Étiquette : Serval
L’exode par Gene Wolfe
Fiche de L’exode
Titre : L’exode (Tome 4 sur 4 – Le livre du long soleil)
Auteur : Gene Wolfe
Date de parution : 1996
Traduction : N. Serval
Editeur : Le livre de poche
Première page de L’exode
« Un silence lugubre planait sur les ruines de la villa. Seul le vent gémissait, faisant claquer le drapeau blanc que tenait mater Menthe.
– Phæsdi, ils étaient in situ, fit Rémora. L’Ayuntamiento, hum ?
Ils parvinrent à la hauteur d’un talus mort, les flancs rongés par les flammes et noircis de fumée. L’air empestait l’huile de poisson, en dépit du vent.
– Réparable, remarqua Rémora en repoussant une mèche de cheveux bruns de devant ses yeux. Pas comme nous autres, pauvres êtres biochimiques. Néanmoins, nous adressons leur… esprit à l’Unité Centrale.
– Et s’ils n’en avaient pas ? murmura mater Menthe.
Elle s’était arrêtée pour attendre Rémora et en profitait pour scruter les fenêtres de l’ex-demeure de Sangre. Sa réflexion frisait l’hérésie, toutefois Rémora préféra ne pas s’y attarder :
– S’ils n’y étaient pas… Loris et les autres ? Est-ce que… Buffle ?
– Bison, rectifia Menthe. Le colonel Bison. »
Extrait de : G. Wolfe. « L’Exode – Le livre du long soleil. »
Côté lac par Gene Wolfe
Fiche de Côté lac
Titre : Côté lac (Tome 2 sur 4 – Le livre du long soleil)
Auteur : Gene Wolfe
Date de parution : 1995
Traduction : N. Serval
Editeur : Le livre de poche
Première page de Côté lac
« Le silence s’abattit, aussi brutal qu’un ordre, à l’instant où pater Organsin ouvrit la porte du vieux presbytère à l’angle des rues du Soleil et de l’Argent. Licorne, le plus grand des garçons du palæstra, se tenait très droit sur la chaise la moins confortable de la minuscule sellaria. Organsin devina qu’il s’était laissé tomber dessus en entendant le déclic du loquet.
Le crave nocturne (une fois la porte refermée, Organsin se rappela lui avoir donné le nom d’Oreb) était perché sur le dossier tapissé du fauteuil des « invités ».
– Salut, croassa Oreb. Organsin, bon !
– Bonsoir à tous les deux. Que Tartaros vous bénisse !
Licorne s’était levé à son entrée ; il lui fit signe de se rasseoir.
– Mille excuses, Licorne. Mater Rose m’avait annoncé ta visite mais je l’avais oubliée. Il s’est passé tellement… Ô Sphigx ! Sphigx, aie pitié de moi ! »
Extrait de : G. Wolfe. « Côté lac – Le livre du long soleil. »
Côté nuit par Gene Wolfe
Fiche de Côté nuit
Titre : Côté nuit (Tome 1 sur 4 – Le livre du long soleil)
Auteur : Gene Wolfe
Date de parution : 1994
Traduction : N. Serval
Editeur : Le livre de poche
Première page de Côté nuit
« Pater Organsin reçut l’illumination sur le terrain de jeu. Après ça plus rien ne fut pareil. Plus tard, quand il y repensait à la faveur du silence de la nuit, il se rappelait toujours avoir ressenti une présence jusque-là cachée derrière lui. Après des années d’un mutisme prudent, elle s’était décidée à lui parler à l’oreille. L’équipe des grands venait encore de marquer, Licorne allait s’emparer de la balle quand des voix s’étaient manifestées à Organsin, lui dévoilant des bribes d’invisible.
L’absurde mécanique du temps s’était brusquement enrayée. Licorne allait saisir la balle quand son sourire s’était figé pour l’éternité…
… Le défunt pater Bécard marmonnait des prières en tranchant la gorge d’un lapin moucheté acheté par ses soins…
… Le cadavre d’une femme dans une ruelle et les gens du quartier…
… Un tapis de lumières éparses, pareilles à des villes dans le ciel nocturne (et le sang chaud du lapin qui coulait sur les mains glacées de pater Bécard)… »
Extrait de : G. Wolfe. « Côté nuit – Le livre du long soleil. »
Je suis une légende par R. Matheson
Fiche de Je suis une légende
Titre : Je suis une légende
Auteur : Richard Matheson
Date de parution : 1954
Traduction : N. Serval
Editeur : Gallimard
Première page de Je suis une légende
« Lorsque le ciel – comme c’était le cas ces jours-ci – était nuageux, Robert Neville ne se rendait pas toujours compte de l’approche du soir, et parfois ils auraient pu envahir les rues avant qu’il ne fût rentré chez lui.
S’il avait eu l’esprit plus précis, il aurait pu calculer approximativement le moment de leur arrivée ; mais il avait gardé la vieille habitude de s’en remettre à la couleur du ciel. Par temps couvert, cette méthode n’était pas sûre et c’est pourquoi, ces jours-là, il préférait ne pas s’éloigner de sa demeure…
Il fit le tour de la maison, une cigarette collée au coin de la bouche, et examina chaque fenêtre pour s’assurer qu’aucune planche ne manquait : après certains assauts particulièrement violents, il arrivait que plusieurs fussent fendues ou à demi arrachées. Il lui fallait alors les remplacer, et il détestait cela. Aujourd’hui, une seule manquait. « Curieux », pensa-t-il… »
Extrait de : R. Matheson. « Je suis une légende. »
Le baiser aux abeilles par J. Carroll
Fiche de Le baiser aux abeilles
Titre : Le baiser aux abeilles
Auteur : J. Carroll
Date de parution : 1998
Traduction : N. Serval
Editeur : Flammarion
Première page de Le baiser aux abeilles
« Je déteste manger seul. C’est une des raisons qui m’ont poussé à devenir célèbre. Le spectacle d’une personne mangeant seule en public a quelque chose d’à la fois pathétique et déplaisant. Mieux vaut encore rester à la maison et dîner devant la télé d’une soupe en boîte et d’une poignée de crackers que d’attendre tout seul à table qu’on vous serve un repas solitaire et mélancolique.
Je déjeunais avec mon agent, Patricia Chase, quand j’ai fait cette réflexion. Patricia est une grande et belle femme avec des couilles en titane. Elle m’a regardé avec une expression qui m’est devenue familière depuis vingt ans que je la connais, un mélange tout à fait unique d’amusement, d’agacement et de réprobation.
« Où vas-tu chercher des idées pareilles, Sam ? Mais je ne connais rien de plus merveilleux que d’être seule à table ! »
Extrait de : J. Carroll. « Le baiser aux abeilles. »
L’aube du huitième jour par J. Carroll
Fiche de L’aube du huitième jour
Titre : L’aube du huitième jour
Auteur : J. Carroll
Date de parution : 2001
Traduction : N. Serval
Editeur : Flammarion
Première page de L’aube du huitième jour
« Ne jamais acheter de vêtements jaunes ni de cuir bon marché : tel est mon credo – un parmi d’autres. Vous savez ce qui me plaît le plus ? C’est de voir des gens se tuer. Ne vous méprenez pas ; je ne parle pas ici des pauvres cloches qui se jettent par la fenêtre ou fourrent leur tête d’abruti dans un sac plastique. Je ne parle pas non plus des tournois de « Mortal Kombat », où une bande de molosses enragés et coiffés en brosse n’arrêtent pas de se sauter à la gorge. Imaginez plutôt un type au visage plombé qui allumerait une Camel en pleine rue et vous recracherait ses poumons à la première bouffée… Bien fait pour toi, mon vieux ! Vive la nicotine, l’acharnement et l’auto-complaisance.
« Eh ! Jimmy, remets-nous ça », braille Sa Majesté Cholestérol, assis au bout du comptoir. Il a le nez rouge comme une pivoine et une tension assez élevée pour l’expédier chez Pluton avec toute sa lignée. Satisfaction, masse, texture… Une crise cardiaque le terrassera en quelques secondes. »
Extrait de : J. Carroll. « L’aube du huitième jour. »
Sur les ailes du cauchemar par L. Tuttle
Fiche de Sur les ailes du cauchemar
Titre : Sur les ailes du cauchemar
Auteur : L. Tuttle
Date de parution : 1992
Traduction : N. Serval
Editeur : Denoël
Sommaire de Sur les ailes du cauchemar
- Sur les ailes du cauchemar
- Sans regrets
- Affaire de peau
- Le champ de pierres
- Le cabinet des esprits
- Lézard du désir
- La colonisation d’Edwin Beal
- Des maris
- Le coeur d’une mère : une véridique histoire d’ours
- L’autre chambre
- Un bout de corde
- En pièces détachées
- Souvenirs du corps
Première page de Sur les ailes du cauchemar
« Le crépuscule, l’heure bleue… Depuis le balcon de son sixième étage, Tess O’Neal contemplait l’étendue incertaine des banlieues de La Nouvelle-Orléans, un ensemble confus d’arbres verts et de maisons multicolores où les premiers feux du soir scintillaient comme des joyaux. Ce moment de la journée lui inspirait une douce mélancolie, un sentiment nostalgique d’ordinaire agréable. Mais pas ce jour-là. Pour une fois, elle regrettait d’être seule devant le soir.
Gordon avait reporté leur rendez-vous. Ce n’était pas une catastrophe – il avait promis qu’ils passeraient le dimanche ensemble – mais Tess s’était inquiétée de ce changement de programme, et elle l’avait pressé de questions.
« Quelque chose ne va pas ? »
Il avait hésité, peut-être surpris de la vivacité de sa réaction. « Mais non… Jude avait des projets, et »
Extrait de : L. Tuttle. « Sur les ailes du cauchemar. »
Gabriel par L. Tuttle
Fiche de Gabriel
Titre : Gabriel
Auteur : L. Tuttle
Date de parution : 1987
Traduction : N. Serval
Editeur : Denoël
Première page de Gabriel
« Il avait hérité sa longue chevelure aile-de-corbeau d’un arrière-grand-père indien. De sa grand-mère galloise, il disait tenir son talent et ses yeux bleus. La silhouette fine et nerveuse était celle de son père. Son caractère emporté et colérique lui était strictement personnel, je pense, comme les cicatrices de sa main gauche, comme sa mort violente et prématurée.
Il s’appelait Gabriel Archer et avait été mon mari durant onze mois. Il était mort à vingt-trois ans, à quelques jours de mon dix-neuvième anniversaire. Dix ans plus tard presque jour pour jour, il était revenu me hanter.
À dire vrai, il ne m’avait jamais laissée en paix. Mais avec le temps, la douleur s’était atténuée et le souvenir de notre brève union me paraissait aussi lointain que mon enfance. »
Extrait de : L. Tuttle. « Gabriel. »
La pièce d’à côté par Jack Finney
Fiche de La pièce d’à côté
Titre : La pièce d’à côté
Auteur : Jack Finney
Date de parution : 1968
Traduction : N. Serval
Editeur : Denoël
Première page de La pièce d’à côté
« Sur les six heures trente d’une aube gris lavasse dopée au 220, l’alarme du réveil résonnant encore à mes oreilles, j’ai gagné la salle de bains à tâtons, les yeux fermés, histoire de grappiller quelques secondes supplémentaires de sommeil. Je me suis planté devant le miroir de l’armoire à pharmacie, espérant comme d’habitude qu’un miracle aurait eu lieu pendant la nuit. Mais rien n’avait changé, en tout cas pas en mieux.
Toujours la même vieille gueule pas rasée d’abruti presque trentenaire ; toujours la même tignasse queue de vache rebiquant en tous sens comme une poignée de clous rouillés ; toujours les mêmes yeux injectés de basset artésien. « Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le roi des tocards ?
— Toujours pareil, a répondu la voix grave et familière. Tu es au coude à coude avec un berger australien alcoolo et un usurier de Beyrouth. Mais on dirait que c’est toi qui tiens la corde. » Une main céleste émergeant de la manche brodée d’or d’une longue robe blanche est alors descendue du plafond, armée d’un énorme tampon en caoutchouc, et a imprimé sur mon front, en noir et en capitales, les quatre lettres du mot raté. »
Extrait de : J. Finney. « La pièce d’à côté. »