Auteur/autrice : CH91

 

Immolations de Thierry Bataille, Sylviane Corgiat et Bruno Lecigne

Fiche de Immolations

Titre : Immolations
Auteur : Thierry Bataille, Sylviane Corgiat et Bruno Lecigne
Date de parution : 1987
Editeur : Fleuve noir / Gore

Première page de Immolations

« Les hommes étaient arrivés sur l’île, en bateau, quelques jours plus tôt. La Chose les attendait. Elle les attendait depuis longtemps et, à présent, l’odeur humaine pénétrait enfin ses narines, excitant irrésistiblement l’agglomérat de muscles, de crocs et de griffes qui était son corps.
La Chose renifla pendant des heures les traces laissées sur la plage et autour des habitations. Elle était affamée. Sa gorge était desséchée, comme brûlée par du sel. En vérité, la Chose souffrait cruellement. Alors, elle rêvait. Elle rêvait d’un sang chaud et onctueux inondant sa bouche, de chairs élastiques et palpitantes remplissant son ventre.
MORDRE.
HAPPER.
DECHIRER.
Elle attendait depuis si longtemps ! Comme une litanie, et bien que ce ne fût pas à proprement parler des mots, ces mots seuls mobilisaient la partie la moins brumeuse de son cerveau : déchiqueter un homme, le ronger vivant jusqu’au squelette. »

Extrait de : Bataille, Corgiat et Lecigne. « Immolations. »

Rites d’infamie par George McKenna

Fiche de Rites d’infamie

Titre : Rites d’infamie
Auteur : George McKenna
Date de parution : 1981
Traduction : E. Magyar
Editeur : Fleuve noir / Gore

Première page de Rites d’infamie

« Son intuition aurait dû le mettre en garde et lui crier de s’éloigner  ; pourtant, lorsqu’il aperçut pour la première fois la côte sud d’Haïti, il ne ressentit que la fièvre de l’aventure.

L’énorme masse rocailleuse du Massif surplombant la petite ville d’Etroits formait un rempart infranchissable qui semblait couper cette région du reste du monde. Du petit navire marchand qui le conduisait à Etroits, Ben Hammond admira les harmonies colorées du port : les tuiles orangées des toits étaient caressées par l’épaisse frange verte des palmiers, et les hibiscus et les bougainvilliers formaient des taches gaies et éclatantes. Le reste paraissait délavé par le soleil  ; un léger nuage de poussière, dansant paresseusement au loin, voilait de gris les vieilles maisons de la ville et les falaises alentour.

Du bateau, les silhouettes qu’il pouvait apercevoir semblaient se mouvoir avec une lenteur léthargique. Il n’y avait pas de mobylettes, pas d’usines crachant leurs lourdes et noires fumées, pas de voitures, de camions ni de bus. Rien qui rappelât le XXe siècle. C’était exactement ce qu’il cherchait. »

Extrait de : G. McKenna. « Rites d’infamie. »

Greffes profondes par Jean Viluber

Fiche de Greffes profondes

Titre : Greffes profondes
Auteur : Jean Viluber
Date de parution : 1990
Editeur : Vaugirard

Première page de Greffes profondes

« Un bruit sourd et mou. Celui d’un corps disloqué jeté à terre, sans rebond. Sur le sol, une ombre referma le portail et disparut. Un pas lourd, ralenti par la boue, s’éloigna. La porcherie vide regagna son silence, étouffée de chaleur et d’obscurité.

Une nuée de mouches bleues s’agitait dans l’unique rai de lumière qui tombait de l’œil-de-bœuf surmontant le portail. Des reniflements… Le charognard, tapi dans la pénombre, repéra la proie, mais c’était son odorat qui le guidait. En quelques pas rapides, il fut devant la petite forme inerte qui évoquait vaguement une silhouette humaine. Voûté au garrot, il jeta un dernier regard autour de lui pour s’assurer de sa solitude. D’un coup de mâchoire, il éclata la tête de son repas – guère plus de résistance que du cartilage – et mâcha furieusement, broyant, avalant, s’étouffant, crachant et ravalant le chaud mélange de cervelle, de fragments d’os, de gencives. La viande humide et encore tiède excita sa voracité. Sa première faim apaisée, il gloussa de satisfaction. »

Extrait de : J. Viluber. « Greffes profondes. »

Décharges par Jean Viluber

Fiche de Décharges

Titre : Décharges
Auteur : Jean Viluber
Date de parution : 1989
Editeur : Fleuve noir / Gore

Première page de Décharges

«  Deux auto-stoppeuses retenues de force pendant plusieurs heures par un automobiliste qui s’est livré sur elles à des sévices sexuels n’ont pu échapper à leur calvaire qu’en tuant le violeur tortionnaire avec son propre couteau, samedi vers 22 h près de Hernheim, apprenait-on hier auprès de la police… »
Salomé acheva de mastiquer le sandwich au jambon un peu trop caoutchouteux pour son dentier mal ajusté et replaça la page des faits divers au bon endroit dans le journal jauni datant de l’année passée. Elle replia le tout et le posa bien en évidence sur la pile monumentale qui encombrait tout un angle de la cuisine d’été.
— Bien fait ! grommela-t-elle en se promettant de récupérer cette coupure juteuse après la séance de jardinage. »

Extrait de : J. Viluber. « Décharges. »

Coupes sombres par Jean Viluber

Fiche de Coupes sombres

Titre : Coupes sombres
Auteur : Jean Viluber
Date de parution : 1987
Editeur : Fleuve noir / Gore

Première page de Coupes sombres

« Domi et Kate attendaient depuis trois bonnes heures qu’une des rares voitures passant sur cette nationale peu fréquentée veuille bien s’arrêter pour les prendre en stop. Une pluie fine et tenace avait fini par tremper les deux jeunes filles jusqu’aux os et rien ne permettait d’espérer une quelconque amélioration avant la tombée de la nuit.

– Je n’y comprends rien ! fulmina Domi en secouant ses cheveux blonds trempés. En général on a plus de chance.

– Tu devrais peut-être ôter ton imper, il faut bien dire qu’on n’est pas très présentables, suggéra Kate avec une pointe de malice.

Mais Domi n’avait plus la moindre once d’humour.

– C’est ça ! Excellente idée ! Et tu te cacheras dans le fossé pour ne pas effrayer le pigeon…

Elle s’interrompit car elle venait d’apercevoir une voiture dans la longue ligne droite si désespérément vide. Le véhicule approchait à grande vitesse ; c’était une BMW rouge qui ne faisait pas mine de ralentir malgré leurs signes plus insistants que de coutume. »

Extrait de : J. Viluber. « Coupes sombres. »

Supplices vaudous par W. A. Ballinger

Fiche de Supplices vaudous

Titre : Supplices vaudous
Auteur : W. A. Ballinger
Date de parution : 1966
Traduction : M. Lodigiani
Editeur : Fleuve noir / Gore

Première page de Supplices vaudous

« — Merde  ! C’est quand même incroyable  ! fulminait le superintendant James Churchill Dodds. Dire qu’avec toute mon ancienneté, j’en suis réduit à moisir dans ce foutu bureau où deux malheureux pygmées ne pourraient pas faire un mouvement sans se rentrer dedans  ! Quand je pense que lorsqu’ils ont distribué leurs nouveaux classeurs métalliques j’ai été le dernier sur la liste des attributions  ! Résultat je me retrouve coincé avec ces antiquités de meubles en bois qui doivent remonter aux guerres puniques. Coincé, c’est vraiment le mot. D’ailleurs, y a pas un seul de ces foutus tiroirs qui accepte de s’ouvrir sans un quart d’heure d’efforts, et une sacrée bordée de jurons  !

Quant au bureau proprement dit  ! Alors là, les mots lui manquaient carrément. Par trois fois, on lui avait promis un splendide bureau directorial flambant neuf. Et par trois fois, il lui était tout simplement passé sous le nez  ! »

Extrait de : W. A. Ballinger. « Supplices vaudous. »

Laurent Genefort

Présentation de Laurent Genefort :

Né en 1968 à Montreuil-sous-Bois, Laurent Genefort s’est imposé comme une figure majeure et prolifique de la science-fiction française contemporaine. Reconnu pour ses vastes univers, son sens du space opera et sa capacité à renouveler les thèmes classiques du genre, il est l’auteur d’une œuvre considérable qui explore aussi bien les confins de l’espace que les méandres de la fantasy.

Dès son plus jeune âge, Laurent Genefort se passionne pour la science-fiction, dévorant les classiques du genre. Cette passion précoce le mène à l’écriture : il publie son premier roman, Le Bagne des ténèbres, à seulement vingt ans, aux éditions du Fleuve Noir, devenant ainsi l’un des plus jeunes auteurs de la mythique collection « Anticipation ».

Parallèlement à sa carrière d’écrivain, il poursuit des études de lettres qui culminent avec l’obtention d’un doctorat portant sur les « livres-univers » dans la science-fiction, une thématique qui trouvera un écho profond dans sa propre production littéraire. Sa thèse analyse notamment des œuvres fondatrices comme Dune de Frank Herbert ou Noô de Stefan Wul, un auteur dont il adaptera plus tard le dernier roman, Noô, en bande dessinée.

L’œuvre de Laurent Genefort se caractérise par la création de mondes complexes et cohérents. Son cycle d’Omale, initié en 2001 et récompensé par le prix Rosny aîné, en est l’exemple le plus emblématique. Cet univers, la « Panstructure », sert de toile de fond à plusieurs de ses romans de space opera et illustre son talent pour le world-building ambitieux. Auparavant, son roman Arago avait déjà marqué les esprits en remportant le Grand Prix de l’Imaginaire en 1995.

Écrivain éclectique, Laurent Genefort s’aventure également avec succès dans la fantasy, notamment avec la série Alaet et la trilogie guerrière Hordes. Ses incursions dans l’uchronie, avec des titres comme Les Temps ultramodernes (également primé au prix Rosny aîné et au prix ActuSF de l’uchronie), témoignent de sa capacité à se réapproprier et à dynamiser les différents sous-genres de l’imaginaire. Son roman Lum’en a connu un succès critique notable, réalisant un triplé en remportant le Grand Prix de l’Imaginaire, le prix Rosny aîné et le prix Julia Verlanger en 2016.

Au fil des ans, Laurent Genefort a bâti une bibliographie impressionnante comptant une cinquantaine de romans et de nombreuses nouvelles. Son travail a été salué par de multiples distinctions, dont quatre Grands Prix de l’Imaginaire, attestant de son importance et de sa régularité au sommet de la science-fiction francophone.

Outre son travail d’écriture, Laurent Genefort a également œuvré comme scénariste pour le jeu vidéo (notamment pour From Dust d’Ubisoft), l’audiovisuel et la bande dessinée. Il a aussi dirigé des collections patrimoniales de science-fiction, contribuant à la redécouverte et à la transmission des classiques du genre.

Aujourd’hui, Laurent Genefort continue d’explorer de nouveaux horizons littéraires, confirmant son statut d’auteur incontournable, capable de conjuguer érudition, imagination foisonnante et plaisir du récit.

Livres de Laurent Genefort :

L’espace entre les guerres :

L’opéra de l’Espace :

Les chants de Felya :

Les ères de Wethrin :

Les temps ultramodernes :

Omale :

Spire :

Une aventure d’Alaet :

Wethrïn :

Intégrales :

Arago (1983)
Colonies (2019)
Elaï (1992)
Etoiles sans issue (2017)
Fleur (2012)
H3rm35 (2016)
Haute-enclave (1993)
Jennifer a disparu (2016)
L’homme qui n’existait plus (1996)
La mécanique du talion (2003)
La troisième lune (1994)
Le bagne des ténèbres (1988)
Le continent déchiqueté (1997)
Le monde blanc (1992)
Le sang des immortels (1997)
Les chasseurs de sève (1994)
Les engloutis (1999)
Les peaux-épaisses (1992)
Lum’en (2015)
Mémoria (2012)
Opexx (2022)
Points chauds (2012)
Rempart (2011)
Rézo (1993)

Pour en savoir plus sur Laurent Genefort :

La page Wikipédia sur L. Genefort
La page Noosfere sur L. Genefort
La page isfdb de L. Genefort

Yetig de la nef monde par Jean-Louis et Doris Le May

Fiche de Yetig de la nef monde

Titre : Yetig de la nef monde
Auteur : Jean-Louis Le May et Doris Le May
Date de parution : 1974
Editeur : Fleuve noir

Première page de Yetig de la nef monde

« Lestane se hissa d’une impulsion paresseuse jusqu’au niveau de la terrasse dont les achémantes se rétractèrent en émettant une bouffée de senteur légèrement acide. Elle n’avait jamais réussi à les corriger de la peur atavique de la présence mouvante, malgré la patience qu’elle déployait et ses tentatives de contact avec les mentals infiniment primitifs des sensitives. Elle les gronda gentiment et attendit que les premières d’entre elles ouvrent leurs calices pourpres pour s’en désintéresser. Dans la clairière, l’or commençait à imposer sa chaleur jusqu’alors maintenue à distance par le bleu azur, indiquant la fin de la course diurne de Saturne se rapprochant de l’horizon et laissant à Brilor la charge d’éclairer et de chauffer les surfaces diverses de cette portion de Ganéone.

La jeune femme aperçut Flogel galopant, coudes au corps, après la forme serpentine et velue du morobide malicieux qui participait aux jeux des enfants puis, sortant d’une touffe de jeunes lichens encore mauves et verts, Gaxiane, ébouriffée et piaillante, qui s’arrêta dans une tache de
lumière pour répondre à l’appel silencieux de sa mère. »

Extrait de : J.L et D. Le May. « Yetig de la nef monde. »

Vacances spatiales par Jean-Louis et Doris Le May

Fiche de Vacances spatiales

Titre : Vacances spatiales
Auteur : Jean-Louis Le May et Doris Le May
Date de parution : 1972
Editeur : Fleuve noir

Première page de Vacances spatiales

« Charm Selic leva les yeux et son nez aquilin se plissa, tandis qu’une moue exprimant un vague dégoût retroussait ses lèvres fortement charnues. Il hésita, soupira et décida que la lueur pulsante manquait autant d’à-propos que la sonnerie stridente qui l’accompagnait. Le collage des premières lisses sur le micro modèle n’était pas même terminé que, déjà, quelqu’un, quelque part, se souvenait de son existence.

— Ici, Charm 3022, j’écoute, grogna-t-il dans le tridi, après avoir pressé la touche réponse.

— 3022, salle trois, onzième secteur, pour info…

— Mais je rentre de mission ! S’exclama-t-il, le réarque m’a promis formellement…

— Couloir 30, douzième étage, 20 heures précises, termina la voix féminine adorablement modulée, sans paraître avoir entendu la protestation véhémente.

Il coupa rageusement la communication sans même se rendre compte qu’il n’avait pas eu d’image, faute d’avoir activé l’écran. Il était inutile d’essayer de discuter avec une transmettrice impersonnelle. »

Extrait de : J.L et D. Le May. « Vacances spatiales. »

Solution de continuité par Jean-Louis et Doris Le May

Fiche de Solution de continuité

Titre : Solution de continuité
Auteur : Jean-Louis Le May et Doris Le May
Date de parution : 1969
Editeur : Fleuve noir

Première page de Solution de continuité

« Derrière le verre teinté des lunettes à monture plaquée or, les yeux fatigués du secrétaire général des Nations unies se plissèrent, tandis qu’une ride se formait entre ses sourcils grisonnants. La journée s’annonçait mal. Les dépêches qui parvenaient sans interruption, au rythme diurne des grandes capitales de la planète, témoignaient de la volonté des deux groupes principaux de s’en tenir à leurs positions extrêmes. Une fois encore, incapables de s’unir, les représentants du Tiers-Monde, impuissants, joueraient les utilités sur la grande scène du théâtre de verre, simples figurants gesticulants, incapables d’influer sur le déroulement du drame.
Dans moins de deux heures, les délégués des États membres de l’Organisation commenceraient à assiéger le bureau du secrétaire général…, mais il n’y avait pas la moindre chance pour que, parmi eux, se trouve l’un des Grands. Les positions étaient rigides, les idéologies s’affrontaient avec une violence croissante, le processus implacable de l’escalade diplomatique renversait les unes après les autres les faibles barrières de la raison, dressées par quelques sages du monde et, une fois de plus, l’homme qui avait la redoutable mission de faire appliquer les décisions de l’Organisation, se sentit las. »

Extrait de : J.L et D. Le May. « Solution de continuité. »