes et l’ovale de son menton. Sa face, ainsi maquillée par l’éclat de la blancheur, apparaissait comme sur un négatif photographique.

Suspendu à quelques mètres du sol par un compensateur de gravité, Belgacen glissait dans la nuit. Les techniciens de la Ligue avaient réalisé un modèle très silencieux de moteur linéaire pour le propulser ; il entendait à peine le bruit des pales qui tournaient avec frénésie au-dessus de son dos. Solidement fixé à son torse par une légère armature plastique, l’appareillage le maintenait dans une position horizontale. Belgacen se comparait à un héros de bande dessinée, nageant sans effort à »

Extrait de : P. Curval. « L’Europe après la pluie. »

Juste à temps par P. Curval

Fiche de Juste à temps

Titre : Juste à temps
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2013
Editeur : La volte

Première page de Juste à temps

« Simon ruminait sa colère. Dont l’origine ne puisait à aucune haine. Née plutôt d’un sentiment inacceptable. Cause de cette effervescence incontrôlée qui lui brisait le corps, raidissait ses muscles et sa colonne vertébrale. Se tordre le cou de droite à gauche ne le soulageait pas. Gueuler ! Pourquoi ? Aucun mot ne suffirait pour traduire. Traduire quoi ? Ce bouillonnement intérieur qui n’avait aucun sens. Terroriste. Se faire éclater le ventre avec une bombe à retardement. Parce qu’il se sentait tellement en retard sur ce qu’il n’avait pas su prévoir. Si encore tout foutait le camp dans sa vie. Mais non. Rien n’allait mal, sinon lui. Lui ! Pas tellement. Était-ce le temps qui allait mal ? Ou l’air du temps ? Plutôt l’air, tout simplement. Sa colère puait la figue sèche, le désœuvrement, traçait une barre de feu sur un côté de sa langue, soulignait son œil droit d’une ligne de migraine qui lui faisait cligner la paupière gauche comme un phare dans la tempête. »

Extrait de : P. Curval. « Juste a temps. »

Idem’s par P. Curval

Fiche de Idem’s

Titre : Idem’s
Auteur : P. Curval
Date de parution : 2021
Editeur : La volte

Première page de Idem’s

« SI NON E VERO E BEN TROVATO

Bien que j’y cède parfois pour des raisons amicales ou professionnelles, mon plus grand ennui, en tant qu’écrivain, c’est de parler de mon travail. Si je m’intéresse toujours à un roman, même quand je l’ai terminé, je n’ai pas envie d’en parler. Je préférerais que telle ou telle personne me dise pourquoi elle l’a aimé ou ne l’a pas aimé. Si j’essaie de jeter quelque lumière sur mon écriture, j’ai l’impression de me mentir à moi-même.

Les vraies raisons qui m’inspirent doivent demeurer mystérieuses. Parce qu’elles relèvent de l’intime, je ne souhaite pas en discuter.

L’écrivain passe une grande partie de son temps seul, ce qui rend certaines relations difficiles. Pourtant j’adore être seul, le silence a pour moi une substance et une qualité propre, comme la peinture.

D’où le titre de ce texte en forme de préface qui s’inspire d’un dicton
vénitien : Si non e vero e ben trovato. »

Extrait de : P. Curval. « Idem’s. »

Futurs au présent par P. Curval

Fiche de Futurs au présent

Titre : Futurs au présent
Auteur : P. Curval
Date de parution : 1978
Editeur : Denoël

Sommaire de Futurs au présent

  • Histoire de Dan Olphin par J.-P. Vernay
  • Horizons perdus par A. Aubin
  • La nuit des chiens par D. Martinange
  • Artésis comment ? par J.-M. Ligny
  • Tendu à mort, l’arc immobile du désir par P. Ziegelmeyer
  • Pochcryptum par C. Goldman
  • Face à face par J. Marsais
  • Rituel pour un homme claustré par D. Warfa
  • Le grand voyant par D. Fernandez
  • Programmation par R. Gamond
  • Tremblement de terre par J. Montanié
  • One man show par F. Jacomin
  • La nuit tous les chats sont gris par A. Hamon
  • Tchaomort, les hebdodos ! par J.-B. Thirion
  • Raid sur Monaco par G. Coisne
  • Comme un pilote en son navire par B. Lecigne
  • Funnyway par S. Brussolo

Première page de Histoire de Dan Olphin

« Ouais, m’sieur, comme je vous ai dit. J’ai bien connu Daniel. Dites, votre magnéto, il enregistre tout ce que je dis ? C’est pour les journaux, ou quoi ? Pour les journaux. Je continue… Vous voulez que je reprenne tout depuis le début ? Tout ?
C’était un lundi, je crois, que tout a commencé. J’étais assis devant chez moi, sur les marches d’escalier, n’attendant rien. C’est une habitude que j’avais prise depuis qu’on m’avait mis à la porte de l’équipe d’I.T.T. ; faut vous dire que, pendant huit ans, j’ai été leur entraîneur sportif no 1, en fait j’ai débuté le jour même où la loi sur les équipes privées est passée ; un beau jour, ils se sont dit que je ne valais plus un clou, alors ils m’ont foutu dehors sans préavis ; bien sûr, après plus personne n’a voulu de moi ; c’est comme ça que j’ai pris un certain nombre d’habitudes, comme m’asseoir sur le pas de ma porte par exemple, et regarder les gens passer. »

Extrait de : P. Curval. « Futurs au présent. »

Debout les morts, le train fantôme entre en gare par P. Curval

Fiche de Debout les morts, le train fantôme entre en gare

Titre : Debout les morts, le train fantôme entre en gare
Auteur : P. Curval
Date de parution : 1984
Editeur : Denoël

Sommaire de Debout les morts, le train fantôme entre en gare

  • L’homme immobile
  • La dernière photo de Laure Lye
  • Un secret bien suivi
  • Le monde est une insomnie
  • La nécropole enracinée
  • Pas de week-end pour les zombis
  • Debout, les morts ! Le train fantôme entre en gare
  • Si vous n’avez rien à me dire

Première page de L’homme immobile

« L’aveugle avançait, pieds nus, sur le trottoir en braille. Ses orteils sensibles auscultaient prudemment la bande codée, gravée dans le milieu de la chaussée. Il avait besoin de vérifier sans cesse sa destination : une heure auparavant, il venait de s’évader de l’unité carcérale de bienfaisance, l’UCARBE, comme certains la nommaient.
« Boissard, les autorités de la communauté urbaine de Parouen ont prononcé la déchéance de votre citoyenneté. Vous en connaissez les raisons ! »
Certes, il n’avait rien oublié ; en Marcom, personne ne peut jouir librement de son existence s’il est tant soit peu infirme. À plus forte raison quand il a perdu le privilège de ses yeux. Les rubans informatisés des trottoirs n’étaient pas destinés aux aveugles, mais aux minuscules robots urbains qui patrouillaient sur les chaussées pour secourir les humains et surveiller s’ils obéissaient aux stricts règlements de la sécurité et de la propreté. Leur codage n’était pas en braille, mais en langage binaire : Julien en savait quelque chose, lui qui avait dû l’apprendre patiemment durant les trois premières années suivant sa déchéance civique. »

Extrait de : P. Curval. « Debout les morts, le train fantome entre en gare. »

Congo Pantin par P. Curval

Fiche de Congo Pantin

Titre : Congo Pantin
Auteur : P. Curval
Date de parution : 1995
Editeur : Gallimard

Première page de Congo Pantin

« Souvenirs de Congo

Au loin, Paris en alerte brillait de ses faisceaux laser. Ils balayaient le ciel, prêts à détecter toute approche suspecte. Congo Pantin sourit à la lune qui se levait aux confins lugubres de la zone. Ses dents se détachaient en jaune sur son visage de plâtre. Au ciel, dans un contre-jour d’orage, les derniers rayons du soleil foraient les nuages bistre d’une lumière d’apocalypse.

La chute du jour rappelait à l’albinos cette éclipse qui avait assombri l’horizon, brutale, quand l’Aile noire s’y était écrasée. Il n’oublierait jamais son sifflement rageur ; plaque de colère sombre virevoltant dans l’espace, fauchant les immeubles à chacun de ses balancements mortels. Soudain repoussé par les forces contraires qu’il avait déchaînées, l’appareil vibrant de toutes ses membrures s’était aplati sur la banlieue. »

Extrait de : P. Curval. « Congo Pantin. »

Comment jouer à l’homme invisible en trois leçons par P. Curval

Fiche de Comment jouer à l’homme invisible en trois leçons

Titre : Comment jouer à l’homme invisible en trois leçons
Auteur : P. Curval
Date de parution : 1986
Editeur : Denoël

Première page de Comment jouer à l’homme invisible en trois leçons

« PREMIÈRE LEÇON – BANANER

La preuve d’une simulation n’est pas plus aisée à définir que la simulation d’une preuve.

Prenons le cas d’un personnage décidé à maigrir en ne mangeant que des bananes. Le régime de banane précède-t-il ou succède-t-il au régime des apparences ? Ou bien l’apparence d’une banane peut-elle suffire à commencer un régime ? Manger des bananes qui n’existent pas entraîne-t-il l’amaigrissement du sujet ? Sinon, simuler un amaigrissement peut-il susciter l’apparence d’une banane, encore mieux, fournir la preuve d’un régime ? Enfin, dans le cas où le sujet maigrit sans paraître manger des bananes, existe-t-il un moyen de prouver qu’il a simulé un changement d’apparence ? Ou bien doit-on l’accuser de manger des bananes synthétiques, à l’insu de tous, même s’il n’y a pas de témoin ? »

Extrait de : P. Curval. « Comment jouer à l’homme invisible en trois leçons. »