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Les chasseurs de sève par Laurent Genefort

Fiche de Les chasseurs de sève

Titre : Les chasseurs de sève
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1994
Editeur : Fleuve noir

Première page de Les chasseurs de sève

« Le soleil tombait en oblique de la voûte, par le filtre vert de la frondaison. Certaines feuilles, vernissées comme des piments, s’enroulaient sur elles-mêmes, à l’instar de grosses chenilles inertes.
— Eh, Piérig ! lança Masir dans son dos. Tu as une crampe ou quoi ? C’est à ton tour de pédaler.
— Tu as un sablier dans la tête, répliqua Piérig un peu agacé. À la prochaine colonne, d’accord ?
À l’instant où il disait cela, l’écho d’un craquement se répercuta dans l’Arche. Un bruit qui avait quelque chose d’un clappement de mâchoire gigantesque, et qui provenait d’en bas. Instinctivement, les muscles du jeune homme se contractèrent. Il n’avait pas peur d’une éventuelle rupture de l’alliane qui les portait, non. Il pensait à l’Histoire. Ventremonde, l’ogre-monde d’où était née l’humanité, quand le temps ne coulait pas de la même manière.
Ventremonde avait modelé l’homme et la femme sur ses flancs de roc, les avait nourris de sa terre, afin de les avaler, une fois qu’ils auraient procréé en nombre suffisant pour apaiser sa faim. »

Extrait de : L. Genefort. « Les chasseurs de sève. »

Le sang des immortels par Laurent Genefort

Fiche de Le sang des immortels

Titre : Le sang des immortels
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1997
Editeur : Fleuve noir

Première page de Le sang des immortels

« Le temps-rapide, parfois, le rappelait à l’ordre.
Le temps des sang-rouge, des humains. Le seul en tout cas que leur cerveau était capable de concevoir. Souvent, ils venaient le trouver dans sa caverne et déverser sur lui des torrents d’ondes acoustiques organisées – des mots. Le Drac les écoutait. Quand une cellule de sa multiconscience (autrement dit son moi-rapide) émergeait dans le temps-rapide, elle en profitait pour remettre à jour ses connaissances dans le langage des sang-rouge. Le Drac l’avait forgé dès le début à leur intention, mais il variait un peu au cours des années, même si eux ne changeaient pas.
Une cellule de sa multiconscience se détacha de son moi-lent, afin d’intégrer les données acquises récemment. Il faisait jour, la mousson était passée à en juger par la couleur du liseron, à l’entrée rectangulaire de son repaire. Son corps, vieux de cent mille ans, conservait sa cohérence originelle et ne souffrait d’aucune défaillance. »

Extrait de : L. Genefort. « Le sang des immortels. »

Le monde blanc par Laurent Genefort

Fiche de Le monde blanc

Titre : Le monde blanc
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1992
Editeur : Fleuve noir

Première page de Le monde blanc

« Les bonbonnes métalliques s’entrechoquaient dans un silence de mort. Bouteilles encombrantes, craquelées, d’un blanc émaillé les faisant paraître fragiles, à la limite de l’éclatement. Lester en percevait le martèlement sourd à travers les boudins de ses gants. « Un jour, songea le garçon, elles vont exploser entre mes mains, et m’asperger de liquide à moins 200°… Mes doigts gèleront, ma peau collera au rembourrage intérieur ! il faudra les découper au laser… »
Bien sûr, il exagérait. Cet accident ne s’était produit qu’une fois dans le passé. Une seule fois. Mais Lester avait besoin de concentrer sa haine sur quelque chose pour ne pas la laisser éclater dans la radio.
— Saloperies de bouteilles…
Il détestait les corvées d’entretien : chacune d’elles lui rappelait dans quel état de délabrement se trouvaient les centres vitaux de l’arcologie. »

Extrait de : L. Genefort. « Le monde blanc. »

Le continent déchiqueté par Laurent Genefort

Fiche de Le continent déchiqueté

Titre : Le continent déchiqueté
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1997
Editeur : Fleuve noir

Première page de Le continent déchiqueté

« Les étoiles clignotèrent dans la Porte de Vangk, avant de disparaître. Le plan singulaire se formait, ouvrant une faille de néant à l’intérieur de la construction spatiale en forme d’anneau. Cet anneau mesurait un peu plus d’un kilomètre et demi de diamètre. Durant une période estimable en millisecondes, un vaisseau se matérialisa, fonçant à six kilomètres par seconde vers Ophius, une étoile avortée autour de laquelle orbitait la Porte de Vangk.
La Porte se referma, pour se rouvrir douze secondes plus tard. Au bout d’une minute et demie, elle avait régurgité sept navires, de tailles, de formes et de fonctions différentes. Aucun d’entre eux ne portait de pavillon, ni de signe distinctif. Leurs transmissions étaient codées selon des protocoles sécurisés de haut niveau.
Six vaisseaux commencèrent aussitôt à décélérer, tout en déployant leurs trajectoires tactiques vers Ophius. »

Extrait de : L. Genefort. « Le continent déchiqueté. »

Le bagne des ténèbres par Laurent Genefort

Fiche de Le bagne des ténèbres

Titre : Le bagne des ténèbres
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1988
Editeur : Fleuve noir

Première page de Le bagne des ténèbres

« La trappe bascula dans un bruit de tonnerre sur l’homme accroupi dans la sphère. Un McM9 s’occupa de sceller les rivets explosifs au reste de la structure.

« Trois minutes avant éjection », pulsa une puce LED dans sa vision périphérique. Le chuintement de l’air dans le scaph : quatre heures d’oxygène après son largage de la navette régulière dans l’atmosphère délétère de Kro.

Kro : une planète dont on avait renoncé depuis longtemps à terraformer la surface, ce pour deux raisons majeures : sa pesanteur, équivalant à peu près au double de celle de la Terre, et sa jeunesse, à peine deux milliards d’années. Kro était un monde en gestation, à la croûte terrestre encore brûlante, à l’activité volcanique intense. L’atmosphère était un délicieux mélange de méthane, d’ammoniac et de quelques autres composés mortels. Les seules pluies qui arrosaient le continent
étant sulfureuses… ou météoriques.

Derrière le hublot de polysilicate, l’homme crut voir le robot lui adresser un signe d’adieu. Peut-être programmé par un pilote qui raconterait en rentrant à ses copains : « Une bonne action, les gars. Le type jeté sur Enfer, sa dernière pensée sera sûrement pour moi ! »

Extrait de : L. Genefort. « Le bagne des ténèbres. »

La troisième lune par Laurent Genefort

Fiche de La troisième lune

Titre : La troisième lune
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1994
Editeur : Fleuve noir

Première page de La troisième lune

« Depuis un an, son nom était Snaut.
Des bourrasques heurtaient son casque intégral comme des coups de poings élastiques. Engoncé dans la combinaison noire, les hanches comprimées par le harnais de vol, son corps paraissait flotter au centre du balancier de sustentation trapézoïdal, insensible au froid d’altitude. Quatre cent soixante mètres sept dixièmes, précisait la sonde laser. Moins deux degrés centigrades.
De la main gauche, il pesa sur le balancier de gouverne, lâcha une giclée de gaz. Le microléger prit de l’erre, s’inclinant sur l’aile pour s’engouffrer dans le flux ascendant.
Le chuintement du vent grimpa d’un ton. L’obscurité était presque complète, mais le casque amplifiait les lumières scintillantes de la ville qui se déroulait sous lui, ainsi que celle, blafarde, de la troisième lune. La lune des miracles, lui avait confié Avram. Sous la visière se surimprimaient les courbes vert fluo des courants aériens. »

Extrait de : L. Genefort. « La troisième lune. »

L’homme qui n’existait plus par Laurent Genefort

Fiche de L’homme qui n’existait plus

Titre : L’homme qui n’existait plus
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1996
Editeur : Fleuve noir

Première page de L’homme qui n’existait plus

« Des applaudissements saluèrent le départ du cargo. Mais de toute évidence, le cœur n’y était pas. Les huit hommes assemblés dans la rotonde de détente de Kibrilon savaient qu’ils allaient partir eux aussi.
Les écrans disposés sur le pourtour montraient sous divers angles l’appareil accélérant vers Satori pour échapper à la gravité de la planète. Par effet de fronde, comme ils disaient. Le Samedi, vieux tanker pansu à combustion de cinq cent mille tonnes, ressemblait à un concombre d’aluminium strié dans le sens de la longueur.
— L’avant-dernier, murmura Monge, un technicien responsable du circuit sanitaire, en grignotant un gâteau d’apéritif. Direction Bernal. Il ne reste plus que nous, la dernière garde. Le Jour-du-Seigneur appareille dans quatre heures à peine.
Il avait dit Jour-du-Seigneur, et non Dimanche. On ne le voyait guère sans un casque d’audition sur les oreilles. Le petit homme remuant et grassouillet avait une réputation de mélomane érudit. »

Extrait de : L. Genefort. « L’homme qui n’existait plus. »

Haute-enclave par Laurent Genefort

Fiche de Haute-enclave

Titre : Haute-enclave
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1993
Editeur : Fleuve noir

Première page de Haute-enclave

« Dès qu’il fut seul, le conseiller-sénateur Morje Lartigue ouvrit le sachet d’une pression du pouce, et la pilule roula au creux de sa paume. Il ignorait la composition de la poudre contenue dans la capsule de gélatine noire, il savait seulement qu’elle procurait une mort rapide et indolore. À ses pieds gisait, froissé, le papier rose d’une assignation à comparaître devant le tribunal directorial des Pairs. Machinalement, il vérifia l’ordonnancement de sa tenue d’apparat, brodée sur l’épitoge de la rosace symbolisant l’Entente de l’ensemble des Habitats Humains.
La chambre du palais Lartigue avait la nudité d’une cellule. On avait coutume de l’appeler l’aquarium, à cause du miroir sans tain qui mangeait un pan du mur ouest. Derrière les trente millimètres blindés de la vitre, un tramway à étages faisait pesamment le tour de l’agora Vladmir Kavine, pour se diriger la base de l’axe Merritt, l’un des deux rayons qui reliaient la jante du tore Driov à son moyeu. Les jardins suspendus multicolores de l’agora symbolisaient à eux seuls l’opulence de la capitale. »

Extrait de : L. Genefort. « Haute-enclave. »

Elaï par Laurent Genefort

Fiche de Elaï

Titre : Elaï
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1992
Editeur : Fleuve noir

Première page de Elaï

« Mon nom est Plaike. Plaike tout court. « Drôle de nom pour un drôle de bonhomme », avait coutume de dire Fraimont.
Fraimont et moi formions une bonne équipe, sans doute parce qu’il était aussi cinglé que moi – assez, en tout cas, pour nous permettre de rester en vie jusqu’à maintenant.
Je dis « maintenant », parce que deux gus nous filaient le train depuis l’aube. Fraimont m’interrogea du regard. Avec sa peau de jais, le buisson crépu de ses cheveux et ses traits épatés, il faisait penser à un grand épouvantail goudronné. Ce que les Aragiens purs et durs, adeptes de la suprématie de la race blanche, nomment un nègre.
J’opinai du chef en réponse : d’accord pour les coincer.
Deux semaines à Callonéo nous avaient permis de connaître le port dans ses moindres recoins. La capitale du Méliador se présentait comme un échiquier dont il valait mieux n’ignorer aucune case. »

Extrait de : L. Genefort. « Elaï. »

Arago par Laurent Genefort

Fiche de Arago

Titre : Arago
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1983
Editeur : Fleuve noir

Première page de Arago

« Les bandes de cuir du lit craquèrent lorsque Sam Pendrek se retourna. Quelque chose l’avait éveillé.
Ses yeux parcoururent l’agencement de la cabine. Aucune décoration, hormis une plaque de daguerréotype. Le cliché, une lame de cuivre enduite d’un vernis mat, montrait un homme pris au piège d’un site désolé ; alourdi d’un étrange appareillage, l’homme se fondait dans la grisaille morne du marécage de l’Averne. C’était du moins ce que lui avait affirmé le vendeur du souk souterrain de Callonéo. C’était manifestement un faux, patiné, pour donner le change, à la térébenthine. Mais Pendrek s’en fichait. L’image avait une plus grande valeur que celle que pouvait lui conférer une douteuse authenticité.
Il s’assit et un frisson le parcourut. Un bourdonnement grimpait du sol de métal le long de ses mollets. Et avec lui, la sensation qu’un incident s’était produit. Pendrek passa une main sur le duvet de son crâne. Inutile qu’il se recouche, c’en était fait du sommeil. »

Extrait de : L. Genefort. « Arago. »