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Les peaux-épaisses par Laurent Genefort

Fiche de Les peaux-épaisses
Titre : Les peaux-épaisses
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1992
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les peaux-épaisses
« Une semaine que Roko moisissait dans une cabine de troisième classe sans hublot, dans un rafiot postal pourri. Une semaine à pianoter sur un terminal tout aussi pourri pour y piocher trois lignes de renseignements.
Hyllos : une naine brune autour d’un soleil massif, chauffé à blanc – un globe d’hydrogène et de méthane quarante fois plus lourd que Jupiter, touillé d’orages grands comme dix Terre.
— Et c’est dans cet endroit charmant que je me rends, grommela Roko en poursuivant le défilement du moniteur.
Le moniteur reflétait l’image verdâtre d’un gabarit mi-lourd d’une quarantaine d’années, à l’expression neutre, aux muscles longilignes de coureur de fond. Étrangement, l’écran ne parvenait pas à saisir ses yeux, qui restaient plongés dans l’ombre – à moins qu’ils ne fussent de la même couleur que l’écran.
La “forme de vie dominante” était un truc médusoïde de dix kilomètres de diamètre, dérivant à la façon d’une montgolfière dans la stratosphère de la super-jovienne. »
Extrait de : L. Genefort. « Les peaux-épaisses. »
Les opéras de l’espace par Laurent Genefort

Fiche de Les opéras de l’espace
Titre : Les opéras de l’espace – l’intégrale
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 2014
Editeur : Gallimard
Première page de Les opéras de l’espace
« Axelkahn était parvenu à l’apogée du dernier mouvement de La sphinge apprivoisée lorsque sa voix défaillit.
Cette seconde précise marqua le prélude de sa déchéance.
La décence imposait aux artistes de porter un masque en présence des personnalités de Seroa. Spécialement conçu pour l’opéra adapté de la Deuxième symphonie de Zemön, l’objet tenait davantage du loup, en laissant le bas du visage à découvert. Il représentait un vieil archéarque sur le point de mourir. Axelkahn portait un pantalon à lacets qui collait aux cuisses. Une toge ample, étudiée pour dissimuler au mieux son embonpoint, le drapait.
L’orchestre offrait ce qu’il y avait de mieux dans la Rosace en termes de musiciens. Ce qui n’empêchait pas les violons de se révéler aussi exécrables que les cuivres. Le balinet le décevait un peu moins – si peu cependant !
Cela n’avait guère d’importance. La qualité de l’orchestre ne comptait plus dès lors que son chant s’élevait.
Il y avait foule, comme d’habitude. Des notables bien sûr, mais aussi de simples colons, du moins ceux qui avaient les moyens de payer la place. Les autres devraient se contenter des enregistrements clandestins. Depuis seize ans qu’Axelkahn chantait, il n’existait aucun enregistrement officiel. »
Extrait de : L. Genefort. « Les opéras de l’espace. »
Les engloutis par Laurent Genefort

Fiche de Les engloutis
Titre : Les engloutis
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1999
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les engloutis
« Ruben essayait en vain de se concentrer sur la partie de dominos en cours. Sans cesse, ses yeux revenaient à la porte blindée derrière lui, que la vitre de la porte, au bout de la travée, réfléchissait. Avachis sur des strapontins, les deux gardes de faction ronflaient bruyamment, leur casque à leurs pieds. L’un d’eux bavait aux commissures des lèvres. À part les policiers, le compartiment du wagon pressurisé était vide.
— Tu n’es pas au jeu, lui reprocha Pavjid en posant un double trois. Ne me dis pas que tu penses encore à tes foutus problèmes de N-7… Carré.
Pendant que le systématicien ramassait les quatre dominos sur le damier noir et jaune, Ruben délaissa la porte vitrée pour diriger son regard vers la fenêtre blindée. Une plaine tourmentée, jonchée d’une caillasse grise, s’étendait jusqu’à l’horizon incliné de cinq degrés par la perspective déchiquetée des Monts Himmelen, vers lequel le petit soleil blanc-jaune déclinait. À ce point de la terraformation, Hanouri était toujours un désert rébarbatif, dont la biomasse se réduisait pour l’essentiel à des bactéries extrémophiles, des lichens et des fougères à haut rendement photosynthétique. »
Extrait de : L. Genefort. « Les engloutis. »
Les chasseurs de sève par Laurent Genefort

Fiche de Les chasseurs de sève
Titre : Les chasseurs de sève
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1994
Editeur : Fleuve noir
Première page de Les chasseurs de sève
« Le soleil tombait en oblique de la voûte, par le filtre vert de la frondaison. Certaines feuilles, vernissées comme des piments, s’enroulaient sur elles-mêmes, à l’instar de grosses chenilles inertes.
— Eh, Piérig ! lança Masir dans son dos. Tu as une crampe ou quoi ? C’est à ton tour de pédaler.
— Tu as un sablier dans la tête, répliqua Piérig un peu agacé. À la prochaine colonne, d’accord ?
À l’instant où il disait cela, l’écho d’un craquement se répercuta dans l’Arche. Un bruit qui avait quelque chose d’un clappement de mâchoire gigantesque, et qui provenait d’en bas. Instinctivement, les muscles du jeune homme se contractèrent. Il n’avait pas peur d’une éventuelle rupture de l’alliane qui les portait, non. Il pensait à l’Histoire. Ventremonde, l’ogre-monde d’où était née l’humanité, quand le temps ne coulait pas de la même manière.
Ventremonde avait modelé l’homme et la femme sur ses flancs de roc, les avait nourris de sa terre, afin de les avaler, une fois qu’ils auraient procréé en nombre suffisant pour apaiser sa faim. »
Extrait de : L. Genefort. « Les chasseurs de sève. »
Le sang des immortels par Laurent Genefort

Fiche de Le sang des immortels
Titre : Le sang des immortels
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1997
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le sang des immortels
« Le temps-rapide, parfois, le rappelait à l’ordre.
Le temps des sang-rouge, des humains. Le seul en tout cas que leur cerveau était capable de concevoir. Souvent, ils venaient le trouver dans sa caverne et déverser sur lui des torrents d’ondes acoustiques organisées – des mots. Le Drac les écoutait. Quand une cellule de sa multiconscience (autrement dit son moi-rapide) émergeait dans le temps-rapide, elle en profitait pour remettre à jour ses connaissances dans le langage des sang-rouge. Le Drac l’avait forgé dès le début à leur intention, mais il variait un peu au cours des années, même si eux ne changeaient pas.
Une cellule de sa multiconscience se détacha de son moi-lent, afin d’intégrer les données acquises récemment. Il faisait jour, la mousson était passée à en juger par la couleur du liseron, à l’entrée rectangulaire de son repaire. Son corps, vieux de cent mille ans, conservait sa cohérence originelle et ne souffrait d’aucune défaillance. »
Extrait de : L. Genefort. « Le sang des immortels. »
Le monde blanc par Laurent Genefort

Fiche de Le monde blanc
Titre : Le monde blanc
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1992
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le monde blanc
« Les bonbonnes métalliques s’entrechoquaient dans un silence de mort. Bouteilles encombrantes, craquelées, d’un blanc émaillé les faisant paraître fragiles, à la limite de l’éclatement. Lester en percevait le martèlement sourd à travers les boudins de ses gants. « Un jour, songea le garçon, elles vont exploser entre mes mains, et m’asperger de liquide à moins 200°… Mes doigts gèleront, ma peau collera au rembourrage intérieur ! il faudra les découper au laser… »
Bien sûr, il exagérait. Cet accident ne s’était produit qu’une fois dans le passé. Une seule fois. Mais Lester avait besoin de concentrer sa haine sur quelque chose pour ne pas la laisser éclater dans la radio.
— Saloperies de bouteilles…
Il détestait les corvées d’entretien : chacune d’elles lui rappelait dans quel état de délabrement se trouvaient les centres vitaux de l’arcologie. »
Extrait de : L. Genefort. « Le monde blanc. »
Le continent déchiqueté par Laurent Genefort

Fiche de Le continent déchiqueté
Titre : Le continent déchiqueté
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1997
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le continent déchiqueté
« Les étoiles clignotèrent dans la Porte de Vangk, avant de disparaître. Le plan singulaire se formait, ouvrant une faille de néant à l’intérieur de la construction spatiale en forme d’anneau. Cet anneau mesurait un peu plus d’un kilomètre et demi de diamètre. Durant une période estimable en millisecondes, un vaisseau se matérialisa, fonçant à six kilomètres par seconde vers Ophius, une étoile avortée autour de laquelle orbitait la Porte de Vangk.
La Porte se referma, pour se rouvrir douze secondes plus tard. Au bout d’une minute et demie, elle avait régurgité sept navires, de tailles, de formes et de fonctions différentes. Aucun d’entre eux ne portait de pavillon, ni de signe distinctif. Leurs transmissions étaient codées selon des protocoles sécurisés de haut niveau.
Six vaisseaux commencèrent aussitôt à décélérer, tout en déployant leurs trajectoires tactiques vers Ophius. »
Extrait de : L. Genefort. « Le continent déchiqueté. »
Le bagne des ténèbres par Laurent Genefort

Fiche de Le bagne des ténèbres
Titre : Le bagne des ténèbres
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1988
Editeur : Fleuve noir
Première page de Le bagne des ténèbres
« La trappe bascula dans un bruit de tonnerre sur l’homme accroupi dans la sphère. Un McM9 s’occupa de sceller les rivets explosifs au reste de la structure.
« Trois minutes avant éjection », pulsa une puce LED dans sa vision périphérique. Le chuintement de l’air dans le scaph : quatre heures d’oxygène après son largage de la navette régulière dans l’atmosphère délétère de Kro.
Kro : une planète dont on avait renoncé depuis longtemps à terraformer la surface, ce pour deux raisons majeures : sa pesanteur, équivalant à peu près au double de celle de la Terre, et sa jeunesse, à peine deux milliards d’années. Kro était un monde en gestation, à la croûte terrestre encore brûlante, à l’activité volcanique intense. L’atmosphère était un délicieux mélange de méthane, d’ammoniac et de quelques autres composés mortels. Les seules pluies qui arrosaient le continent
étant sulfureuses… ou météoriques.
Derrière le hublot de polysilicate, l’homme crut voir le robot lui adresser un signe d’adieu. Peut-être programmé par un pilote qui raconterait en rentrant à ses copains : « Une bonne action, les gars. Le type jeté sur Enfer, sa dernière pensée sera sûrement pour moi ! »
Extrait de : L. Genefort. « Le bagne des ténèbres. »
La troisième lune par Laurent Genefort

Fiche de La troisième lune
Titre : La troisième lune
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 1994
Editeur : Fleuve noir
Première page de La troisième lune
« Depuis un an, son nom était Snaut.
Des bourrasques heurtaient son casque intégral comme des coups de poings élastiques. Engoncé dans la combinaison noire, les hanches comprimées par le harnais de vol, son corps paraissait flotter au centre du balancier de sustentation trapézoïdal, insensible au froid d’altitude. Quatre cent soixante mètres sept dixièmes, précisait la sonde laser. Moins deux degrés centigrades.
De la main gauche, il pesa sur le balancier de gouverne, lâcha une giclée de gaz. Le microléger prit de l’erre, s’inclinant sur l’aile pour s’engouffrer dans le flux ascendant.
Le chuintement du vent grimpa d’un ton. L’obscurité était presque complète, mais le casque amplifiait les lumières scintillantes de la ville qui se déroulait sous lui, ainsi que celle, blafarde, de la troisième lune. La lune des miracles, lui avait confié Avram. Sous la visière se surimprimaient les courbes vert fluo des courants aériens. »
Extrait de : L. Genefort. « La troisième lune. »
La mécanique du talion par Laurent Genefort

Fiche de La mécanique du talion
Titre : La mécanique du talion
Auteur : Laurent Genefort
Date de parution : 2003
Editeur : L’Atalante
Première page de La mécanique du talion
« LES TROIS HOMMES et le robot ne se pressaient pas. Sûrs d’eux, ils pistaient Léodor Kovall à distance à travers la ville.
Les poumons en feu, ce dernier ne courait plus. Haletant, il n’avait plus que la force de marcher.
Ils me forcent à fuir. Ils m’humilient, moi, le chef de la sécurité de Larsande !
Comme si ce titre signifiait encore quelque chose.
Un sursaut de fierté faillit le faire pivoter pour affronter ses poursuivants, mais l’image de ce que ses lieutenants avaient subi lui revint en mémoire – Anoun, Draco, Halmet… tous morts – et il se remit à clopiner avec l’énergie du désespoir. Ses pas provoquèrent la fuite d’un tromperat dodu qui lézardait sur le bord du trottoir. Une solitude effrayante écrasait Larsande. Depuis le début de la traque, les rues étaient silencieuses, comme si tout le monde s’était donné le mot.
L’immeuble d’Anoun se trouvait à deux pas. Kovall avait un passe. Il y trouverait peut-être une arme. Non pour se défendre mais pour se supprimer avant qu’ils ne le prennent et s’épargner ainsi des souffrances sans nom. »
Extrait de : L. Genefort. « La mécanique du talion. »